Le
dogme fondamental de ce choeur décrète que la pauvreté est
la conséquence d'institutions sociales inéquitables. Le
péché originel qui a privé l'humanité de la vie merveilleuse
du Jardin d'Eden fut l'établissement de la propriété privée
et de l'entreprise privée. Le capitalisme ne sert que les
intérêts égoïstes de farouches exploiteurs. Il condamne les
masses d'hommes droits à l'appauvrissement progressif et à
la déchéance. Ce qu'il faut pour rendre tous ces gens
prospères, c'est dompter les cupides exploiteurs grâce au
grand dieu nommé État. La motivation du « service » doit
remplacer la motivation du « profit ». Heureusement,
disent-ils, aucune intrigue et aucune brutalité de la part
des abominables « royalistes économiques » ne peut remettre
en question le mouvement de réforme. L'avènement d'un âge de
planification centralisée est inévitable. Il y aura alors
abondance pour tous. Ceux qui souhaitent accélérer cette
grande transformation se désignent eux-mêmes comme
progressistes précisément parce qu'ils prétendent oeuvrer
pour la réalisation de ce qui est à la fois désirable et en
accord avec les lois inexorables de l'évolution historique.
Ils dénoncent comme réactionnaires tous ceux qui se sont
engagés dans l'effort vain d'arrêter ce qu'ils appellent le
progrès.
Du point de vue de ces
dogmes, les progressistes préconisent certaines politiques
qui, à les entendre, pourraient soulager immédiatement le
sort des masses qui souffrent. Ils recommandent, par
exemple, l'expansion du crédit et l'accroissement de la
quantité de monnaie en circulation, des taux de salaire
minimums à décréter et à faire appliquer soit par le
gouvernement soit par la pression et la violence des
syndicats, le contrôle du prix des biens et des loyers,
ainsi que d'autres mesures interventionnistes. Les
économistes ont cependant démontré que de tels remèdes de
charlatan n'arrivaient pas à engendrer les résultats que
leurs avocats cherchent à atteindre. Leur conséquence est
une situation qui, du point de vue de ceux-là même qui
les préconisent et qui y ont recours, est pire encore
que l'état précédent qu'ils devaient modifier. L'expansion
du crédit conduit au retour périodique des crises
économiques et des périodes de dépression. L'inflation fait
grimper le prix de tous les biens et services. Les
tentatives visant à faire appliquer des taux de salaire
supérieurs à ceux qui seraient déterminés par un marché
libre produisent un chômage de masse prolongé année après
année. Le plafonnement des prix conduit à une diminution de
l'offre des biens concernés. Les économistes ont prouvé ces
théorèmes d'une manière irréfutable. Aucun pseudo-économiste
« progressiste » n'a d'ailleurs jamais essayé de les
réfuter.
L'accusation essentielle
portée par les progressistes contre le capitalisme est que
la récurrence des crises et des dépressions, ainsi que le
chômage de masse, sont des caractéristiques qui lui sont
inhérentes. La démonstration que ces phénomènes sont, au
contraire, le résultat des tentatives interventionnistes de
contrôler le capitalisme et d'améliorer la situation de
l'homme ordinaire donne à l'idéologie progressiste le coup
de grâce. Comme les progressistes ne sont pas en mesure
d'avancer la moindre objection défendable contre les
enseignements des économistes, ils essaient de les cacher au
peuple et plus particulièrement aux intellectuels et aux
étudiants des universités. Toute référence à l'une de ces
hérésies est formellement interdite. Leurs auteurs sont
traités de tous les noms et on dissuade les étudiants de
lire leur « fatras idiot ».
