Un exercice
d'introspection qui fut déstabilisant surtout pour Rudolph Giuliani, cet
ancien maire de New York qui souhaite capitaliser sur les attentats
terroristes du 11 septembre 2001 pour entretenir son image de
fervent patriote aux yeux de l'électorat. Ainsi, il n’était pas
question pour lui de se laisser écorcher et quoi de mieux que
l'utilisation d'une rhétorique simpliste et manichéenne pour bien
faire passer son message: les ennemis de l'Amérique, dit-il, envient
notre liberté, notre richesse, ils s'attaquent à nos valeurs et à
notre mode de vie. S'il semblait y avoir consensus
sur le plateau derrière cette affirmation, Ron Paul en a très vite condamné
l'ambiguïté et la pauvreté théorique.
Non! réplique-t-il. On
nous attaque surtout parce que l'État américain mène depuis
plusieurs décennies des politiques interventionnistes ininterrompues
au Moyen-Orient. Il est grand temps de prendre du recul et de se
livrer à une réflexion plus approfondie sur les conséquences de nos
actions. De tenir compte de cette mise en garde de l'ancien
président George Washington (1789-1797) aux générations futures:
notre première règle de conduite devant les nations étrangères
doit être de favoriser nos relations commerciales et d'éviter de nous
immiscer dans leurs affaires internes. Des alliances politiques
permanentes et des tractations militaires avec n'importe quelle
région du monde représentent un danger potentiel.
Ron Paul, de réputation,
ne mâche pas ses mots. Il a vivement condamné le rapport de la
Commission d’enquête sur les événements du 11 septembre 2001, véritable mascarade politique où l’on a gaspillé temps et argent
simplement pour dévoiler des faits déjà bien connus et éclipser le
reste. Les services de renseignements, CIA, FBI et NSA, malgré une
bureaucratie déjà écrasante et des budgets de dépenses colossaux,
ont failli à la tâche. Comble du ridicule, des fonctionnaires sont
venus réclamer le plus sérieusement du monde davantage de fonds et
exiger des programmes de surveillance et de contrôle
supplémentaires. On a à peine discuté, voire même effleuré, la
possibilité que trop de gouvernement pouvait être au coeur du
problème, que l’arrogance interventionniste des États-Unis avait
peut-être atteint un point de non-retour.
Prenons en considération
quelques faits:
1. L'appui de
l’administration Reagan et Bush père au régime de Saddam
Hussein. Notons que Hussein est resté le même criminel sanglant
du début des années 1980, alors qu’il était un allié fidèle jusqu'à ce qu'il ne tombe plus dans les bonnes grâces des
stratèges de la Maison Blanche. Entre-temps, différentes
composantes d'armes conventionnelles, chimiques et
bactériologiques lui ont été offertes à rabais(1).
D’ailleurs, à ce jour, l'État américain continue d’entretenir
des liens étroits avec le Pakistan, l'Arabie Saoudite et
beaucoup d'autres dictateurs de la région, dont le Colonel
Mouammar Kadhafi en Libye. Une réalité qui soulève de multiples
questions sur cet engagement contradictoire envers la démocratie
alors que sa propre politique étrangère ne la défend même pas.
2. Plus de dix années de sanctions économiques ont contribué à
la mort des milliers d'enfants irakiens, privés d'eau potable et
d'installations sanitaires adéquates(2).
Ce genre de méthode douteuse ne touche que très rarement le
régime politique en place. Les deux dernières économies
communistes au monde, Cuba et la Corée du Nord, font l'objet de
sanctions depuis des décennies. La douleur et le ressentiment
qu'elles engendrent peuvent inciter les citoyens à chercher la
vengeance contre l'agresseur. Elles ouvrent la porte à des
représailles contre des civils américains.
3. En mai 2003, le président George W. Bush a ordonné une
offensive militaire inconstitutionnelle contre l’Irak, alors que
ce pays n’a jamais attaqué ni même menacé le territoire des États-Unis, ou fait ouvertement une déclaration de guerre. Ni la
population irakienne et le Parti Baas n’ont été complices des
attentats terroristes du 11 septembre(3).
Les allégations à cet effet ne sont que des rumeurs,
des
demi-vérités et des théories qui restent à être prouvées. Dans
cette guerre, l’État américain est l’agresseur et non la
victime. Le berceau de la civilisation est maintenant un amas de
ruines, des milliers de civils innocents ont été injustement tués, sans parler de tous les
militaires américains qui sont tombés au combat. On commence à
peine à mesurer
les conséquences très graves de cette guerre et
de ses débordements dans toute la région. Les coûts pour le
Trésor américain sont à ce point importants
qu’ils nécessitent
des emprunts.
4. On poste des troupes militaires en permanence sur les terres
islamiques en sachant fort bien tout l'impact négatif que cela
peut avoir sur une majorité de musulmans. Des milliards de
dollars en impôts sont dépensés annuellement pour maintenir un
vaste réseau de bases militaires à l’étranger(4).
En 1962, l'installation à Cuba d'une rampe de lancement de
missiles soviétiques, à quelques kilomètres des côtes de la
Floride, fut largement suffisante pour susciter une vague
d'inquiétude sans précédent chez les Américains. Il
n’y a donc absolument rien d’étonnant de voir l'État iranien chercher
dans le nucléaire un moyen de dissuasion efficace pour contrer
l'arrogance de Washington à ses frontières. Le président Mahmoud Ahmadinejad a compris, à l'instar de la Corée du Nord, que le
nucléaire offre un ultime moyen de se prémunir contre une
invasion.
5. La mise en place des tribunaux militaires. La constitution
des États-Unis et le principe de l'habeas corpus(5)
ont été suspendus alors qu’ils protègent les individus contre
les emprisonnements illégaux. Le président dispose d’un pouvoir
excessif en regard de sa fonction pour déterminer qui représente
« l'ennemi », qui doit être enfermé, et ce qui est ou pas de la
torture ou de l’abus. Dans les couloirs sombres de la prison de
Guantanamo à Cuba, des centaines de prisonniers sont détenus pour une période indéterminée sans même avoir eu droit à un
avocat et à un procès équitable. Les actes de torture physique et
de manipulation psychologique y sont fréquents. Comme le
soulignent plusieurs anciens haut placés du département d’État,
dont William Rogers,
le droit constitutionnel ne doit pas être bafoué, mais bien
défendu. Il ne faut pas adopter les mêmes méthodes barbares que
ceux que nous dénonçons.
6. Le soutien diplomatique, financier et militaire accordé sans
réserve à l’État d'Israël. Dans un article
du London Review of Books intitulé: « The Israel Lobby »,
le professeur John Mearsheimer de l’Université de Chicago et
Stephen Walt du Harvard Kennedy School
expliquent l'influence négative du lobby pro-Israël sur les intérêts domestiques et
internationaux des États-Unis. On est plutôt timide à condamner
les affronts d’Israël envers les droits de l’homme et tous les
principes de liberté défendus par l’Occident. Cette forme
d’immunité accentue non seulement l’antisémitisme dans le monde,
mais paradoxalement, fait en sorte qu'on colle cette même étiquette à tous ceux
et celles qui, dans le milieu journalistique, osent écrire des
éditoriaux défavorables ou plus critiques envers les agissements
de Tel-Aviv. |
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