Dans une société démocratique où la règle de la majorité prime,
il est facile d’abuser de la prétendue justice de la
redistribution. Il suffit de s’assurer qu’il y aura plus de
bénéficiaires que de victimes. Au Québec, 42% des contribuables
ne paient pas d’impôt et un autre 20% en paient très peu. Dans
un tel contexte, il est toujours politiquement rentable de
pousser la logique de la redistribution à ses limites les plus
extrêmes. Faut-il encore se surprendre que ceux qui paient la
note soient tentés par l’évasion fiscale?
L’histoire démontre que la logique de la redistribution prévaut
jusqu’à l’effondrement de la société. Dans un système
totalitaire, comme ceux qui avaient cours dans les pays du bloc
de l’Est, l’effondrement est total. Il faut tout reprendre à
zéro. Heureusement, dans les démocraties occidentales, nous
avons la chance de pouvoir changer les choses à tous les quatre
ans. Lorsque la population se rend compte que l’État
interventionniste, en jouant à l’apprenti sorcier, est la
principale cause du taux de chômage élevé, de la détérioration
continue des services, de la croissance du nombre de pauvres,
etc., il devient alors possible de changer les choses. Les
exemples les plus récents de ce phénomène sont l’Angleterre, la
Nouvelle-Zélande et l’Irlande. Au Québec, nos immenses richesses
naturelles, le régime de redistribution fédéral et
l’environnement de libre marché nord-américain, minimisent les
effets négatifs de l’interventionnisme des derniers quarante
ans. Toutefois, il serait illusoire de croire que nous pouvons
continuer ainsi indéfiniment. L’évasion fiscale est un signe
avant-coureur que l’État-providence a atteint un niveau qui
dépasse celui que la population est prête à tolérer.
Les effets pervers de l’interventionnisme |
Les bénéficiaires de l’interventionnisme font habituellement
abstraction de ses effets négatifs sur la société. Ils présument
que quoi qu’il arrive l’économie continuera à croître et qu’il y
aura toujours plus de richesse à distribuer. Évidemment, ces
hypothèses sont fausses et découlent plus de la pensée magique
que de la raison. L’interventionnisme retarde le progrès,
favorise la stagnation, et éventuellement généralise la rareté
des biens et services.
Premièrement, l’interventionnisme crée un environnement
économique contraignant: taux de fiscalité élevé, réglementation
excessive, favoritisme syndical et corporatif, etc. Depuis
quarante ans, le Québec s’est graduellement donné l’environnement
économique le plus contraignant en Amérique du Nord. Cette
situation pousse les individus et les entreprises les plus
dynamiques et les plus talentueux à chercher leur fortune là où
leurs talents peuvent s’épanouir plus librement. Pour les
attirer ou les retenir, le gouvernement subventionne leurs
activités. Ainsi, le gouvernement atteint un nouveau sommet
d’interventionnisme. À moins d’un sérieux coup de barre, comme
ce fut le cas en Irlande au milieu des années quatre-vingt, ce
cycle se perpétue jusqu’à l’effondrement de l’État.
Deuxièmement, l’interventionnisme prive la société de nombreuses
activités culturelles, intellectuelles et sociales. La
libéralisation de l’économie augmente le niveau de vie de
l’ensemble de la société. Les individus et les entreprises
contribuent volontairement aux mieux-être de leur communauté.
Ils consomment plus de biens culturels et financent le
développement des arts: musées, orchestre symphonique,
littérature, théâtre, etc. Les gouvernements interventionnistes
imposent un fardeau fiscal à la limite du tolérable. Ce faisant,
ils éliminent aussi les revenus discrétionnaires des individus
et des entreprises. Ceux-ci doivent alors abandonner les
activités considérées comme non essentielles.
Selon la
compilation annuelle des dons de charité de Statistique Canada,
le Québec se classe bon dernier parmi les provinces canadiennes.
Ce n’est pas que les Québécois soient moins généreux, c’est
simplement qu’ils sont plus pauvres et que le gouvernement s’est
déjà approprié tous leurs revenus discrétionnaires. Le
gouvernement doit alors subventionner les activités culturelles
pour les rendre accessibles à une population appauvrie. Il doit
aussi subventionner les groupes communautaires qui n’ont plus
accès à la générosité des intervenants du milieu. Dans ce
système, la culture et les communautés en ressortent appauvries.
