Loin de trouver un secteur de l’enseignement privé
restreint et destiné uniquement à une élite dans les pays en
développement, mes recherches montrent un secteur pédagogique
étendu, en expansion rapide et remarquablement innovant. À Moscou,
où jusqu’à très récemment l’enseignement privé était interdit, la
même proportion d’étudiants qu’en Grande-Bretagne fréquente l’école
privée: environ 7%. En Colombie et en Côte d’Ivoire, respectivement 40 et 57% des inscriptions à l’école secondaire se font dans le
secteur privé. C’est dans les pays en développement que nous
trouvons les compagnies consacrées à l’enseignement les plus développées.
En Indonésie, 94% des étudiants de l’enseignement supérieur
sont dans des écoles privées, avec plus de mille universités privées
enregistrées. Le secteur de l’enseignement compte aussi des
entreprises qui gèrent des « chaînes » d’écoles et d’universités,
parfois sur la base d’une franchise, capables de bénéficier
d’économies d’échelles. La plus grande d’entre elles, Objetivo/UNIP,
est l’une des quelques chaînes d’écoles en concurrence au Brésil.
Elle compte plus de 500 000 étudiants – de la maternelle à
l’université – répartis sur près de 500 campus. Educor en Afrique du
Sud, cotée à la bourse de Johannesburg, compte plus de 300 000
étudiants, du secondaire à la formation professionnelle. La
compagnie indienne NIIT a 400 000 étudiants inscrits dans des
parcours académiques et
professionnels en Inde et dans vingt autres pays, notamment aux
États-Unis.
Ces entreprises pédagogiques réfutent l’objection selon laquelle les
consommateurs d’enseignement souffrent d’un problème d’« information » permettant à des entrepreneurs véreux de tirer avantage de leur
ignorance. Au contraire, les « marques de commerce » fonctionnent ici comme dans
les autres secteurs, donnant aux parents et aux étudiants
l’assurance qu’une qualité élevée est offerte et maintenue. De même
que, connaissant peu de choses aux ordinateurs, j’ai acheté mon
portable en confiance bien conscient que le besoin de maintenir sa
marque fasse en sorte que Toshiba reste vigilante, les consommateurs
d’enseignement fréquentant une école Objetivo au Brésil ou DPS en
Inde sont confiants qu’un contrôle de qualité strict est en place pour
maintenir un niveau constamment élevé.
Les compagnies prennent la promotion de leurs marques au sérieux. Au
Zimbabwe, la chaîne Speciss College sponsorise une équipe de
basketball nationale et organise un prestigieux concours de
personnalité Mister et Miss Speciss. NIIT produit son propre
programme télévisé de vingt-quatre heures, décrit comme un programme
gratuit d’alphabétisation informatique pour les masses. La promotion
de marque de NIIT semble très réussie; un sondage récent montre que,
tout comme les gens disent un « Bic » au lieu d’un « stylobille », « faire un NIIT » est synonyme en Inde de « suivre un cours
d’informatique ».
Le secteur privé est non seulement important en taille, mais il est
aussi souvent remarquablement innovant. Beaucoup de compagnies ont
des départements de recherche et développement dédiés à l’avancement
des méthodes d’enseignement et d’apprentissage. Elles sont aussi
préoccupées par l’efficacité, étant donné la rareté des ressources
telles que l’espace, la technologie et le temps des professeurs.
NIIT a développé un modèle pédagogique qui permet à un centre de
seulement 30 ordinateurs de servir 1260 étudiants par jour!
Mais qu’en est-il de l’inquiétude sur l’inéquité de l’enseignement
privé?
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