Montréal, 1er avril 2007 • No 219

 

PERSPECTIVE

 

Jean-Louis Caccomo est économiste à l'Université de Perpignan et auteur de L’épopée de l’innovation. Innovation technologique et évolution économique (L’Harmattan, Paris 2005).

 

 
 

MANIFESTE POUR LE RENOUVEAU DU LIBÉRALISME FRANÇAIS

 

par Jean-Louis Caccomo

 

          Puisque la mode est de soumettre des pactes aux candidats à l'élection présidentielle, je me prête à rêver d'un pacte libéral. Je serai prêt à voter pour le candidat qui signera ce pacte. Comme aucun candidat en France n'osera se compromettre en signant un tel manifeste, je crois bien que j'irai à la pêche le jour des élections, assistant impuissant au suicide collectif d'un pays qui ne parvient plus à faire émerger une véritable élite dirigeante.

          Car ce pacte est d'abord destiné aux futurs élus et à tous ceux qui rêvent d'embrasser une carrière politique en ayant la prétention de « changer le monde », et notamment aux hommes politiques « providentiels » qui se sont donnés pour objectif de sauver notre pays. Souvent, ils n'auront fait qu'empirer les choses. La politique n'est pas une question de compassions, de bons sentiments ou de nobles intentions. Avant d'espérer changer le monde, il faut d'abord le comprendre. Comment un médecin peut-il soigner son patient s'il ne connaît pas le fonctionnement du corps humain et s'il s'obstine à nier le diagnostic? Or ce fonctionnement dépend si peu de la volonté du médecin.
 

 

Quelques réflexions sur la liberté, l'État et la société
Pensées et méditations en liberté

 

Recueil de « pensées économiques à méditer avant de prendre une décision catastrophique »

1. La pensée libérale n'est pas contre l'État en tant que telle. Elle est contre le gaspillage et l'inefficacité engendrés par la dérive des dépenses de l'État. Il convient donc de restaurer l'État dans ses fonctions légitimes, c'est-à-dire les seules où il sera le plus efficace.

2. Ce n'est pas l'État qui garantit la valeur d'un diplôme, mais c'est son titulaire. On n'a aucun mérite à détenir un diplôme dont la valeur est garantie par un tiers. Et on ne peut fixer par avance la valeur d'aucun titre. Qu'est-ce qui garantit la valeur d'une action en bourse ou d'un prix Nobel? L'État y peut-il quelque chose, sinon prendre le risque de tout dérégler en prétendant garantir a priori la valeur un titre?

3. Le marché implique l'État, mais pas sous n'importe quelle forme. Le marché va de pair avec un État de droit, c'est-à-dire celui qui garantit et fait respecter les droits individuels, lesquels sont à la base des relations contractuelles qui sont aussi des relations d'échange.

4. Les enseignants devraient apprendre aux enfants comment penser, mais non ce qu'il convient de penser. Les parents devraient apprendre aux enfants à devenir adultes et non les en empêcher.

5. Il n'existe que trois formes d'État: l'État totalitaire qui écrase les individus puisqu'il les nie; l'État-providence qui assiste les individus, ce qui est une façon plus insidieuse de nier leur existence réelle; l'État de droit qui garantit les libertés individuelles desquelles surgira le fait économique et social. Seul l'État de droit a permis la prospérité pour le plus grand nombre, en mettant en place les conditions d'épanouissement de la croissance durable de l'économie. La seule troisième voie qui existe entre l'État totalitaire et l'État-providence, c'est l'État de droit.

6. Le socialisme est basé sur l'État totalitaire mais prend souvent le chemin de l'État-providence. La social-démocratie repose sur l'État-providence qui dégénère toujours en État totalitaire lorsqu'il s'agit de partager la pénurie engendrée par un interventionnisme sans limite. Le libéralisme est fondé sur l'État de droit, la seule « troisième voie » viable (ce qui, évidemment, ne veut pas dire parfaite) tandis que la première voie implose et que la seconde agonise.

