Bien que ces énoncés soient vrais, pourquoi faudrait-il que la
solidarité soit imposée par le gouvernement? La générosité a un
caractère vertueux précisément parce qu’elle est gratuite et
offerte sans condition. Si la générosité est imposée par la
force, ce n’est plus de la générosité. De prétendre que la
générosité puisse être imposée par le gouvernement est un
non-sens. Si Jean vole 100 $ à Jacques et remet 75 $ à
l’organisation caritative de son choix, peut-on conclure que
Jean est généreux? Il est trop facile d’être généreux avec
l’argent des autres.
En
nationalisant le processus de solidarité, le gouvernement
facilite surtout la tâche de ceux qui désirent faire la charité
avec l’argent des autres. Ainsi, ils n’ont pas à voler leurs
voisins à leurs risques et périls. Il est beaucoup plus simple
pour eux de voter pour le candidat qui leur promet de légiférer
en fonction de leurs désirs.
La solidarité, préconisée par les libertariens, basée sur des
échanges volontaires entre les individus, existe-t-elle vraiment?
Certainement, le centre
Assistance d’Enfants en Difficulté (AED)
du Dr. Gilles Julien en est le plus bel exemple.
Tous les jours, psycho-éducateurs, art-thérapeutes, aides
familiaux, « grands frères », « grandes soeurs » et bénévoles y
poursuivent un même objectif: donner aux enfants les moyens de
se bâtir un avenir et de garder espoir.
Un immense défi dans un milieu où la pauvreté est chronique.
Dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve, 51% des familles
sont monoparentales, et le taux de grossesses chez les 14-17 ans
atteint 64 pour 1000 contre 27,5 dans le reste de l’île de
Montréal. « De tous les enfants pris en charge par l’AED,
constate le Dr. Julien, 5% à peine ont des parents qui ne
sont pas sur le B.S. »
Ces statistiques désolantes cachent un formidable réseau
d’entraide. Ainsi, la maison qui abrite l’AED a été prêtée pour
10 ans par un propriétaire du quartier qui « voulait faire sa
part ». Il l’a d’ailleurs totalement rénovée avant de la remettre
au Dr. Julien. Voyons, est-ce possible qu’un propriétaire fasse
preuve d’autant de générosité!? Pourtant, le Front
d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU), organisme jouissant
d’une subvention de 278 743$, dénonce les propriétaires sans coeur qui ne pensent qu’à faire plus d’argent.
Le Dr. Gilles Julien voulait un lieu où tout serait décidé dans
le but unique de satisfaire les besoins des enfants. Donc, pas
question de laisser entrer les monstres de la solidarité
institutionnelle dans son centre. Quand il ouvre sa clinique
dans Hochelaga-Maisonneuve, les intervenants du Centre local de
service communautaire (CLSC)
du quartier le cataloguent d’hurluberlu. La
Direction de la protection de la jeunesse
constate qu’il a un parti pris en faveur du bien-être des
enfants et s’inquiète. Pourquoi les bureaucrates de la DPJ, du CLSC et autres organismes
bienveillants se sentent-ils menacés? La vraie solidarité
menace-t-elle leur confort de fonctionnaires?
Le Dr. Julien sait d’expérience que le soutien financier de
l’État serait assujetti à toutes sortes de contraintes qui
l’empêcheraient de faire son travail. Une partie trop importante
de son temps devrait être consacrée aux tracasseries
bureaucratiques. Son travail serait assujetti aux critères
imposés par des fonctionnaires dont la priorité est de
satisfaire les besoins du ministère plutôt que ceux des enfants.
(Voir le film
Les enfants de la DPJ).
Le Dr. Julien, comme tout entrepreneur qui croit en son projet,
trouve des sources de financement privées. En plus de faire
appel à la générosité des Québécois (guignolées, cyclothon,
etc.), il frappe à la porte de la Fondation Lucie et André
Chagnon. André Chagnon, un entrepreneur qui a fait fortune dans
la câblodistribution, dédit son temps et son argent à
l’amélioration de l’éducation et de la santé des Québécois. Le
projet du Dr. Julien cadre parfaitement dans la mission de sa
fondation.
Grâce aux efforts combinés d’un entrepreneur social et d’un
entrepreneur financier, le projet du Dr. Julien fait maintenant
école tant au Québec qu’à l’étranger. Les quatre facultés de
médecine du Québec (universités de Montréal, de Sherbrooke,
Laval et McGill) utilisent le centre pour former les futurs
médecins à une pédiatrie sociale centrée sur les besoins de
l’enfant dans son milieu de vie.
Au Québec, ce n’est que depuis quelques dizaines d’année que la
solidarité sociale a été monopolisée par l’État.
Malheureusement, cette situation a permis aux politiciens et aux
bureaucrates d’occuper tout le terrain. Cette situation a des
conséquences dramatiques:
• Les coûts de la solidarité s’emballent, mais les services se
détériorent et le niveau de pauvreté stagne ou empire. L’argent
des subventions sert à payer des salaires et des infrastructures
pour fournir des services trop souvent mal adaptés aux besoins
de la clientèle visée;
• La solidarité institutionnelle crée une fissure sociale. Les
Québécois se divisent en deux groupes: ceux qui paient et ceux
qui reçoivent. Cette situation favorise les dénonciations et
l’affrontement au détriment de l’entraide;
• L’État s’étant substitué à l’individu, celui-ci se
déresponsabilise. Il ne perçoit pas la nécessité d’aider ses
concitoyens puisqu’il paie déjà l’État pour le faire. La
solidarité n'a un sens que dans la mesure où les individus
choisissent délibérément d’être solidaires. |
Pourtant, comme le démontre le succès du centre AED du Dr.
Julien, la solidarité basée sur l’engagement des individus est
autrement plus efficace que celle dépendant des institutions
gouvernementales. Le centre AED est un succès incontestable,
mais ce n’est pas le seul: La
Maison Répit,
Chez Pops, sont d’autres exemples du
succès de la solidarité basée sur l’engagement des individus.
Malheureusement, il n’est pas facile de se battre contre le
monstre de la solidarité institutionnelle. Certains, comme la
juge Andrée Ruffo,
l’ont appris à leurs dépens.
Tout projet ou comportement risquant de faire ressortir les
lacunes de la solidarité institutionnelle est férocement
combattu. Les fonctionnaires et les syndicats n’hésitent pas à
recourir à la force pour faire entendre raison aux empêcheurs de
tourner en rond. Il faut être de la trempe
des héros mythiques pour persévérer
devant autant d’adversité.
Il y a des milliers de Québécois prêts à aider leurs parents,
amis, voisins, concitoyens, si seulement on les encourageait au
lieu de les combattre.
|