D'après le dogmatique
progressiste, il existe deux groupes d'hommes se disputant
pour savoir quelle sera la quantité du « revenu national »
que chacun gardera pour lui. La classe possédante, les
entrepreneurs et les capitalistes, auxquels ils se réfèrent
souvent sous l'appellation de « patronat », n'est pas
préparée à abandonner aux « travailleurs », c'est-à-dire aux
salariés et aux employés, plus qu'une peccadille, à peine
plus que le minimum vital. Les travailleurs, comme on peut
facilement le comprendre puisqu'ils sont énervés par la
cupidité des patrons, sont enclins à tendre une oreille aux
extrémistes, aux communistes, à ceux qui veulent exproprier
totalement le patronat. Toutefois, la majorité de la classe
des travailleurs est suffisamment modérée pour ne pas céder
à l'extrémisme excessif. Ils rejettent le communisme et sont
prêts à se contenter de moins que la confiscation totale des
rentes « imméritées ». Leur objectif est une solution
médiane, le planisme, l'État-providence, le socialisme. Dans
cette controverse, les intellectuels qui n'appartiennent
prétendument à aucun des deux camps opposés, sont appelés à
jouer le rôle d'arbitres. Eux – les professeurs,
représentants de la science, et les écrivains, représentants
de la littérature – doivent freiner les extrémistes de
chaque groupe, ceux qui recommandent le capitalisme comme
ceux qui préconisent le communisme. Ils doivent être du côté
des modérés. Ils doivent défendre le planisme,
l'État-providence, le socialisme et soutenir toutes les
mesures destinées à réfréner la cupidité du patronat et à
l'empêcher d'abuser de son pouvoir économique.
Il n'est pas nécessaire
de recommencer à nouveau une analyse détaillée de tous les
sophismes et de toutes les contradictions qu'implique cette
façon de penser. Il est suffisant de distinguer trois
erreurs fondamentales.
Premièrement: le grand
conflit idéologique de notre époque n'est pas une lutte pour
la répartition du « revenu national ». Ce n'est pas une
dispute entre deux classes dont chacune désire s'approprier
la plus grande part d'une somme disponible et devant être
distribuée. C'est un désaccord concernant le choix le plus
adéquat du système d'organisation économique de la société.
La question est: lequel de ces deux systèmes, capitalisme ou
socialisme, garantit une productivité plus grande des
efforts humains en vue d'améliorer le niveau de vie des
gens? La question est aussi: le socialisme peut-il être
considéré comme une solution alternative au capitalisme et
une quelconque conduite rationnelle des activités de
production, c'est-à-dire une conduite basée sur le calcul
économique, peut-elle être effectuée dans un régime
socialiste? Le fanatisme et le dogmatisme des socialistes se
manifestent dans le fait qu'ils refusent obstinément
d'examiner ces questions. Avec eux, la conclusion est déjà
réglée d'avance: le capitalisme est le pire de tous les maux
et le socialisme est l'incarnation de tout ce qui est bien.
Toute tentative d'analyser les problèmes économiques d'une
communauté socialiste est considérée comme un crime de
lèse-majesté. Comme la situation actuellement en vigueur
dans les pays occidentaux ne permet pas encore de liquider,
selon la méthode russe, de tels contrevenants, ils les
insultent et les calomnient, jettent la suspicion sur leurs
motivations et les boycottent(5).
Deuxièmement: il n'y a
pas de différence économique entre le socialisme et le
communisme. Les deux termes se rapportent au même système
d'organisation de la société, c'est-à-dire au contrôle
public de tous les moyens de production, par opposition au
contrôle privé des moyens de production, à savoir le
capitalisme. Les deux termes, socialisme et communisme, sont
synonymes. Le document que tous les socialistes marxistes
considèrent comme le fondement inébranlable de leurs
principes est intitulé Manifeste communiste.
Inversement, le nom officiel de l'empire russe est Union des
républiques socialistes soviétiques (U.R.S.S.)(6).
L'antagonisme entre les
partis socialistes et communistes actuels ne concerne pas le
but ultime de leurs politiques. Il concerne principalement
la volonté des dictateurs russes d'assujettir autant de pays
que possible, et en premier lieu les États-Unis. Il
concerne, de plus, la question de savoir si la réalisation
du contrôle public des moyens de production doit être
obtenue par des méthodes constitutionnelles ou par un
renversement violent du gouvernement en place.
Les termes « planisme »
et « État-providence » tels qu'ils sont utilisés par les
économistes, les hommes d'État, les politiciens et toutes
les autres personnes ne signifient pas non plus quelque
chose de différent du but final du socialisme et du
communisme. Le planisme signifie que le plan du gouvernement
doit remplacer les plans des citoyens individuels. Il veut
dire que les entrepreneurs et les capitalistes doivent être
privés de la liberté d'utiliser leurs capitaux d'après leurs
propres projets et qu'ils sont obligés de se soumettre sans
condition aux ordres émis par le bureau central de
planification. Ceci revient à transférer le contrôle des
entrepreneurs et des capitalistes au gouvernement.