7. On présente généralement aux gouvernements dits de droite les factures engendrées par les lubies des gouvernements dits de gauche. Au niveau mondial, on se tourne généralement vers les pays capitalistes pour payer les factures laissées par les expériences tragiques réalisées par les pays qui refusent le capitalisme. Et l'on trouve encore à dire que le capitalisme ne marche pas très bien…

8. Le capitalisme, certes, marcherait bien mieux n'étaient-ce les fantaisistes qui s'obstinent à essayer de faire fonctionner l'économie sur des principes antiéconomiques. Est-ce à mettre au débit du capitalisme que d'être tolérant avec ses ennemis? Faut-il incriminer le capitalisme s'il nourrit précisément ceux qui le combattent?

9. Si vous considérez une chose comme trop précieuse pour votre avenir ou celui de vos enfants, n'attendez pas que d'autres s'en occupent à votre place. Si une chose compte vraiment à vos yeux (alors qu'elle n'aura certainement pas la même importance aux yeux des autres), faites la vous-mêmes! Ne vous en remettez pas à l'État: au mieux, il fera moins bien que vous; au pire, il n'agira pas. Si l'éducation, la santé, la famille, la retraite, l'emploi… sont véritablement importants à vos yeux, éduquez-vous, prenez soin de votre santé, occupez-vous de votre famille, épargnez pour votre retraite et travaillez! Prenez vos responsabilités! En un mot, occupez-vous en par vous-mêmes, rapidement et en permanence.

10. On obtient dans la vie précisément ce qu'on y investit. Comme on obtient d'un ami précisément ce qu'on lui a apporté. Aucune relation déséquilibrée n'est durable. C'est une des grandes lois de l'économie que d'établir cette proportion entre l'effort et le résultat, entre le travail et la productivité. En conséquence de quoi, celui qui attend tout des autres au nom de la solidarité collective n'obtiendra pas grand-chose, mais ce sera gratuit. Piètre consolation…

11. On jugera les gens non par leurs paroles, mais par leurs actes. Eux seuls révèlent les préférences des individus et leurs réelles priorités.

12. Nous sommes tous producteurs d'un bien ou d'un service en particulier; mais nous sommes tous consommateurs de biens et de services en général. De sorte que l'intérêt général ne peut être représenté que par l'intérêt des consommateurs que nous sommes tous.

13. Comme nous avons tous en commun d'être consommateurs de biens et de services en général, la prise en compte effective de l'intérêt du consommateur, imposée par les lois de la concurrence, se rapproche le plus d'une expression de l'intérêt général.

14. Pensez à ce qui importerait le plus à vos yeux en tant que consommateur, et vous aurez une idée de la politique économique que devrait exercer un gouvernement réellement soucieux de l'intérêt général.

15. Il ne peut exister de « chômage au noir »; il n'y a que du « travail au noir ». Pourquoi faut-il se cacher pour travailler alors qu'il peut être dans l'intérêt de se déclarer officiellement chômeur? Le travail est une nécessité imposée par notre condition naturelle de sorte que le chômage est une aberration. Pourtant, à partir d'un certain seuil de réglementations et de prélèvements, il vaut mieux s'abstenir de travailler que travailler. De même, à partir d'un certain seuil de redistribution, on échappe à la nécessité de devoir travailler pour vivre.

16. On ne peut empêcher l'émergence d'un concurrent dans un secteur donné autrement que par la loi. Autrement dit, il n'y a pas de monopole naturel. Seule la réglementation permet d'imposer une structure de marché. Il n'y a de monopoles que ceux issus des privilèges accordés par le pouvoir politique.

17. On reconnaît une bonne politique à la capacité qu'a l'État de laisser les citoyens libres de créer des richesses et de les échanger et non de le faire à leur place. On reconnaît une mauvaise politique à la possibilité que détient l'État de détruire les incitations à créer et le goût de la liberté, en s'ingérant sans limite préétablie dans la sphère des activités et décisions privées.

18. La liberté, c'est laisser les gens agir et travailler du moment qu'ils ne briment pas les droits d'autrui. Mais, ce n'est pas agir à leur place.