Leur développement est à la remorque des priorités politiques du
moment. Leur dynamisme est étouffé par les contraintes
bureaucratiques et le manque d’imagination des fonctionnaires.
Troisièmement, l’interventionnisme et les efforts requis pour
corriger ses effets pervers placent les politiciens et la
bureaucratie au centre de la vie économique. Pour financer les
interventions gouvernementales, ils confisquent une part de plus
en plus importante des revenus des individus et des entreprises.
Ce phénomène réduit l’épargne au détriment du développement
économique. Pour compenser, le gouvernement subventionne les
entreprises et finance les projets réclamés à grands cris par
les groupes de pressions les plus visibles. Une portion
importante des revenus confisqués sert à financer les
bureaucrates assignés à la gestion des programmes
gouvernementaux. De plus, les décisions des politiciens et des
bureaucrates, basées sur des critères étrangers aux lois du
marché et qui ignorent souvent les besoins de la communauté,
contribuent à l’appauvrissement de la société tant du point de
vue économique que social.
L’interventionnisme profite avant tout aux politiciens et aux
fonctionnaires. Ils peuvent ainsi s’octroyer des pouvoirs quasi
absolus dans tous les domaines d’intervention du gouvernement.
Ils prétendent que l’interventionnisme ne fait que répondre aux
demandes pressantes et répétées de la population. En réalité, ils
favorisent les intérêts de nombreux groupes de pression qui
réclament des privilèges en échange d’appuis politique au frais
et détriment des contribuables. Ce processus a pour résultat de
diviser la population: les bénéficiaires vs les payeurs, les
syndiqués vs les non-syndiqués, les employés du secteur public
vs les employés du secteur privé, etc.
L’évasion fiscale est le symptôme qui permet de conclure que le
fardeau fiscal a dépassé les limites du raisonnable. Elle
empêche l'État de devenir trop gourmand. Claude Montmarquette,
économiste, conclut que dès que l’économie souterraine atteint
un ou deux pourcent du PIB, il se produit un effet « boule de
neige ». L’évasion fiscale crée un cercle vicieux: pour
récupérer les sommes perdues, le gouvernement augmente les
impôts, ce qui rend l’évasion fiscale plus rentable. Dans la
monographie, L’économie souterraine au Québec: mythes et
réalités, publiée par
le Cirano les auteurs écrivent:
En 1993, en réponse à des taxes sur les cigarettes qui avaient
gonflé de 118% en cinq ans, près de 60% des fumeurs de Montréal
se sont tournés vers le tabac de contrebande. Le gouvernement,
qui y perdait des sommes colossales, a fini par diminuer les
taxes. Résultat, en 1994, moins de 10% des fumeurs de la
métropole se fournissaient encore sur le marché noir! |
L’évasion fiscale est directement proportionnelle à la
gourmandise du gouvernement. À court terme, elle est le seul
moyen à la portée des individus pour protéger leurs biens et
contrôler l’appétit insatiable de l’État. Toutefois, l’évasion
fiscale comporte des risques considérables pour ceux qui la
pratiquent et a des effets très limités. Tout au plus, elle
soustrait quelques points de pourcentage aux revenus de l’État.
À plus long terme, il est nécessaire de limiter les pouvoirs de
taxation et de dépense de l’État par une loi. Par exemple, cette
loi devrait limiter la participation de l’État dans l’économie
et imposer que tous les nouveaux impôts et taxes soient
obligatoirement approuvés par référendum. Les lois de l’économie
et l’histoire humaine démontrent qu’au-delà d’un certain niveau,
que les économistes situent entre 15% et 25% du PIB,
l’interventionnisme est nuisible au développement et au
bien-être de la société.
L’interventionnisme prétend vouloir corriger les lacunes du
libre marché pour assurer une plus grande justice sociale.
Pourtant, la réalité démontre que c’est tout le contraire. Le
gouvernement exproprie les contribuables pour financer un
interventionnisme néfaste au bien-être des Québécois. Ce faisant,
il appauvrit et divise les populations. L’évasion fiscale, en
soustrayant à l’État une portion de ses revenus, contribue à
réduire l’interventionnisme et à minimiser son impact sur la
liberté et le bien-être des individus.
|