C'est par conséquent une
grave erreur que de considérer le socialisme, le planisme ou
l'État-providence comme des solutions au problème de
l'organisation économique de la société qui différeraient de
celle du communisme et qui devraient être considérées comme
« moins absolutistes » ou « moins radicales ». Le socialisme
et le planisme ne sont pas des antidotes au communisme comme
semblent le croire de nombreuses personnes. Un socialiste
n'est plus modéré qu'un communiste que dans la mesure où il
ne livre pas de documents secrets de son pays aux agents
russes et ne projette pas d'assassiner les bourgeois
anticommunistes. C'est, bien entendu, une différence très
importante. Mais cela ne concerne en rien le but ultime de
l'action politique.
Troisièmement:
capitalisme et socialisme sont deux modèles distincts
d'organisation sociale. Le contrôle privé des moyens de
production et leur contrôle public sont des notions
contradictoires et pas seulement contraires. Il ne peut pas
exister d'économie mixte, de système qui se tiendrait à
mi-chemin entre le capitalisme et le socialisme. Ceux qui
défendent ce que l'on prend à tort pour une solution médiane
ne recommandent pas un compromis entre socialisme et
capitalisme, mais un troisième modèle qui possède ses
caractéristiques propres et qui doit être jugé selon ses
propres mérites. Ce troisième système, que les économistes
appellent interventionnisme, ne combinent pas, comme le
proclament ses partisans, certains traits du capitalisme
avec certaines caractéristiques du socialisme. C'est une
chose totalement différente de chacun des deux. Les
économistes qui déclarent que l'interventionnisme n'atteint
pas les objectifs que ses tenants veulent obtenir, mais
empire les choses – non pas du propre point de vue de
l'économiste, mais de celui-là même des avocats de
l'interventionnisme – ne sont pas des individus
intransigeants et extrémistes. Ils ne font que décrire les
conséquences inévitables de l'interventionnisme.
Quand Marx et Engels,
dans le Manifeste communiste, défendaient des mesures
interventionnistes données, ils ne voulaient pas recommander
un compromis entre le socialisme et le capitalisme. Ils
considéraient ces mesures – qui, incidemment, sont les mêmes
que celles qui forment l'essence des politiques de New
Deal et de Fair Deal – comme les premiers pas sur
la voie vers l'instauration du communisme intégral. Ils
décrivaient eux-mêmes ces mesures comme « économiquement
insuffisantes et insoutenables » et les réclamaient que
parce que ces mesures « au cours du mouvement, se dépassent
elles-mêmes et sont indispensables comme moyen de
bouleverser le mode de production tout entier ».
La philosophie sociale et
économique des progressistes est donc un plaidoyer en faveur
du socialisme et du communisme.
6. Les pièces et les romans «
sociaux » |
Le public, qui soutient les idées socialistes, demande plus
de pièces et de romans socialistes (« sociaux »). Les
auteurs, eux-mêmes imprégnés d'idées socialistes, sont prêts
à offrir la matière réclamée. Ils décrivent des situations
peu satisfaisantes qui, comme ils l'insinuent, sont la
conséquence inévitable du capitalisme. Ils dépeignent la
pauvreté et la misère noire, l'ignorance, la saleté et la
maladie des classes exploitées. Ils critiquent sévèrement le
luxe, la stupidité et la corruption morale des classes
exploiteuses. À leurs yeux tout ce qui est mal et ridicule
est bourgeois et tout ce qui est bon et sublime est
prolétaire.
Les auteurs qui traitent
des vies de personnes touchées par la pauvreté peuvent être
divisés en deux catégories. La première est celle de ceux
qui n'ont pas eu eux-mêmes l'expérience de la pauvreté, qui
sont nés et ont été élevés dans un milieu « bourgeois » ou
dans un milieu de salariés ou de paysans prospères:
l'environnement dans lequel ils situent les personnages de
leurs pièces et de leurs romans leur est étranger. Ces
auteurs doivent donc, avant de commencer à écrire,
rassembler des informations sur la vie de la classe qu'ils
veulent dépeindre. Ils débutent leurs recherches. Mais, bien
sûr, ils n'abordent pas le sujet de leurs études avec un
esprit impartial. Ils savent à l'avance ce qu'ils
découvriront. Ils sont convaincus que la situation des
salariés est horrible et affligeante au-delà de toute
imagination. Ils ferment les yeux sur tout ce qu'ils ne
veulent pas voir et ne trouvent que ce qui confirme leurs
idées préconçues. Les socialistes leur ont enseigné que le
capitalisme est un système faisant terriblement souffrir les
masses et que plus le capitalisme progresse et atteint sa
pleine maturité, plus l'immense majorité s'appauvrit. Leurs
romans et leurs pièces sont construits comme des cas d'école
permettant de démontrer ce dogme marxiste.