19. L'État ne peut redistribuer que ce qu'il a par ailleurs prélevé; et il redistribue généralement moins si l'on prend en compte le coût exorbitant de son propre fonctionnement et l'effet désincitatif de ses prélèvements et redistributions.

20. L'État peut redistribuer plus que ce qu'il prélève à la condition de s'endetter. Mais l'emprunt présuppose un prêt. Ainsi, l'État devra rendre avec intérêt de surcroît. C'est donc qu'il redistribue une richesse actuelle qu'il a prélevé par ailleurs ou qu'il anticipe sur une richesse qu'il faudra imposer demain.

21. Le gouvernement ne peut résoudre tous nos problèmes dans la mesure où il est à l'origine de beaucoup d'entre eux, tout en nous faisant croire qu'il détient la solution cachée. Nous pouvons, en revanche, résoudre la plupart de nos problèmes si le poids des prélèvements qui pèse sur chacun de nous se trouve allégé, un allègement qui tient au bon vouloir du gouvernement.

22. En nous adressant à l'État pour résoudre nos problèmes, on risque de voir s'accroître le fardeau qui est précisément à l'origine de notre incapacité à faire face à nos problèmes.

23. Quand un responsable politique parle d'instaurer un nouveau prélèvement « provisoire », c'est qu'il n'a pas l'intention de s'attaquer au montant des dépenses publiques dans lesquelles seront engouffrés à jamais ces recettes supplémentaires. Donc ces prélèvements ne seront jamais provisoires! N'oublions jamais que les hommes politiques seront disposés à nous mentir tant qu'ils seront assurés que nous consentons à les croire...

24. Le monde est en danger non pas quand les États-Unis sont surpuissants; le monde s'est trouvé en grand danger quand les États-Unis se sont avérés en situation de faiblesse.

25. Nos dirigeants – et les médias qui les courtisent – parlent sans arrêt, et avec mauvaise conscience, de l'écart qui se creuse entre les pays riches et les pays pauvres. Mais la pauvreté de ces derniers tient précisément à leurs dirigeants, qui rejettent les principes de l'économie de liberté pour succomber aux chimères du contrôle étatique de l'économie.

26. Le communisme est excellent pour garantir des emplois à vie aux dictateurs et autres chercheurs de rente. Bill Gates ou Steve Jobs doivent leur fortune au succès (imprévisible) de leurs entreprises, qui auront enrichi dans leur sillage actionnaires, clients et employés dans le monde entier. À qui Fidel Castro doit-il son immense richesse?

27. La possibilité du chômage est, en effet, liée à l'existence du marché du travail, c'est-à-dire à la liberté des choix. Supprimez le marché du travail, vous organisez alors des camps de travail. Le chômage n'existe pas dans les pays qui ont systématisé la pratique des camps de travail. Mais c'est précisément parce qu'il n'y a plus de liberté.

28. Peut-on réellement tout accepter au nom de l'emploi? Embauchons des jeunes pour creuser des trous, puis d'autres jeunes pour les reboucher. Vous n'aurez pas, ce faisant, créé du travail. Vous avez tout au plus gaspillé du temps, ressource précieuse entre toutes.

29. L'économie a besoin de biens et services publics fournis par l'État. Mais la taille du secteur public doit être mesurée et proportionnée. Sinon, le secteur privé – le véritable coeur d'une économie de marché – est étouffé par un secteur public, qui à ce moment devient, non seulement le secteur le moins productif du pays, mais qui consacre une grande partie de son énergie – et de nos ressources – à entraver la marche du secteur privé et étouffer le coeur.

30. L'OMC est au commerce international ce qu'est l'ONU au droit international, un « machin ». Qui peut sérieusement défendre encore un « machin »?

31. Nous avons tous demandé un jour ou l'autre quelque chose au gouvernement comme si le gouvernement avait d'autres sources de revenu que, justement, nos revenus.

32. Rien n'est gratuit. Il ne s'agit que des impôts « indolores » que sont tous ces prélèvements subis au quotidien sans même nous en rendre compte, les plus sournois, les plus injustes et les plus immoraux.

