Montréal, 30 septembre 2007 • No 235

 

OPINION

 

 Serge Rouleau est éditeur du Magazine nagg.

 
 

EFFICACITÉ RIME AVEC LIBERTÉ

 

par Serge Rouleau

 

          Une équipe de McKinsey a relevé le défi d’identifier les pratiques administratives garantes des meilleures performances. Ils ont analysé plus de 100 000 questionnaires pour découvrir les pratiques de gestion de 230 entreprises disséminées autour du globe. Selon cette étude les entreprises les plus efficaces ont trois caractéristiques en commun:
 

• elles responsabilisent les employés;
• elles ont une vision claire de la direction de l’entreprise;
• et elles cultivent la confiance et le plaisir du défi chez les employés.

 

          L’étude a aussi démontré qu’il existe une forte corrélation entre « organisation » et « efficacité ». L’analyse des entreprises de l’industrie énergétique a démontré que pour des entités semblables, les meilleures pratiques administratives généraient des profits additionnels considérables.
 

Source: The McKinsey Quarterly Chart Focus Newsletter, Septembre 2007

          Donc, cette étude permet de conclure que l’application de ces trois principes de gestion optimise l’efficacité des entreprises.

          Peut-on appliquer les mêmes principes de gestion à la fonction publique pour améliorer son efficacité?
 

La responsabilisation des employés

          Les bureaucraties sont hésitantes, lentes et souvent arbitraires et capricieuses. Ces caractéristiques sont les deux côtés d’une même pièce. Elles peuvent être décisives et rapides, mais seulement en étant plus arbitraires et capricieuses. Ces caractéristiques bureaucratiques découlent du fait que les bureaucrates sont les premières victimes des politiciens lorsque vient le temps d’apaiser la grogne populaire.

          De plus, les exigences électoralistes des politiciens compliquent sérieusement leur travail. Ainsi, ils doivent s’assurer que leurs décisions sont inattaquables. Dans un tel environnement, la meilleure protection qu’un bureaucrate puisse obtenir consiste à refiler le problème à d’autres ou à retarder une décision jusqu’à ce qu’elle s’impose d’elle-même. C’est tout le contraire de la responsabilisation.
 

Une vision claire de la « direction »

          Dans les démocraties parlementaires ce sont les politiciens, le premier ministre et ses ministres, qui décident de la « direction » des divers ministères et organismes gouvernementaux. Ils sont l’équivalent du « chef de la direction » dans une entreprise privée. Toutefois, les politiciens ont deux priorités: remplir les coffres du parti et influencer le vote populaire en prévision des prochaines élections. Le premier ministre récompensera ou punira ses ministres à la lumière des résultats obtenus dans ces deux domaines.
 

« Le succès d’un fonctionnaire est directement proportionnel à sa capacité de manipuler son entourage pour se mettre en valeur au moment opportun ou pour s’esquiver quand les choses se corsent. »


          Les ministères et organismes gouvernementaux doivent se plier aux exigences politiques du moment. Les politiciens les assimilent à des outils à leur disposition pour promouvoir le financement et la popularité du parti au pouvoir. Ils y nomment les amis du parti. Ils leur demandent de commanditer des activités politiquement rentables. Ils s’imposent dans la gestion journalière pour maximiser les retombés médiatiques. Dans ce contexte, une « vision claire » sert à alimenter les discours mais a peu d’influence sur l’action.

Une culture qui favorise la confiance et les défis

          Les ministères et organismes gouvernementaux opèrent dans un environnement qui impose le conformisme. Il y a deux pouvoirs qui s’affrontent pour imposer leur agenda respectif: les politiciens et les syndicats. L’un comme l’autre exige que le fonctionnaire se soumette servilement à leurs exigences. Les fonctionnaires sont des pions devant servir la cause des uns et des autres.

          Le succès d’un fonctionnaire est directement proportionnel à sa capacité de manipuler son entourage pour se mettre en valeur au moment opportun ou pour s’esquiver quand les choses se corsent. Le fonctionnaire qui fait confiance à son entourage sera perçu comme naïf et sera abusé par ses confrères plus ambitieux. S’il s’aventure en dehors des sentiers battus, il sera rapidement rappelé à l’ordre par ses patrons ou par son délégué syndical. La fonction publique favorise une culture de méfiance et d’attentisme.

Conclusion

          L’application des principes de gestion efficace décrits dans l’étude de McKinsey requiert un environnement qui valorise les libertés individuelles: la responsabilité, l’autonomie et le goût du risque. C’est tout le contraire de ce que nous retrouvons habituellement dans la fonction publique. Les ministères et organismes gouvernementaux sont soumis aux caprices des politiciens et des leaders syndicaux. Ils risquent à tout moment de faire les frais des caprices des uns et des autres. Les fonctionnaires qui se mettent en valeur face au succès et s’esquivent quand ça va mal, seront les premiers récompensés. Il n’y a pas de place pour les individus autonomes et créatifs.

          Ce dilemme peut être résout en séparant les rôles de « direction » et « exécution ». À l’aide des politiques gouvernementales, les politiciens établissent les grandes orientations de la société, la « direction ». Toutefois, le mandat de fournir les services gouvernementaux, « l’exécution », peut être confié à l’entreprise privée, le gouvernement se réservant un droit de regard plus ou moins important selon que les services fournis sont plus ou moins compétitifs. L’histoire récente de l’Irlande et de la Suède démontre le bien-fondé de cette approche.
 

 

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