Les Québécois sont sans doute libres, mais dans la mesure où, comme
le montre le nombre de leurs fonctionnaires (1 sur 11 actifs), ils
attendent une bonne partie de tout de l'État, ils ne le sont plus de
façon inversement proportionnelle à ce nombre.
Historiquement, les peuples de langue et culture, tout ou partie,
françaises sont sur-administrés. Le mauvais exemple vient de France:
depuis François 1er, l'aggravation colbertiste et, pire
bonapartiste, tout vient de l'État (avec un grand E, beaucoup plus
grand qu'en d'autres pays) et y retourne, comme l'eau des fleuves
nous revient en pluie... D'où la part grandissime de la fonction
publique en France: 1 fonctionnaire pour ± 4.5 actifs et les
avantages de toute nature qu'elle s'est octroyée (i.e.: durées de
cotisation de retraite plus courtes que pour le commun des
citoyens).
Les ancêtres des Québécois de souche (appelons-les donc les
Canadiens français de leur vrai nom) hélas maintenant phagocytés par
la Québécité (qui ne l'a jamais rencontrée?) venaient de France et
d'une région de France historiquement indocile au pouvoir central
(La Rochelle, Vendée).
Mais il est facile à comprendre que beaucoup soit resté au Canada
français de ce paternalisme dirigiste, à cette différence que,
pendant des siècles, l'État y fut remplacé par l'Église. Le prêtre
vivait de l'autel comme en France d'hier le
commis de l'État de son office et aujourd'hui le fonctionnaire de
son bureau.
Puis, dans les temps mêmes (1960/70) où l'Église d'ici, sciemment
minée par certains de ses serviteurs, et déconsidérée, s'écrasait,
les puissants de l'époque (les Morin, Parenteau, Parizeau, etc.)
se sont d'autant mieux offerts à la remplacer qu'il n'y avait
personne d'autre pour en briguer l'honneur.
Ces « mandarins » se servirent d'autant mieux de la Révolution
tranquille pour augmenter leur pouvoir et leurs intérêts qu'un
anticléricalisme, parfois virulent, agitait les « élites » notamment
universitaires, dont, pour beaucoup, le modèle était la France (où
plusieurs avaient étudié).
Le nombre
fonctionnaires laïcs fut
multiplié pour remplacer religieux et religieuses qui, par cohortes,
désertaient leur couvent. Conséquence, ou cause?, plus de
fonctionnaires permanents, plus de poids pour leurs chefs –
permanents comme eux – sur des élus, licenciables à merci d'une
élection. Au passage, n'ayons pas la cruauté de comparer
l'efficacité des premiers à celle des seconds, essentiellement une
question de disponibilité.
Mais, cinquante ans plus tard, les audiences de la commission Bouchard-Taylor donnent mieux qu'à entendre que le
« bon peuple » tient, malgré
les apparences, à ses racines profondes et à sa culture chrétiennes,
qu'il en est fier – tanné qu'il est d'être accommodé à la rectitude
politique des sauces médiatiques et politiciennes. Il avertit
clairement les nouveaux arrivants « Si tu changes de couvent, ne
tente pas d'imposer dans le second les règles du premier » (Tolstoï). Et
il ajoute: « Ibi bene, ibi patria », ce qui peut se traduire
« Si tu
ne trouves pas bien ici, va ailleurs ».
Pour peu qu'un parti politique (ou un mouvement apolitique) le
comprenne, l'on pourrait réduire à quelques feuilles les
bibliothèques de règlements dont on nous assaisonne chaque mois que
Dieu fait. Encore faudrait-il qu'il LUI plaise.
Jean Canonne
Jur. Drs Ph.D
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