33. Imaginez que l'on vous coupe un peu chaque jour un morceau de votre jambe. Imaginez ensuite que votre tortionnaire vous propose une béquille pour vous « aider ». Vous jetteriez aux quatre vents sa béquille. Alors le tortionnaire décide de vous couper la jambe sans douleur, sans que vous vous en aperceviez. Vous acceptez maintenant sa béquille comme une aide providentielle.

34. Si vous aviez réellement le choix, rempliriez-vous d'un liquide précieux un récipient percé de mille trous?

35. Comme la radioactivité, l'inflation, une fois enclenchée, échappe à tout contrôle.

36. On ne bâtit pas une croissance durable sur l'instabilité monétaire. On ne bâtit pas une croissance durable sur la dérive des comptes publics et sociaux.

37. Il n'y a aucune chance de réduire les dépenses publiques en augmentant les prélèvements. Quand vous voulez que vos enfants ne dilapident plus leur argent de poche, vous serrez les cordons de la bourse.

38. Les dirigeants français attendent le retour de la croissance pour pouvoir baisser les prélèvements. Mais la croissance n'a aucune chance de redémarrer tant que les prélèvements n'auront pas été significativement réduits. Pour que les agents économiques – entreprises et ménages – puissent investir à nouveau, l'État doit consentir à leur rendre une part substantielle de ce qu'il leur a pris.

39. Tout argent public a d'abord été de l'argent privé.

40. Chaque fois qu'un ministre arrive au pouvoir avec une idée géniale pour contrôler les dépenses de santé, les dépenses de santé s'envolent. Depuis que le plan Juppé – qui avait pour objectif explicite de freiner la dérive des dépenses de santé – a été mis en place, il ne s'est pas passé une année sans que l'on batte des records de dérapages. Et l'on continue à s'en remettre à un gouvernement.

41. On a beaucoup ironisé sur le scandale ENRON. Mais ce scandale prouve essentiellement que les États-Unis sont un pays où tricher fait scandale et vous conduit en prison si vous êtes pris la main dans le sac. En France, tricher est une pratique d'État. Qui peut croire une seconde que les comptes de l'entreprise EDF sont corrects? Que penser de la légitimité de plus de trente ans de subventions accordées à l'entreprise BULL: s'agit-il d'aider une entreprise dans un secteur en déclin? S'agit-il d'aider à la naissance d'un fleuron de la haute-technologie? Nous avons d'ailleurs longtemps cru que la santé du président Mitterrand était bonne, comme en attestaient les bulletins officiels publiés entre 1981 et 1996. Mais les annonces officielles n'engagent que ceux qui y croient. Voilà l'éthique et la pratique politique dans notre pays. Alors que penser quand les plus hautes autorités cherchent à nous rassurer sur les comptes de la sécurité sociale ou sur la garantie de la valeur de nos points retraite dans 25 ans?

42. Les fonctionnaires bénéficient de la sécurité de l'emploi qu'ils voudraient voir généraliser à l'ensemble des actifs. C'est généreux, mais se rendent-ils compte que leurs avantages acquis sont justement supportés par les autres, de sorte qu'il est impossible de généraliser ce type de privilège?

43. S'il est impossible de généraliser l'emploi à vie, il existe une grande inégalité entre ceux qui en bénéficient et ceux qui sont exposés au chômage. Cette inégalité devrait être insupportable à tous ceux qui se mobilisent volontiers contre l'injustice au nom précisément de l'égalité et de la solidarité. S'il est économiquement impossible de généraliser un privilège; l'on doit donc, au nom de la justice et de la solidarité, le supprimer.

44. La solidarité, c'est tout mettre en oeuvre pour ne pas être à la charge des autres.

45. L'écologie est aujourd'hui à l'économie, ce que l'astrologie fut à l'astronomie. Les gens se fourvoient dans l'écologie parce qu'ils n'ont rien compris à l'économie, qui est précisément la gestion des ressources rares et la recherche de l'équilibre en toute chose, à condition de mettre un prix aux choses.