Pour
Tocqueville, les gouvernements d’Europe, trop centralisés,
se méfient de ce qui échappe à leur contrôle.
Il arrive souvent, en Europe, que les gouvernants
eux-mêmes regrettent l’absence de l’esprit communal;
car l’esprit communal est un grand élément d’ordre
et de tranquillité publique; mais ils ne savent
comment le produire. En rendant la commune forte et
indépendante, ils craignent de partager la puissance
sociale et d’exposer l’État à l’anarchie. Or, ôtez
la force et l’indépendance de la commune, vous n’y
trouverez jamais que des administrés et point de
citoyens. (Chap. V, p. 121) |
Seul l’intérêt commun des communes aboutit à la constitution
de l’État. Pour le reste, l’individu et la commune
s’assument. Les fonctions sociales sont temporaires et
électives. Le pouvoir est partagé entre tous et tous y sont
associés.
[Aux États-Unis,] L’État gouverne et n’administre
pas […]. La première
conséquence de cette doctrine a été de faire
choisir, par les habitants eux-mêmes (et parmi les
habitants eux-mêmes), tous les administrateurs de la
commune […] les administrateurs étant partout élus,
ou du moins irrévocables (pendant leur mandat), il
en est résulté que nulle part on n’a pu introduire
les règles de la hiérarchie. (p. 142) |
Ce n’est certes pas dans un tel système que l’on pourrait
lire la notice nécrologique d’un cumulard, telle que
celle-ci, parue dans Le Figaro du 21 novembre 2007,
notice dans laquelle la larme coule de la plume pour
regretter la disparition d’un grand citoyen, mais où aucun
conflit d’intérêt entre les diverses fonctions, locales et
nationales, exercées par ce personnage, n’est bien sûr
évoqué:
André Bettencourt, le sens du pays. Maire de
Saint-Maurice d’Etélan, conseiller général, député
de la Seine-Maritime, président du conseil général
de Haute-Normandie, sénateur, ministre sans
interruption de 1966 à 1973 […] Autant de mandats
qui lui tenaient à coeur. |
La nausée nous saisit devant la servilité du propos et la
figure proposée à l’admiration, alors qu’elle illustre
toutes les tares du système politique français, qui n’a de
cesse de concentrer entre ses mains les outils du pouvoir.
Me reviennent les mots de
Paul Valery: « La politique est l’art d’empêcher les gens de
s’occuper de ce qui les concerne. »
Rendons pour finir la
parole à Tocqueville: « S’il est un seul pays au monde où
l’on puisse espérer apprécier à sa juste valeur le dogme de
la souveraineté du peuple […] ce pays-là est assurément
l’Amérique. » (Chap. IV, p. 107)
Il ne nous aura fallu que
200 ans pour le réaliser pleinement, et finalement décider
que l’Amérique, c’était mal. Pour mon compte, j’ai compris
que l’Amérique ne viendrait pas à nous et que pour la vivre,
il valait mieux aller à elle.
|