La complexité des produits, leurs coûts, et
l’importance de prendre une décision éclairée dans
le choix d’un médicament sont précisément les
raisons qui justifient le besoin de concurrence et
d’alternatives pour le consommateur. Lorsque nous
devons nous procurer un médicament pour nous
soulager ou pour régler un problème de santé,
nous voulons avoir le plus de choix possible afin de
trouver celui qui réponde le mieux à nos
besoins. C’est pour
cette raison aussi que nous voulons faire affaire avec des
professionnels: un médecin compétent et un assureur
fiable.
Lorsqu’on n’est pas satisfait du travail de son
médecin, on veut pouvoir aller demander une seconde
opinion; si un assureur ne veut pas couvrir les
traitements qui nous intéressent, on peut changer de
compagnie; si un médicament nous cause de trop
mauvais effets secondaires, on demande à changer de
prescription, etc.
Ces choix sont tous possibles grâce à l’existence
d’un marché: grâce à l’existence de solutions de
rechange qui
se font compétition afin de satisfaire le plus
exactement possible les besoins du consommateur.
Il est donc important de garder à l’esprit que même
dans un domaine aussi important que celui de la
production de médicaments, malgré l’existence de
multiples intermédiaires entre le producteur et le
consommateur, le marché est nécessaire à l’obtention
de produits de qualité qui répondent aux besoins des
consommateurs.
La politique du
médicament du Québec |
Qu’en est-il alors du contrôle des
prix et de la politique du médicament du Québec? Le
mot « politique » ici est adéquat. La politique du
médicament, c’est en effet... de la politique.
Selon les données du Conseil d’examen du prix des
médicaments brevetés (CEPMB), le Québec est, à
travers le Canada, la région où se trouve la plus
grande concentration de recherche et développement
dans le domaine pharmaceutique (42.3% en 2002). Les
compagnies pharmaceutiques emploient donc un grand
nombre de personnes à travers la province (40 000
personnes, selon le journal Les Affaires).
Ceci donne donc aux compagnies pharmaceutiques un
grand pouvoir d’influence auprès des politiciens.
De son côté, le gouvernement du Québec contrôle la
liste des médicaments qui doivent obligatoirement
être couverts par toute police d’assurance
médicament au Québec. Les politiciens ont également
choisis d’offrir des avantages fiscaux
alléchants aux compagnies pharmaceutiques qui
choisissent d’établir leurs centres de recherche
ici. Et, bien sûr, il y a le gel des prix, ordonné
par l’État il y a plus de 10 ans. Le gouvernement
détient donc plusieurs atouts qui lui confèrent un
pouvoir de négociation important auprès des
compagnies pharmaceutiques.
Dans ce contexte, revoyons les effets qu'entraînait la politique de gel de prix
qu’imposait le gouvernement à l’industrie
pharmaceutique. Du point de vue des producteurs, le
marché québécois n’est pas aussi attrayant que ceux
des autres provinces ou États américains où le même
produit peut être vendu à plus fort prix. Il en
résulte que plusieurs produits ne sont tout
simplement pas disponibles ou assurables au Québec.
De plus, tel que mentionné ci-haut, certaines
compagnies pharmaceutiques ont même menacé de
retirer des produits qui sont déjà sur le marché si
le gel des prix était maintenu.
Une autre conséquence d'un gel des prix est la baisse
d’intérêt qu’ont les producteurs à investir dans la
recherche et le développement au Québec. Lorsque
vient le temps de choisir l’emplacement d’un centre
de recherche, les compagnies préféreront se
rapprocher de leurs marchés les plus lucratifs. En
effet, si on compare l’évolution des prix des
médicaments au Canada par rapport aux
réinvestissements qu’ont fait les compagnies
pharmaceutiques en R&D au Canada entre 1995 et 2004
(voir « Les
effets pervers des contrôles de prix », p. 3), on note une très claire corrélation:
lorsque les prix baissent par rapport aux prix du
marché international, les investissements en
R&D baissent aussi.
Mais, ne vient-on pas de dire qu’au contraire, le
Québec est un centre important de R&D en
pharmaceutique? C’est en effet le cas, et voici
l’ironie de toute cette affaire: ce que la main
droite du gouvernement « prenait » aux compagnies
pharmaceutiques en termes de « gel » de prix, la main
gauche « redonne » à ces mêmes compagnies en
crédits d’impôts et en subventions à la recherche!
Le gel des prix de médicaments était donc en majeure
partie maintenu, non pas aux frais des compagnies
pharmaceutiques, mais bien aux frais du gouvernement
lui-même, qui devait offrir des avantages fiscaux
généreux pour maintenir la présence importante des
compagnies pharmaceutiques au Québec.
Les compagnies pharmaceutiques et le gouvernement du
Québec, sont donc entrelacés dans une situation
grotesque où le consommateur et le contribuable
n’ont que très peu d’influence. Cette situation est
non seulement inefficace, mais également très
coûteuse! Tous les conseillers, fonctionnaires,
cabinets, études, etc., reliés au maintien de
l’appareil gouvernemental chargé de gérer la «
politique du médicament » sont très coûteux.
De plus, pour reprendre les propos de Bertrand
Bolduc, président de Mistral Pharma: « Les sociétés
où le développement de médicaments a été dirigé par
l’État ont lamentablement échoué dans la découverte
de nouveaux produits. Pratiquement aucun médicament
original n’a été développé dans l’ex-URSS, en Chine
(pour l’instant) ou à Cuba » (La Presse,
Novembre 2006). Le Québec est un important centre de
recherche dans le domaine pharmaceutique et il était
grand temps que l’on libère cette industrie des
supports artificiels, ainsi que des chaînes, qui la
retiennent.
Pour le bien-être des Québécois, l'État devait cesser
de restreindre les prix des médicaments. Nous savons
que les
compagnies ne pourront pas hausser leurs prix de
façon démesurée, puisqu’elles seront assujetties aux
contrôles du marché. De plus, le Québec pourra
bénéficier des retombées économiques générées par
l’augmentation en R&D qui résulterait de
l’ajustement des prix de médicaments au même niveau
que le reste de la planète.
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