Ce qui ne va pas avec ces
auteurs n'est pas qu'ils choisissent de dépeindre la misère
et le dénuement. Un artiste peut montrer sa maîtrise en
traitant n'importe quel type de sujet. Leur erreur consiste
plutôt dans leur déformation tendancieuse et dans leur
interprétation erronée des conditions sociales. Ils
n'arrivent pas à saisir que les circonstances choquantes
qu'ils décrivent sont le résultat de l'absence de
capitalisme, les vestiges du passé pré-capitaliste ou les
effets de politiques sabotant le fonctionnement du
capitalisme. Ils ne comprennent pas que le capitalisme, en
générant une production à grande échelle pour la
consommation de masse, est fondamentalement un système qui
élimine la misère autant que possible. Ils ne décrivent le
salarié que dans son rôle d'ouvrier d'usine et ne
réfléchissent jamais au fait qu'il est aussi le principal
consommateur soit des biens manufacturés eux-mêmes, soit de
la nourriture et des matières premières contre lesquelles on
les échange.
La prédilection de ces
auteurs pour traiter de la misère et de la détresse se
transforme en une scandaleuse distorsion de la vérité quand
ils laissent entendre qu'ils dépeignent une situation
typique et représentative du capitalisme. L'information
fournie par les données statistiques concernant la
production et la vente de tous les articles de la production
à grande échelle montre clairement que le salarié type ne
vit pas dans les tréfonds de la misère.
Le représentant le plus
éminent de l'école de la littérature « sociale » est Émile
Zola. Il a établi le modèle qu'une foule d'imitateurs moins
doués a adopté. À son avis, l'art devait être intimement lié
à la science. Il devait se fonder sur la recherche et
illustrer les trouvailles de la science. Or le principal
résultat des sciences sociales, selon Zola, était le dogme
expliquant que le capitalisme serait le pire de tous les
maux et que l'avènement du socialisme serait à la fois
inévitable et hautement désirable. Ses romans étaient « en
fait un ensemble d'homélies socialistes »(7).
Mais Zola, avec ses préjugés et son zèle prosocialiste, fut
vite surpassé par la littérature « prolétarienne » de ses
adeptes.
Les critiques littéraires
« prolétariens » prétendent que ces auteurs « prolétariens »
ne font que traiter des faits bruts de l'expérience du
prolétariat(8).
Toutefois, ces auteurs ne font pas que rapporter des faits.
Ils les interprètent du point de vue des enseignements de
Marx, de Veblen et des Webb. Cette interprétation est le
fond de leurs écrits, le point saillant qui les caractérise
comme propagande prosocialiste. Ces écrivains considèrent
les dogmes sur lesquels reposent leur explication des
événements comme étant évidents et irréfutables, et sont
pleinement convaincus que leurs lecteurs partagent leur
confiance. Il leur semble ainsi souvent superflu de
mentionner explicitement les doctrines. Ils ne s'y réfèrent
parfois que par insinuation. Mais ceci ne change pas le fait
que tout ce qu'ils font passer dans leurs livres dépend de
la validité des principes socialistes et des constructions
pseudo-économiques. Leur fiction est une illustration des
leçons des doctrinaires anti-capitalistes et s'effondre avec
elles.
La deuxième catégorie des
auteurs de fiction « prolétarienne » sont ceux qui sont nés
dans le milieu de prolétaires qu'ils décrivent dans leurs
livres. Ces hommes sont sortis de cet environnement de
travailleurs manuels et ont rejoint les rangs des
professions libérales. Ils ne sont pas, contrairement aux
auteurs prolétariens issus d'un milieu « bourgeois », dans
la nécessité d'apprendre quelque chose sur la vie des
salariés. Ils peuvent utiliser leur propre expérience.
Cette expérience
personnelle leur apprend des choses qui contredisent
catégoriquement les dogmes essentiels du credo socialiste.
