Ces données sont élémentaires, mais leur analyse est rarement
faite. Puisque les partenaires sociaux ou les politiciens
démagogiques nous parlent sans cesse de la défense du
pouvoir d'achat, ils doivent comprendre que la dérive des
finances publiques (liée à l'extension sans limite de
l'intervention de l'État) conduit à une augmentation de
toutes les formes de fiscalité, soit par une création
d'impôts nouveaux ou de taxes nouvelles, soit par une
augmentation des impôts et taxes existantes. Ils doivent
aussi prendre conscience que la dérive des comptes sociaux
(liées à la multiplication des droits sociaux) conduit à une
augmentation des charges sociales selon le même principe:
création de nouvelles cotisations (CSG, RDS) et augmentation
des cotisations existantes. Comme on ne peut pas décréter un
accroissement du revenu sans avoir au préalable un
accroissement de productivité, l'effet cumulé de ces deux
dérives est de rétrécir le revenu disponible réel.
Mais, le
rétrécissement du revenu disponible ne déprime pas seulement
le pouvoir d'achat, il affecte aussi les capacités d'épargne
des ménages, sans lesquelles on ne peut financer les
investissements productifs. Or, sans investissement, il n'y
a aucune
chance de redresser la productivité: le seul ajustement
possible se fait donc sur le pouvoir d'achat. Et la France
est coincée dans une spirale pernicieuse tandis que
l'emballement des prélèvements de toute sorte accroît le
coût total du travail et réduit l'attrait économique du
territoire.
Si les candidats au poste suprême sont vraiment soucieux de
défendre le pouvoir d'achat comme ils l'affirment si
promptement dans leurs discours de campagne, alors ils
doivent briser ce cercle vicieux notamment en stoppant la
dérivé des comptes publics et sociaux, et donc finalement en
touchant au coeur de ce qui fait le « modèle social
français »: le périmètre de l'action publique d'un côté, le
monopole de la sécurité sociale de l'autre côté. Tant
qu'aucun homme ou femme politique ne mettra en cause le
poids de l'État croissant d'un côté, et le monopole de la
sécurité sociale de l'autre côté, ils n'auront aucune chance
de stopper la diminution inexorable du pouvoir d'achat des
ménages et les Français (notamment les classes moyennes)
continueront de s'appauvrir.
FIGURE 1 - LES DÉTERMINANTS FONDAMENTAUX DU POUVOIR
D'ACHAT |
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Sur le graphique ci-dessus, on voit bien qu'à revenu total inchangé,
tout accroissement de la partie orange (cotisations
sociales) et de la partie verte (impôts et taxes) se fera
donc au détriment de la partie violette (consommation) si
les ménages veulent préserver leur épargne. Tout le monde
fait des promesses sur le pouvoir d'achat, personne n'a
encore jamais pris les décisions qui s'imposent pour sortir
de ce système dont l'emballement condamne le pouvoir
d'achat.
De la vérité officielle à la
réalité vécue |
L'accumulation des contresens et des faux
concepts aboutit à la diffusion d'une vérité officielle
qu'il devient indécent de contester. La vérité officielle se
déconnecte de la réalité vécue par les agents de l'économie
dans les pays où les gouvernements s'obstinent à voir
l'économie comme un champ d'expérimentation de théories
dépassées au service d'une pseudoscience prétendument
régulatrice. L'exemple extrême fut l'Union soviétique. Mais
la France souffre depuis 30 ans de ce syndrome qui la
conduit lentement dans un processus d'implosion interne.
En Union soviétique, l'inflation officielle n'existait pas
pour la simple raison que la liberté des prix y était
interdite: les prix étaient fixés autoritairement par le
plan central dans le pays où l'on avait anéanti l'expression
des marchés. Est-ce que l'inflation avait réellement
disparu? Pas le moins du monde. La manifestation de
l'inflation (son effet sur les prix) était empêchée, mais
certainement pas la cause profonde de sorte que l'inflation
réelle se manifestait par les files d'attente devant les
magasins d'État. On mesurait l'inflation réelle à la
longueur des files d'attente.
Rappelons au passage que les
prix étaient administrés dans la France des années 1970
gouvernée par la droite. Pourtant, l'inflation en France
était à ce moment supérieure à l'inflation en Allemagne où
les prix étaient libres. Ce n'est pas parce que l'on empêche
les gens de dire qu'ils ont faim que les gens ne sont pas
affamés. Ils sont simplement obéissants ou terrorisés.
Pareillement, le chômage officiel était nul en URSS tout
simplement parce que le chômage était interdit par le Parti
communiste de l'Union soviétique. Aux yeux du parti, le
chômage était un délit. En effet, la carte du parti donnait
droit à un travail. Du coup, si vous n'aviez pas de travail,
c'est que vous n'étiez pas membre du parti. Dans ce cas,
vous étiez suspecté d'être un ennemi du parti unique, donc
un ennemi de l'État. Il est cocasse de rappeler que, dans
les régimes socialistes, un chômeur était assimilé à un
ennemi de l'État alors que dans les pays capitalistes, il
est considéré comme une victime du marché. Chaque système a
ses démons. Dans la réalité, on faisait semblant de
travailler à travers le partage du travail qui n'était qu'un
chômage déguisé.
Aujourd'hui, il existe de nombreux exemples dans notre pays
pouvant illustrer ce décalage persistant entre la vérité
officielle et la réalité vécue par les acteurs: le décalage
entre la valeur officielle du diplôme et la valeur
sanctionnée par le marché du travail, le décalage entre la
valeur officielle de l'euro et la réalité du pouvoir d'achat
de la monnaie unique telle qu'elle est vécue par les
ménages, ou encore les statistiques officielles du chômage
et la réalité de la population au travail, etc. Voilà
pourquoi on résout rarement un problème économique en créant
une loi pour en interdire l'expression de ses effets.
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