Or, quels que soient les pays de provenance, ces
professionnels priveront d’une part leur pays d’origine de
compétences pourtant financées par leurs impôts, mais
surtout, gaspilleront leurs acquis dans un programme de
peuplement qui n’est pas taillé pour leur garantir une
carrière.
Usant d’argumentaires fallacieux, le Canada comme le Québec
vont s’abreuver aux forces vives de pays émergeants,
fragilisant leur dynamique de croissance et d’innovation. On
ne leur demandera pas de venir lutter contre le
vieillissement de la population et de faire des enfants que
les autochtones ne font plus – pour des raisons d’ailleurs
suspectes et que l’on cachera soigneusement. On leur
proposera au contraire de se joindre « à une dynamique
formidable d’opportunités, dans une région de tous les
possibles! »
Les immigrants ainsi sélectionnés en Asie, en Europe, en
Amérique du Sud et au Maghreb le sont principalement sur la
base de leurs diplômes, expertises professionnelles et
moyens financiers. S’ils sont jeunes, riches et instruits,
ils seront bons pour le voyage!
On peut facilement imaginer qu’ils représentent pourtant une
grande richesse pour leur pays d’origine, qui a dépensé en
temps et en infrastructures beaucoup d’argent pour les
former. Ce n’est pas enrichissant de se faire déposséder de
ses meilleurs éléments, d’autant qu’en partant exercer
ailleurs une activité professionnelle, en allant faire de la
recherche ou créer des entreprises à l’étranger, les
immigrants qualifiés transfèrent une partie du potentiel
économique et de développement de leur propre pays vers un
autre.
Certains diront alors que c’est le jeu de l’ouverture des
marchés et de la libre circulation des personnes.
L’expérience acquise ailleurs par ces immigrants reviendra
peut-être au pays d’origine et lui profitera ultimement, un
peu comme les programmes d’échanges culturels et de
coopération dont les effets ne se mesurent que sur le long
terme.
Ceci est vrai, à la condition que nombre de ces immigrants
économiques ne frappent pas le mur du corporatisme une fois
sur place! Or, au Canada et plus encore au Québec, la
non-reconnaissance des diplômes, des formations, des
expériences ainsi que les différences culturelles et
linguistiques sont à la défaveur des nouveaux venus. Il faut
une dizaine d’années à un immigrant qualifié pour retrouver
le niveau de vie qu’il avait avant d’arriver dans son pays
d’accueil. Une décennie de perdue!
Combien d’autres doivent abandonner leurs acquis,
recommencer au bas de l’échelle et dépenser leurs économies?
Combien doivent réobtenir sur place un diplôme identique à
l'original qui avait pourtant présidé à leur recrutement?
Combien abandonnent et retournent d’où ils viennent avec
l’échec et le désaveu pour seul viatique? Combien insistent
et s’étiolent dans des jobines alimentaires, incapables de
revenir en arrière? Et quand bien même ils le feraient, ils
auraient l’allure de réfugiés dans leurs propre pays et
cette seule idée les en dissuade.
Pourquoi alors les avoir fait venir? Pourquoi avoir
dépouillé en pure perte leur pays d’origine de leurs
talents? Pourquoi prétendre distinguer l’immigration
économique, les réfugiés politiques et le regroupement
familial si c’est pour finir par mettre tout le monde dans
un grand panier humanitaire qui nourrira un sectarisme
frileux et mesquin? Avec ce gâchis économique et humain,
nous sommes loin, finalement, de la délocalisation des
diplômes et des échanges croisés d’aptitudes. Nous sommes
face à un processus inverse et d’une légitimité contestable
sous la forme d’un formidable gaspillage de compétences!
Pour contrer la supercherie de ce fourre-tout migratoire, il
importe non seulement d’en prendre collectivement
conscience, mais de le dénoncer fermement et d’encourager
plutôt les vrais programmes de délocalisation de diplômes,
qui sont finalement une version moderne, viable et équitable
de la coopération économique et de la répartition du savoir.
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