Ses
racines remontent aux « idéologues » du XVIIIe siècle tels
Condorcet, Condillac et Destutt de Tracy, aux physiocrates du
XVIIe siècle tels François Quesnay, Richard Cantillon et Anne
Robert Jaques Turgot et même aux scolastiques(2),
une tradition qui, à partir de 1871 et jusqu’à présent, fut
approfondie, élaborée et précisée par l’École autrichienne
d’économie, ainsi nommée du fait que ses premiers représentants
sont autrichiens. Les représentants de l’École libérale
française dominent, de 1830 jusqu’en 1880, les institutions
d’enseignement économique et les journaux académiques en France(3),
comme défenseurs sans équivoque de la liberté économique,
critiques de toute intervention gouvernementale limitant la
liberté des échanges et adversaires conséquents du
socialisme qui gagne peu à peu du terrain tout au long du XIXe
siècle.
C’est Frédéric Bastiat
qui est le porte-drapeau de cette école pendant la première
moitié du XIXe siècle. Aucun de ses camarades, ni même Gustave
de Molinari, le chef de file de l’École libérale française
pendant la seconde moitié du XIXe siècle, n’a illustré la
doctrine du laissez-faire avec la simplicité, la clarté et la
saveur dont font preuve ses écrits. Et nul n’a autant montré son
assiduité dans la défense de ces principes.
Orphelin à 9 ans,
Frédéric Bastiat est élevé par un oncle. À vingt ans, après la
fin des études, il commence à travailler dans la maison
commerciale de celui-ci, à Bayonne, mais il est bientôt dégoûté
de cette activité et se retire sur le domaine de famille situé à
Mugron, aux Landes. Là, Bastiat partage son temps entre le
perfectionnement de l’exploitation de son domaine agricole – qui
ne sera d’ailleurs pas couronné du succès –, l’étude des langues
et la lecture. Il lit beaucoup et dans des domaines très variés:
philosophie, économie, histoire, religion.
Ces lectures sont
discutées au cours de longues promenades avec Félix Coudroy, son
voisin et proche ami. C’est à cette époque qu’il développe, à
partir des idées d'Adam Smith, de Destutt de Tracy et de J.-B.
Say, mais aussi de Charles Compte et de Charles Dunoyer(4),
une conception rigoureuse de la société et de la manière dont
les lois économiques montrent que « les manifestations libres
des intérêts individuels se limitent réciproquement par leur
opposition même, et se ramènent mutuellement à une résultante
commune d'ordre et d'intérêt général; comment le mal, au lieu
d'être une des tendances positives de la nature humaine, n'est
au fond qu'un accident de la recherche même du bien, une erreur
que corrigent l'intérêt général qui le surveille et l'expérience
qui le poursuit dans les faits; comment l'humanité a toujours
marché d'étape en étape, en brisant à chaque pas quelqu'une des
lisières de son enfance; comment, enfin, la liberté n'est pas
seulement le résultat et le but, mais le principe, le moyen, la
condition nécessaire de ce grand et incontestable mouvement... »(5).
C’est sur ce fond et en
étroite liaison avec l’atmosphère publique de Mugron et de la
région des Landes que les premières manifestations de Frédéric
Bastiat en tant qu’écrivain et politicien eurent lieu. Il écrit
quelques essais contre les mesures fiscales de protection
demandées par les producteurs agricoles ainsi que quelques
discours électoraux à l’occasion de sa candidature comme député
des Landes à l’Assemblée Nationale qui ne se conclut pas avec
succès.
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