Les
problèmes que nous attribuons à la bureaucratie découlent
des tâches que nous lui assignons. Les employés du secteur
public ne
sont pas tous des bureaucrates. Les policiers, les
infirmières, les professeurs, pour ne nommer que ceux-là, ne
sont pas des bureaucrates. Ce terme réfère aux 313 500
fonctionnaires qui encadrent et surveillent les 387 000 qui
desservent la population. Les bureaucrates ne fournissent
pas de services à la population. Ils élaborent des
règlements, en surveillent l’application et préparent des
analyses et rapports pour les hauts fonctionnaires et les
politiciens. Pour faire leur travail, ils accumulent des
quantités phénoménales d’informations qui doivent leur être
fournies par les fonctionnaires œuvrant sur le terrain. Ce
faisant ils nuisent grandement à l’efficacité de ces
derniers.
Évidemment les
bureaucrates justifient leur raison d’être en affirmant
qu’ils protègent la vie et la propriété des gens. Est-ce
vraiment le cas? Trop souvent, les règlements concoctés par
les bureaucrates limitent inutilement le droit de propriété
au lieu de le protéger. Les lois n’ont pas d’influence sur
la très petite minorité de gens malhonnêtes présents dans
toute société. Par contre, ces mêmes lois briment les
libertés de la très grande majorité des gens honnêtes. Même
dans les cas où la réglementation protège des droits
fondamentaux, le fait demeure que les bureaucrates ne
fournissent pas de services directs à la population. Ils
s’emploient à règlementer et à surveiller le travail des
autres. C’est cette caractéristique « d’autorité sans
responsabilité de résultats » qui définit ces fonctionnaires
comme bureaucrates.
L’inévitable paperasserie |
La plainte la plus fréquente concerne la paperasserie
générée par la bureaucratie. Quiconque requiert un permis
s’oblige à fournir des quantités faramineuses d’informations
aux différents niveaux de gouvernement impliqués. Une
entreprise oeuvrant dans une industrie réglementée doit, en
plus d’obtenir un permis, fournir périodiquement des
rapports, affidavits, documents notariés, démontrant qu’elle
se conforme aux règlements en vigueur. Cette paperasserie,
qu’elle soit sous forme papier ou électronique, est ce qui
justifie l’existence de la bureaucratie auprès de la
population. Le seul lien entre la bureaucratie et la
population est la paperasserie. Donc, exiger la réduction de
la paperasserie équivaut à exiger la réduction de la
bureaucratie.
La seule chose qui puisse
limiter la quantité de paperasserie nécessaire pour assurer
l’application d’un règlement est le manque d’imagination des
bureaucrates. Chaque fois que, malgré la réglementation, il
se produit un événement inattendu, les politiciens
s’engagent à renforcer la réglementation. Donc, plus de
bureaucratie et plus de paperasse. Rarement, en particulier
dans les sociétés favorisant un État-providence, remet-on en
question l’utilité même de la réglementation.
Les bureaucraties sont lentes
et inefficaces |
Les bureaucraties sont hésitantes, lentes et souvent
arbitraires et capricieuses. Ces caractéristiques sont les
deux côtés d’une même pièce. Elles peuvent être décisives et
rapides, mais seulement en étant plus arbitraires et
capricieuses. Ces caractéristiques bureaucratiques découlent
du fait que les bureaucrates sont les premières victimes des
politiciens lorsque vient le temps d’apaiser la grogne
populaire. De plus, les exigences électoralistes des
politiciens compliquent sérieusement leur travail. Ainsi,
ils doivent s’assurer que leurs décisions sont
inattaquables. Dans ce cas, la meilleure protection qu’un
bureaucrate puisse obtenir consiste à refiler le problème à
d’autres ou à retarder une décision jusqu’à ce qu’elle
s’impose d’elle-même. Salomon n’aurait pas survécu à un tel
régime.
Les bureaucrates
produisent les règlements et en surveillent l’application,
mais ne sont pas responsables des résultats. Ce sont les
entreprises privées ou les fonctionnaires desservant
directement la population qui en assument la responsabilité.
