Car,
malheureusement, le moins que l’on puisse dire est que le
bel édifice (ne devrais-je pas dire sophisme ou syllogisme?)
érigé par M. Bougnoux se lézarde en maints
endroits:
1) Il
suffirait donc de réduire le nombre d’heures
travaillées pour « miraculeusement » augmenter la
productivité (puisqu’on l’a vu, le taux
d’employabilité ne peut à lui seul résoudre le
problème)! Outre que le lien de cause à effet ne
saute pas aux yeux, n’est-il pas plus logique
d’imaginer qu’une amélioration de la productivité
procède davantage d’une bonne formation, d’une
motivation efficace, d’équipements adaptés, de
solides infrastructures et bien entendu du type de
services ou de produits que l’on vend plutôt que
d’une baisse de rythme, d’attention ou de vigilance
qui ferait que l’on « produirait » (terme à prendre
avec des pincettes dans des économies où le
tertiaire est dominant) plus les quatre premières
heures que les trois suivantes par exemple? Je suis
rassuré quant au fait qu’il se trouvera des experts
pour défendre cette thèse à coup de statistiques
hardies. Il s’en trouve bien pour parler de
« souffrance au travail » (sic!) chez France Télécom
ou dans les ministères. Rions un peu...
2) C’est faire, comme l’a souligné à de nombreuses
reprises le distingué
Pascal Salin, bien peu de cas de la singularité
et de la spécificité de chaque travailleur qui selon
la théorie du partage ne serait plus corvéable à
merci mais interchangeable (ce qui en terme de
respect de la personne ne vaut guère mieux!) et dont
les compétences se fondraient dans celles du voisin.
On reconnaît là cette vision collectiviste, pour ne
pas dire totalitaire, d’obédiences marxistes qui ne
veulent pas dire leur nom.
3) Il est à peu près certain que si les travailleurs
des pays les plus riches travaillaient plus, leurs
pays – et donc eux-mêmes! – le seraient encore
davantage. Libres à eux de s’endormir sur leurs
lauriers et de préparer les crises de demain. Le
travail crée la richesse. Et les libéraux, dont je
suis, pensent que cette richesse, pas plus que la
croissance d’ailleurs, ne relève d’une opération du
Saint-Esprit. Mais bien au contraire des efforts et
des contributions de chacun. Il n’y a pas plus
d’heures de travail à partager qu’il n’y a de
gâteau. La richesse et la croissance sont les
résultantes du dynamisme individuel de chacun dans
un environnement laissant place aux initiatives, à
la création et non, comme c’est le cas en France,
faisant la part belle à la spoliation. Et il serait
aussi vain qu’inepte de prétendre que le nombre
d’heures travaillées n’aurait pas la même importance
que les deux autres facteurs dans cette
multiplication à trois chiffres qu’est le calcul du
PIB. Et si certains pays s’estiment suffisamment
riches pour ajuster certaines variables compte tenu
de leur productivité, c’est leur affaire et c’est
leur droit. Pour autant, cela n’en constitue ni une
règle ni un modèle économique.
4) À l’inverse, je suis prêt à parier que si les
pays qui travaillent le plus se mettaient à
travailler moins en décidant par exemple de baisser
de façon coercitive (cf. Martine Aubry) le nombre
d’heures travaillées pour le ramener à la hauteur de
celui des pays riches et ce, naturellement sans les
investissements préalables et nécessaires à
l’augmentation de leur productivité, ils tomberaient
rapidement en faillite (voir la dette galopante de
la France). |
Monsieur Bougnoux appartient à ce cercle compassé, et
si français, qui continue de croire, contre vents et marées,
que le travail est une denrée rare dont la quantité serait
connue à l’avance et que l’on pourrait se partager
équitablement. Et que, ce faisant, il suffirait d’agir sur
un des facteurs de la détermination du PIB (de préférence le
temps de travail) pour que, comme par magie, les deux autres
se plient aux désirs du législateur et des propagateurs de
pareilles sornettes.
Et si en France, on
souffre moins qu’ailleurs d’une faiblesse de la
productivité, la seule augmentation du taux d’employabilité
ne suffirait pas à couvrir les besoins exorbitants de la
solidarité nationale ou prétendue telle! Solidarité qu’il
serait d’ailleurs préférable d’appeler désormais « injustice
sociale » tant elle profite à une caste dont les privilèges,
loin de décliner, ne font et ne feront que s’étendre. On me
dira que c’est une autre histoire mais c’est pourtant la
même.
Et puisque M. Bougnoux dirige un cabinet conseil, j’avoue qu’il me
tarde de voir mettre en pratique ses théories dans les
entreprises. S’il suffisait en effet de réduire massivement
le temps de travail de ceux qui en ont et d’embaucher des
remplaçants pour boucher les trous ainsi dégagés, pourquoi les
chefs d’entreprises ne l’ont-ils pas fait plus tôt? Tout
simplement parce que l’on peut imaginer les résultats sur la
productivité, le moral des salariés et la santé financière
des entreprises d’une pareille démarche. Exemple idiot,
simpliste et déplacé? Que nenni! Il n’y a pas de
macro-économie légitime qui ne tiendrait compte de la micro
du même nom. Ce qui n’est pas réalisable à petite échelle a
peu de chance de l’être à une plus grande.
Mais que l’on se rassure,
M. Bougnoux ne sera pas privé de Nobel, ce sont
les vilains garçons comme Pascal Salin que l’on punit. Ceux
qui ne respectent pas les discours et la langue obligés,
d’un bois aussi dur que les cerveaux de nos concitoyens sont
ramollis.
Si toutefois, pris de
remords, M. Bougnoux souhaitait approfondir sa
réflexion, nous lui conseillons vivement les lectures
conjuguées de deux français, Bastiat et Salin, et de deux
autrichiens, Hayek et Mises. Il en tirera grand profit – mot
dont il aurait également besoin de redécouvrir le sens.
En guise de conclusion,
nous lui rappellerons ce mot célèbre d’Éric Satie après que
Sartre eût refusé le prix Nobel (de littérature): « C’est
bien joli de refuser le prix Nobel mais encore faut-il
n’avoir rien fait pour l’avoir mérité ».
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