Je me suis fait cette réflexion l’autre jour lorsqu’une vieille dame
s’est empressée de remettre ses sacs réutilisables à la
caissière du Loblaws que je fréquente en me regardant du coin de l’oeil. Ce qu’elle semblait dire à la caissière, c’est
« Moi, j'les ai mes sacs madame! » – comme la petite
étudiante studieuse que tout le monde détestait en classe. Et
à moi, de son gros oeil sermonneur: « Eh oui monsieur,
heureusement qu'il
y en a qui sont conscientisés ici bas! » Si ça peut renforcer
votre foi Mme Chose…
L’environnementalisme semble être en voie de devenir (si ce
n’est déjà fait) une nouvelle religion. Des « signes » se
manifestent ici et là, tels autant de révélations. Prenez la
nouvelle campagne « nationale » de sensibilisation à la collecte
sélective municipale intitulée « Votre voix écolo », lancée en grande pompe
le mois dernier par la ministre du Développement durable, de
l’Environnement et des Parcs, quelques sociétés d’État, et des
regroupements de municipalités.
Dans sa version imprimée, on voit un petit ange, sourire fendu
jusqu’aux oreilles, répéter à qui veut bien l’entendre: « Avant
de jeter, écoutez votre voix écolo! » (encore heureux qu’il ne
nous tutoie pas tous allègrement). En lieu et place de son
auréole, on retrouve le fameux symbole du recyclage – ces trois
petites flèches en forme de cercle.
Quand j’étais petit, on
parlait de conscience dans un contexte religieux. « Écoutez la voix de
votre conscience », qu’on nous disait à la maison ou à l’école
pour savoir si tel ou tel acte que nous avions commis était
irréprochable – ou non. La « conscience » venait de l’extérieur.
Il s’agissait en fait de la voix du Saint-Esprit. Celui qui
s'adressait ainsi à nous, par l’entremise de notre conscience,
c'était... Dieu. Lui-même en personne.
Aujourd’hui, Dieu est
muet. Cette voix qui nous parle, c’est la « voix citoyenne ». Elle nous dit qu’il est impératif de sauver la
Terre. Ce n’est plus notre âme qui doit être sauvée, mais la
Terre. La planète a remplacé notre âme. Un collectif
d’écologistes, de fonctionnaires, de syndicalistes et de
bien-pensants a remplacé Dieu. Dans notre supposée ère
hyper-individualiste, avouez que c’est un peu… contradictoire.
Le 4 octobre dernier, dans une pub couvrant les ¾ d’une page de
La Presse, on pouvait lire blanc sur vert: « Le 11ième
commandement: La Terre tu épargneras. Et un peu d’argent du même
coup. Les fluocompactes Greenlite consomment au minimum 75% de
moins d’énergie. Elles réduisent votre facture d’électricité et
durent jusqu’à dix fois plus longtemps que les ampoules
incandescentes. Utilisez-les religieusement. – Ainsi dit Nina. »
Quelques jours plus tard, on pouvait voir sensiblement la même
pub coiffée cette fois-ci de: « Et l’on entendit que… le ciel
reprochait à l’obscurité d’avoir éteint la lumière. Puis fût une
nouvelle lumière, issue de Greenlite. »
Sur le site de
l’entreprise en question, le visiteur est accueilli avec ces
quelques phrases: « Et Dieu Dit: “Que la lumière soit,” et la
lumière fut. Ce qu’il voulait dire était “Que Greenlite soit”. À
son tour, Nina [Gupta] Dit, “Greenlite Fut”. Tout le monde a
constaté que Greenlite est efficace. Les compacts fluorescents
de Greenlite utilisent moins d’énergie pour améliorer
l’environnement. En conservant l’électricité, vous vous sauver
des sous. Réjouissons-nous et disons amen. »
Décidément, il y a une
tendance vraiment lourde à l’oeuvre chez
Greenlite.ca. On serait
quasiment tenté de croire qu’une congrégation de soeurs a
investi dans la compagnie à condition que le message divin y
soit véhiculé! On se demande si les Québécois qui ont déserté
massivement l’église dans les années 1970 vont se retrouver dans
une telle approche – quoi qu’ils n’auront bientôt plus le choix,
le gouvernement fédéral va interdire les ampoules incandescentes
traditionnelles…
La campagne de Nina ne
s’adresse manifestement pas aux jeunes. Les références
religieuses y sont beaucoup trop présentes. En fait, elles
prennent toute la place. Les « commandements », « que la lumière
soit », « disons amen », ça ne doit pas éveiller grand-chose
chez l’adolescent d’aujourd’hui. Mais réjouissons-nous, comme
dirait l’autre, ce n’est pas lui qui achète les ampoules. C’est
sa mère.
Procession et marche |
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Qui dit religion dit procession religieuse. La procession, pour
ceux qui l’ignoreraient, est « un cortège, un défilé religieux
plus ou moins solennel qui s’effectue en chantant et en priant »
(Le Petit Robert). Les processions ont été remplacé pas
les marches de protestation, le festif ayant pris le dessus du
solennel. Et les écolos descendent souvent dans la rue: pour
Kyoto, contre le Suroît, pour la Journée sans voitures, contre
Rabaska…
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