Lorsqu’une réglementation ne donne pas les résultats
escomptés, ce sera parce qu’on a mal interprété l’intention
du règlement ou qu’on a erré dans la façon de l’appliquer.
Ainsi, les nombreux règlements, mal conçus, nuisent et
démotivent les fonctionnaires et génèrent des coûts
considérables pour l’entreprise privée.
De même, les bureaucrates
ne sont pas responsables de l’efficacité des programmes de
subventions. Personne ne se préoccupe de savoir si ces
programmes atteignent les objectifs visés. Ces subventions
servent avant tout aux politiciens pour mousser leur
popularité à la veille d’une élection. Si par malheur il se
produit un fiasco – les commandites, Papiers Gaspésia, la
Société nationale du cheval de course (SONACC)
–, il suffit de nommer une commission d’enquête et attendre
que la tempête passe.
Peut-on y faire quelque chose? |
Les individus vivant en société ont besoin d’être protégés
contre les fraudes, les bandits et les abus. Toutefois,
l’expérience démontre qu’une bureaucratie, quelle que soit son
ampleur, joue rarement ce rôle.
L’immense bureaucratie
québécoise n’a pas empêchée le fiasco de Norbourg,
l’épidémie de C. difficile ou l’effondrement du viaduc
de la Concorde à Laval. On peut même prétendre que c’est tout le
contraire. Dans un système d’État-providence comme celui que
nous connaissons au Québec, tous les intervenants – les
entreprises, les institutions publiques, les syndicats et
les individus – se fient au gouvernement pour veiller à
leurs intérêts. Les grandes entreprises exigent des lois
protectionnistes et des subventions pour compenser leur
manque de dynamisme. Les syndicats réclament toujours plus
d’étatisation et des lois du travail qui leur procurent un
membership captif. Les institutions publiques
expliquent leur médiocrité et leur manque d’imagination par
le manque d’argent. Les individus tiennent le gouvernement
responsable de tout sans même faire l’effort de veiller à
leurs propres intérêts.
L’expérience démontre que
les individus sont mieux protégés par:
• un
système de loi axé sur les libertés individuelles et
la protection de la propriété privée;
• un environnement économique de libre marché
favorisant la compétition;
• la responsabilisation des individus envers
eux-mêmes et la société; |
que par une bureaucratie anonyme et souvent inhumaine.
Les bureaucraties sont des manufactures de paperasseries en
continuelle croissance et impossibles à gérer. Tous les
efforts pour les réformer sont voués à l’échec. Au mieux, on
fera des gains marginaux à court terme. Et à la première
occasion, elles reprendront le chemin de la croissance.
Pour avoir un effet à
long terme, il faut plutôt éliminer la bureaucratie.
Toutefois, ceci représente un défi titanesque:
• Dans
un premier temps il faut repenser et mettre à jour
les lois avec comme premier objectif la protection
des libertés individuelles et de la propriété
privée. Il serait opportun de réviser en priorité la
Charte des droits et libertés pour en faire une
Charte des droits, libertés et responsabilités.
• Ensuite, il faut éliminer tous les règlements qui
ne sont pas absolument nécessaires, ou dans le pire
des cas les simplifier, et s’en remettre à
l’application des lois. L’élimination des règlements
inutiles permettra de réduire d’autant la
bureaucratie devenue superflue. Mais, encore plus
important, l’élimination de ces règlements créera un
environnement dynamique favorable à la
responsabilisation des individus et à la création de
richesse.
• Finalement, un environnement économique et social
dynamique sera suffisant pour attirer et retenir les
individus et les entreprises au Québec. Il sera donc
possible de mettre un terme à la plupart, sinon la totalité,
des programmes de subventions. En plus des économies
ainsi obtenues, il deviendra possible d’éliminer la
bureaucratie assignée à la création et la gestion de
ces programmes de subventions. |
En s’engageant résolument dans un processus de réduction de
la bureaucratie, on crée un cercle vertueux: moins de
bureaucratie crée un environnement économique et social
dynamique; cet environnement favorise l’utilisation optimale
des ressources; la société s’enrichit; l’ensemble de la
population peut s’offrir plus de services; et ainsi de
suite.
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