Et si d’aucuns ont pu me reprocher ma mauvaise foi flagrante, il
faut qu’ils sachent – privilège de l’âge! – qu’elle s’appuie sur la
litanie sans fin des promesses non tenues et des retournements de
veste dont les gouvernants français ont toujours été coutumiers.
De Pompidou, as du mécano
étato-industriel, à Chirac, socialiste masqué, en passant par
Giscard, plus libertin que libéral, les représentants de la droite
française ont toujours été plus étatistes et dirigistes que
libéraux. Même si parfois leurs programmes, leurs propos et leurs
engagements laissaient entendre le contraire.
En France, les mots ont
le sens qu’on veut bien leur donner et les promesses, comme le
rappelait cyniquement Charles Pasqua, n’engagent que ceux qui ont la
faiblesse ou la bêtise de les prendre pour de l'argent comptant.
Pourquoi devrait-il en
être autrement? A fortiori quand on sait que celui qui priva
le même Pasqua de la mairie de Neuilly et lui succéda au conseil
général des Hauts de Seine est un certain... Nicolas Sarkozy. Bon
sang ne saurait mentir!
J’avais, dès avant
l’élection,
fait part de mon inquiétude quant à l’interventionnisme malsain
du ministre de l’Économie qu’il fut durant quelques mois. La façon
désinvolte avec laquelle il avait traité le dossier EDF, faisant
ami-ami avec les représentants de la CGT, ne laissait rien augurer
de positif pour qui se fait une certaine idée de l’économie. Être
cul et chemise avec le syndicat le plus rétrograde de la planète
n’était pas la meilleure garantie d’en finir avec les prébendes et
les abus notoires qui ont fini par rendre ingouvernables nombre
d’entreprises publiques.
Et d’ailleurs, dès son
accession au pouvoir, des signaux peu rassurants pour ses électeurs
ont été adressés à ceux dont on aurait pu penser qu’ils étaient
désormais les ennemis de classe du nouveau régime. D’autant que le
premier ministre lui-même avait rappelé dans un élan d’enthousiasme,
vite douché au demeurant, que le message des Français était clair à
cet égard et que par conséquent, on leur ferait rendre gorge. Mais
voilà, la diatribe est une chose et la réalité en est une autre.
On se souvient qu’Alain
Madelin, libéral proclamé et a priori sincère, avait été, en
1995, limogé de son poste éphémère de ministre des Finances pour
avoir affirmé que le gouvernement auquel il appartenait n’avait pas
été nommé pour faire plaisir aux fonctionnaires. Celui qui avait mis
fin brutalement à ses fonctions, premier ministre de l’époque, se
nommait... Alain Juppé.
Le même que l'on a
retrouvé à un poste clé du gouvernement Sarkozy – avant que les
électeurs bordelais ne le renvoient à ses chères études – et qui, avec Michèle
Alliot-Marie, Jean-Louis Borloo ou Xavier Bertrand, sont au
libéralisme ce que Jean-Paul II était au préservatif. Et encore, le
propos est-il sans doute injurieux pour un pape qui a su faire
montre de courage face aux dictatures des pays de l’Europe de l’est,
ce qui n’a jamais été le cas de nos représentants fantoches.
François Hollande
lui-même, socialiste archaïque s’il en est, et dont on sait
aujourd’hui grâce à un livre à succès (c.f. La Femme Fatale)
qu’il eût assez de lucidité pour tromper Ségolène Royal, n’avait pas
hésité – en fin connaisseur! – à dire de Juppé, qu’il « incarnait
physiquement l’impôt ». Moralement aussi, serait-on tenté d’ajouter!
Comme si ces nominations
ne suffisaient pas à afficher la couleur, on apprit dans la foulée
que l’inénarrable Raymond Soubie, ancien conseiller de Raymond Barre
(dont les propos antisémites ont récemment défrayé la chronique),
avait rejoint l’écurie présidentielle. Salué par la presse
traditionnelle pour son onctuosité de prélat et son savoir-faire
doucereux, autrement dit pour son immobilisme consensuel, Soubie a,
nous dit-on, le profil qui rassure les syndicats. Syndicats avec
lesquels il entretient depuis fort longtemps des relations
harmonieuses pour ne pas dire incestueuses.
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