Dans le présent débat sur les accommodements, certains
soutiennent – en s'inspirant d'un jugement de la Cour suprême – qu'il
est justifiable d'accorder des accommodements dans la mesure où ils sont
peu coûteux monétairement, et traités au cas par cas. Ils deviendraient
dès lors raisonnables. Cette distinction est oiseuse. En fait, la
qualité première de tels accommodements n'est pas tant d'être
raisonnable que de camoufler leurs coûts réels.
En qualifiant l'accommodement de raisonnable, on entretient l'illusion
que le coût est minime. On cherche à convaincre le citoyen qu'il
surestime le fardeau lorsque l'accommodement crée des brèches dans le
système de valeur auquel il adhère. Que l'insécurité ou la frustration
ne sont pas véritablement un coût, mais une émotion passagère imputable à
l'ignorance. Cette perspective omet une réalité: même minimes, les coûts
s'additionnent. La mise en place d'un régime d'accommodements expose le citoyen
au supplice de la goutte.
Il suffit d'écouter les présentations à la Commission Bouchard-Taylor
pour appréhender cette réalité. N'en déplaise à certains intellectuels
et politiciens, les accommodements sont vécus par plusieurs comme un
instrument de discrimination politique en faveur de petits groupes au
détriment de la masse. Même au nom de l'ouverture sociale, bâtir un
régime public d'accommodements pour répondre aux demandes de 1% de la
population devient une recette infaillible pour susciter les
antagonismes.
Qu'est-ce qui fait que les accommodements sont perçus comme coûteux?
C'est qu'une fois octroyés par l'État, ces accommodements deviennent la
norme. On ne peut s'y soustraire et le citoyen doit les accepter même
s'il les rejette. En somme, ce dernier est frustré que l'État décide à
sa place ce qui est acceptable ou non.
Convaincus d'avoir le don de sagesse, nos élus prennent ainsi parti dans
les affrontements qui divisent la population dans leurs principes les
plus profonds: le port du turban à la GRC, le voile islamique à l'école
publique, etc. Autant d'objets de controverse morale où le législateur
s'accorde le monopole de la raison contre la volonté de larges fractions
de la population.
En réalité, en acceptant l'idée d'accommodements, on rejette l'individu
pour privilégier les groupes. Plutôt qu'à l'égalité des chances pour
tous les individus, on vise à la parité, à l'égalitarisme entre les
groupes religieux et ethniques. Le problème, c'est que pour y parvenir
l'État n'a d'autres choix que de pratiquer la discrimination active et
de promouvoir de force le multiculturalisme.
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