Montréal, 9 décembre 2007 • No 245

 

OPINION

 

 Serge Rouleau est éditeur du Magazine nagg.

 
 

CAPITALISME 101 – UN JEU D'ENFANT

 

par Serge Rouleau

 

          La supériorité incontestable du système capitaliste n’est plus à démontrer. L’écroulement du bloc communiste à la fin des années 1980 a permis de clore ce débat. Mais, pourquoi le système capitaliste est-il le plus efficace?

          L’essence du système capitaliste réside dans la notion de « propriété privée ». C’est ce concept qui explique son fonctionnement et son efficacité.

 

Deux situations similaires

          Prenons le cas de deux familles québécoises représentatives de la société, les Tremblay et les Roy. Ils ont le même nombre d’enfants et habitent la Rive-Sud de Montréal.

          Les Tremblay appuient la formation politique Québec Solidaire. Ils sont généreux. Ils constatent que la pauvreté domine dans les familles monoparentales. Ils croient que le gouvernement devrait prendre plus aux riches pour le redistribuer aux pauvres. Ils ont bien l’intention d’inculquer des valeurs de partage et de justice à leurs enfants. Ainsi, deux règles bien simples régissent la vie familiale:

          • Tout appartient à tous;
          • Tous doivent partager ce qu’ils ont.

          Les Roy ne sont pas membres d’un parti. Ils sont aussi généreux que les Tremblay. Toutefois, ils constatent que dans beaucoup de domaines les Québécois se comportent de manière irresponsable. Ils croient que le gouvernement québécois, quel que soit le parti au pouvoir, est trop interventionniste, ce qui déresponsabilise les individus. Ils ont décidé de responsabiliser chacun de leurs enfants. Pour ce faire, deux règles gouvernent la vie familiale:

          • La responsabilité de tout ce qu’ils possèdent est clairement assigné à un membre de la famille;
          • Le propriétaire n’est pas obligé de partager ce qu’il possède.
 

Des résultats diamétralement opposés

          Après plusieurs années, voyons où en sont chacune de nos familles.

          Chez les Tremblay, puisque tout appartient à tous, chacun a le droit d’utiliser n’importe quel jouet quand bon lui semble. Écoutons ce qui se passe:

          – Jean: Prête-moi ton jouet.
          – Marie: Non. C’est moi qui l’a.
          – Maman: Voyons les enfants, il faut partager.
          – Marie: Chaque fois que je prends quelque chose, Jean veut l’avoir.
          – Jean: Ce n’est pas vrai. C’est toujours toi qui l’a.
          – Maman: Voyons Marie, tu es une grande fille raisonnable, prête le jouet à ton petit frère.

          Quelques minutes plus tard, maman voit le jouet qui traîne au milieu du salon.

          – Maman: Les enfants, ramassez le jouet qui traîne au salon.

          Le soir venu maman doit se résigner à le ramasser. Les demandes répétées et la menace de confiscation n’ont pu convaincre Jean ou Marie à ranger le jouet.

          Chez les Roy, la propriété de chaque jouet est clairement connue de tous. Écoutons ce qui se passe:

          – Anne: Prête-moi ton jouet.
          – Pierre: Non, c’est mon jouet.
          – Anne: Maman, Pierre ne veut pas me prêter son jouet.
          – Maman: C’est le jouet de Pierre. Si tu veux l’avoir tu dois le convaincre de te le prêter. Offre-lui quelque chose en échange.

          Quelques minutes plus tard, maman remarque que le jouet traîne dans la bibliothèque.

          – Maman: Pierre ramasse ton jouet où je le confisque.

          Pierre se dépêche d’obtempérer. Il sait que maman ne badine pas avec les consignes.
 

Quelles leçons pouvons-nous en tirer?

          La notion de propriété permet aux Roy de gérer efficacement la vie familiale. Les règles sont claires et connues de tous. Anne et Pierre savent qu’ils ne peuvent s’en remettre à une autorité supérieure (Maman) pour régler leur conflit. Ils sont bien obligés de trouver une entente qui satisfasse les deux partis. De plus, Pierre sait qu’il risque de perdre la propriété de son jouet s’il ne le range pas, ce qui évite à maman de le faire. À travers ce processus, Anne et Pierre acquièrent des valeurs de partage volontaire et de respect des autres.

          Par contre, chez les Tremblay, malgré la « meilleure » volonté de maman, elle doit souvent arbitrer les conflits entre Jean et Marie. Comme elle a un faible pour le petit dernier, Marie est appelée à céder plus souvent qu’à son tour. De plus, puisque tout appartient à tous, à la fin de la journée, c’est maman qui doit ranger. Jean et Marie apprennent qu’ils peuvent profiter de l’influence qu’ils ont sur maman et ils en abusent largement. Ils savent aussi qu’ils n’ont pas à respecter les consignes puisque maman n’est pas en mesure d’identifier le responsable.

          Que ce soit au niveau d’une microsociété comme la famille ou au niveau d’une société comme le Québec, les règles en jeu sont les mêmes. Le respect de la propriété privée permet de minimiser les conflits et d’optimiser les rapports entre les individus.