Montréal, 9 décembre 2007 • No 245 |
OPINION |
|
|
En mai 2008,
le Real ID Act adopté en 2005(1)
par le gouvernement américain, obligera l’ensemble des États à
uniformiser leur politique sur l’émission des permis de conduire
selon de nouvelles normes de sécurité. Nul ne pourra prendre un
avion, occuper un emploi, ouvrir un compte bancaire ou encore faire
du commerce sans s’y conformer. Toutes les bases de données du pays
seront centralisées et interconnectées entre elles. Une manne de
renseignements confidentiels seront accessibles aux fonctionnaires.
Cette manoeuvre législative introduit de facto la carte
d’identité nationale, véritable passeport intérieur vivement décrié
par les groupes de défense des droits civiques, dont le
Privacy
Rights Clearinghouse qui aide annuellement des milliers de
victimes de vol d’identité.
Aussi loin
que l’on remonte dans le temps, les Américains se sont toujours
montrés méfiants et farouchement opposés à l’implantation d’une
carte d’identité nationale. À peine le numéro de sécurité sociale (SSN)
faisait-il son apparition au début des années 1930 que toute
tentative pour des applications plus poussées était systématiquement
rejetée. En 1973, un comité consultatif sur les systèmes automatisés
des ministères de la Santé et de l’Éducation(2)
a conclu qu’un dossier national sur chaque citoyen était une mesure
abusive et inappropriée. On ajouta qu’il ne pouvait y avoir un
système de données dont l’existence soit gardée secrète puisque
chaque citoyen devait savoir quels renseignements le concernant
étaient recueillis et comment ils étaient utilisés; il devait
exister un moyen d’empêcher que les informations obtenues soient
utilisées à d’autres fins sans son consentement et finalement, qu’il
puisse demander de modifier ou corriger des renseignements erronés
qui se trouvent dans un registre.
Cette loi est
inconstitutionnelle, un envahissement du gouvernement fédéral dans
les champs de compétences des États. On demande aux cinquante
législatures de mobiliser des ressources tant humaines que
matérielles afin d’être en quelque sorte des valets au service de
Washington, ce qui viole le principe du fédéralisme américain qui
figure dans le 10e amendement de la constitution(5). |
« Aujourd’hui, tout le monde est suspect et doit être placé sous surveillance préventive. La présomption d’innocence n’existe plus. » |
Personne ne
s’entend sur ce qu’il en coûtera aux contribuables américains pour
mettre sur pied ce gigantesque monstre. Nous pouvons nous attendre à
ce que les chiffres avancés par le gouvernement ne soient que pure
spéculation et qu’il y ait des dépassements de coûts majeurs – coûts
qui devront être épongés, entre autres, par de nouveaux impôts et
des taxes supplémentaires sur les permis de conduire. Selon la
National Conference of State Legislatures, le coût pour les États
sera de plus de 11 milliards de dollars sur cinq ans(6).
Dans le seul État du Texas, 142,6 millions $ ont été déboursés
uniquement en frais de démarrage avec des dépenses annuelles de
67 millions $. Et tout ceci ne pourrait être que la pointe de
l’iceberg, si l'on considère les risques potentiels de cafouillages
administratifs:
Alors que
réserve l’avenir? Rien de bien rassurant, car lorsque le système du
Real ID Act sera bien implanté, il risque de croître
rapidement et sera utilisé pour une multitude d’applications. La
base de données contiendra des renseignements détaillés sur les
préférences religieuses, politiques et financières, sur la
possession d’armes à feu, le statut social, les dossiers médicaux,
les antécédents en matière de conduite, l’évaluation de crédit, la
situation matrimoniale et bien d’autres choses. Le gouvernement
fédéral a déjà beaucoup trop de contrôle sur la vie privée et les
libertés individuelles des citoyens américains. Ces derniers n’ont
pas besoin d’être traités comme de vulgaires numéros au sein d’un
système dont les dérapages et les abus les toucheront directement. |
1. Elle a été glissée
discrètement à l’intérieur de la loi (PL 109-13) qui
accorde 82 milliards $ supplémentaires pour la
défense, la guerre contre le terrorisme et les
victimes de l’ouragan Katrina. Il s’agit de ce genre
de législation que l’écrivaine Claire Wolfe appelle
«
Land-Mine Legislation ». 2. Secretary’s Advisory Committee on Automated Personal Data Systems, « Records, Computer and the Rights of Citizens », juillet 1973. 3. The Privacy Act of 1974. 4. Sumner Lemon, « U.S. Recovery: Ellison Offers Free Software for National ID Card », InfoWorld, 24 septembre 2001. 5. Voir United States Supreme Court in New York v. United States, 488 U.S. 1041 (1992), United States v. Lopez, 514 U.S. 549 (1995) et Printz v. United States, 521 U.S. 898 (1997). 6. National Governors Association, National Conference of State legislatures & American Association of Motor Vehicle Administrators, « The Real ID Act: National Impact Analysis », septembre 2006. 7. Voir Mark Harisson, « License Confusion Possible », The Times-Journal, 1er octobre 2005. Suggestions de Vidéos 1. New Hampshire Real ID Protest / 2. CNN Report on Real ID / 3. Real ID – A real Nightmare |