On ne barre pas l'accès à des positions plus satisfaisantes
aux fils talentueux et très travailleurs de parents vivant
dans des conditions modestes. Les auteurs issus d'un milieu
« prolétarien » sont eux-mêmes un témoignage de ce fait. Ils
savent pourquoi eux ont réussi alors que la plupart de leurs
frères et de leurs camarades n'y sont pas parvenus. Au cours
de leur progression vers une meilleure position sociale, ils
ont amplement eu l'occasion de rencontrer d'autres jeunes
gens qui, comme eux, désiraient apprendre et progresser. Ils
savent pourquoi certains d'entre eux ont trouvé leur voie et
pourquoi d'autres l'ont ratée. Désormais, vivant au sein des
« bourgeois », ils découvrent que ce qui distingue l'homme
qui gagne beaucoup d'argent de celui qui en gagne moins
n'est pas que le premier est un escroc. Ils n'auraient pas
dépassé le niveau auquel ils sont nés s'ils avaient été
assez stupides pour ne pas voir que beaucoup d'industriels
et de membres des professions libérales sont eux aussi des
self-made men, qui ont commencé par être pauvres. Ils
ne peuvent pas ne pas saisir que les différences de revenus
sont dues à des facteurs autres que ceux suggérés par le
ressentiment socialiste.
Si de tels auteurs se
laissent aller à écrire ce qui est en réalité une prose
prosocialiste, ils ne sont pas sincères. Leurs romans et
leurs pièces ne sont pas véridiques et sont donc bonnes à
jeter à la poubelle. Ils sont bien en deçà du niveau des
livres de leurs collègues d'origine « bourgeoise », qui au
moins croient ce qu'ils écrivent.
Les auteurs socialistes
ne se contentent pas de dépeindre la situation des victimes
du capitalisme. Ils s'occupent aussi de la vie et des
actions de ses bénéficiaires: les hommes d'affaires. Ils
sont résolus à révéler aux lecteurs comment naissent les
profits. Comme ils ne sont pas eux-mêmes – Dieu merci –
familiers d'un sujet aussi sale, ils cherchent d'abord des
informations dans les livres des historiens compétents.
Voici ce que ces experts leur racontent sur les « gangsters
de la finance » et les « requins de l'industrie » et sur la
façon dont ils acquièrent leurs richesses: « Il commença sa
carrière comme conducteur de bestiaux, ce qui veut dire
qu'il achetait le bétail des fermiers et le menait au marché
pour l'y vendre. Le bétail était vendu aux bouchers d'après
son poids. Juste avant de se rendre au marché, il gavait les
bêtes de sel et leur donnait à boire de grandes quantités
d'eau. Un gallon d'eau pesait environ huit livres. Mettez
trois ou quatre gallons d'eau dans une vache, et vous avez
quelque chose en plus quand il s'agit de la vendre. »(9)
Dans la même veine, des douzaines et des douzaines de romans
et de pièces de théâtre racontent les transactions du vilain
de leur intrigue: l'homme d'affaires. Les magnats de
l'industrie deviennent riches en vendant de l'acier fendu et
de la nourriture avariée, des chaussures avec des semelles
en carton et des articles de coton présentés comme de la
soie. Ils soudoient les sénateurs et les gouverneurs, les
juges et la police. Ils trompent leurs clients et leurs
employés. C'est une histoire très simple.
Il n'est jamais venu à
l'esprit de ces auteurs que leur narration présente
implicitement tous les autres Américains comme de parfaits
idiots que tout vaurien peut facilement duper. L'astuce
mentionnée plus haut sur les vaches gonflées est la méthode
d'arnaque la plus primitive et la plus ancienne. Il est
difficile de croire qu'il reste quelque part dans le monde
des acheteurs de bétail assez stupides pour s'y laisser
prendre. Supposer qu'il y a aux États-Unis des bouchers qui
pourraient se laisser tromper de cette façon, c'est trop
attendre de la simplicité du lecteur. Il en va de même pour
toutes les fables similaires.
Dans sa vie privée
l'homme d'affaires, tel que le dépeint l'auteur «
progressiste », est un barbare, un joueur et un ivrogne. Il
passe ses jours aux courses, ses soirées dans les boîtes de
nuit et ses nuits avec ses maîtresses. Comme Marx et Engels
l'ont souligné dans le Manifeste communiste, ces «
bourgeois, non contents d'avoir à leur disposition les
femmes et les filles des prolétaires, sans parler de la
prostitution officielle, trouvent un plaisir singulier à se
cocufier mutuellement. » Voilà le reflet du monde des
affaires américain tel que le renvoie une grande partie de
la littérature américaine(10).
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