En
imposant l’utilisation d’éthanol de maïs comme carburant,
les politiciens se substituent à l’ensemble des intervenants
économiques. Ils décident que la production d’éthanol est la
meilleure utilisation que le marché puisse faire de la
ressource « maïs ». Sont-ils mieux informés que les millions
d’intervenants qui composent le marché? C’est peu probable.
L’ajout d’éthanol à
l’essence crée une demande accrue pour le maïs. Un
rapport de la CIBC nous informe qu’aux États-Unis, 95%
de l'éthanol produit résulte de la distillation du maïs.
Le gouvernement américain entend faire passer la
production annuelle de moins de 4 milliards de litres en
2000 à plus de 130 milliards de litres d'ici 2017.
L’accroissement soudain de la demande se traduit par une
augmentation aussi soudaine du prix. L’effet est dévastateur
pour l’ensemble des consommateurs et en particulier pour les
plus pauvres d'entre eux.
En cinq ans, le prix du
maïs est passé de 103,6 dollars la tonne à 140,4 dollars la
tonne en 2006/2007, et devrait se hisser à 158,9 dollars
cette année.
Malheureusement, l’effet
néfaste de cette politique gouvernementale n’est pas limité
à l’augmentation du prix du maïs. Le prix élevé du maïs
encourage les fermiers à consacrer de plus en plus de terres
fertiles à cette production. Ainsi, l’interférence politique
a pour conséquence d’allouer plus de ressources à la
production de maïs au détriment d’autres denrées
alimentaires.
La disponibilité réduite
de ces autres denrées pousse à la hausse les prix de tous
les aliments de base, y compris le lait et la viande, les
céréales étant utilisés pour nourrir le bétail.
Au Mexique, le prix des
tortillas a augmenté de 60% au cours des deux dernières
années.
Aux États-Unis, le prix
de gros du poulet sera cette année en moyenne de 10% plus
élevé qu'en 2006, selon le ministère de l'Agriculture. Une
douzaine d'oeufs y coûtera 21% de plus et le lait sera 14%
plus cher.
Les prix du beurre, du
fromage et de la viande vont aussi croître d'au moins 15% en
2008, souligne l'Organisation des Nations Unies pour
l'alimentation et l'agriculture, la FAO.
Le rapport de la CIBC
prévoit que le taux d’inflation du prix des aliments
dépassera les 5% d’ici la fin de 2008, et les 7% d’ici 2009,
soit son niveau le plus élevé des 25 dernières années.
L’alimentation, bien que
représentant moins de 15% de l'indice des prix à la
consommation, représente 40% du budget mensuel des
consommateurs à faible revenu.
L’éthanol de maïs est loin d’être le carburant idéal que
décrivent les écologistes et les politiciens. Les études les
plus optimistes concluent que l’éthanol produit un gain
énergétique de seulement 20%. Donc, il faut 0,8 unité
d’énergie fossile pour produire 1 unité d’énergie éthanol.
Edmund Contoski, dans son livre Makers and Takers,
prétend même que la production d’éthanol de maïs requiert
plus d’énergie qu’il n’en fournit. De plus, la culture du
maïs est extrêmement polluante (voir Michael Heberling, « Government-Reformulated
Gas: Bad in More Ways than One »).
L’ajout d’éthanol de maïs
à l’essence est une cause directe de l’augmentation du coût
des denrées alimentaires. Ces augmentations de coûts sont
nécessairement refilées aux consommateurs. Plus
l’alimentation coûte chère, moins il reste d’argent pour les
soins de santé, l’éducation et le logement. De plus, sans
subvention, l’éthanol de maïs ne peut concurrencer les
sources conventionnelles d’énergie. Aux États-Unis, les
subventions aux producteurs de maïs et aux usines d’éthanol
représentent 75% du prix de détail de l’éthanol.
Malheureusement, les
impératifs de la
comptabilité politique conditionnent le comportement des
politiciens. Les groupes d’intérêt (agriculteurs,
industriels et écologistes), grands bénéficiaires des
largesses de l’État, appuient les politiciens qui défendent
le mieux leurs intérêts.
En politique, « ce qu’on
ne voit pas » est généralement ignoré aux profits
d’objectifs électoralistes à court terme.
P.S. En mai 2005, le ministre québécois de l’Agriculture
annonçait en grande pompe la construction de la première
usine d’éthanol de maïs au Québec. Moins de trois ans plus
tard, deux ministres du même gouvernement dénoncent la
production d’éthanol de maïs. Que s’est-il passé depuis mai
2005? « Ce qu’on ne voit pas » est devenu visible. À ce
sujet, voir l’excellent reportage d’Alain Gravel à
Radio-Canada,
Éthanol: La fièvre verte, et le texte de François
Cardinal sur Cyberpresse, « Québec
largue l’éthanol ».
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