Dans le Financial Post,
contrairement au début de la décennie, les voix
pro-inflationnistes ont été jusqu’à maintenant silencieuses.
Mon ami Terence Corcoran, qui édite la page d’opinion et à
qui je prédis depuis des années que la présente crise va
arriver, a au contraire écrit quelques éditoriaux critiquant
les interventions des banques centrales. Alors qu’Allan
Greenspan tente de sauver son image pour la postérité en
expliquant sur toutes les tribunes de la planète qu’il n’est
pas responsable de la crise, les critiques à l’égard du
maestro et de ses taux d’intérêt au plancher (que tout le
monde applaudissait il y a quatre ans) se multiplient. Et de
nombreux commentateurs, sans nécessairement référer à
l’École autrichienne ni en faisant preuve de la même
cohérence, se montrent sceptiques à l’égard de la Fed d’une
manière qui rejoint essentiellement l’analyse autrichienne.
Un
article publié hier dans Fortune Magazine
explique par exemple que le remède appliqué par Bernanke
risque d’être pire que la maladie. Il rapporte les propos de
l’économiste Allan Meltzer:
But Bernanke is setting the stage for an even bigger
recession down the road. Just as the ultra-low rates
of the early 2000s created many of the problems
we're experiencing today, pumping money into the
system would probably stoke inflation, forcing the
Fed to hike rates sharply in the near future. "It's
better to take a small recession and kill inflation
immediately instead of facing high inflation and a
really big recession later," says Carnegie Mellon
economist Allan Meltzer.
Meltzer, who is finishing
the second volume of his history of the Federal
Reserve, warns that Bernanke is risking a disastrous
replay of the 1970s, when high oil prices fueled
double-digit inflation. Every time the Fed started
to tighten and unemployment jumped, chairmen G.
William Miller and Arthur Burns lost their nerve.
They lowered rates to boost job growth, and
inflation inevitably revived, causing a vicious
price spiral. The Fed let the disease rage for so
long that it took draconian action by chairman Paul
Volcker in the early 1980s to finally defeat
inflation. The price was a deep recession, with
unemployment hitting 11% in 1982. "The mentality is
the same as in the 1970s," says Meltzer. "'As soon
as we get rid of the risk of recession, we'll do
something about inflation.' But that comes too late."
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Et quelle ne fut pas ma surprise de trouver cette semaine
dans Le Devoir (qui reproduit normalement des
analyses sans intérêt du Monde lorsqu’il traite de
ces questions) la meilleure critique que j’aie lue jusqu’à
présent en français des effets pervers des politiques
inflationnistes, sous la plume du chroniqueur financier
Claude Chiasson.
Sous le titre « L’argent
ne vaut plus rien », M. Chiasson commence son papier en
exposant le problème de fond, que la plupart des autres
commentateurs préfèrent tout simplement ignorer: « Au-delà
de l'actuel brasse-camarade des subprimes, il faut voir une
grande réalité: la planche à billets tourne et tourne depuis
fort longtemps. Le seul fait nouveau: elle tourne à un
rythme démentiel depuis août dernier […]. »
Il revient à la situation
du début de la décennie, lorsque « Pour éviter la récession
à tout crin, les autorités monétaires ont poussé les taux
d'intérêt à des planchers jamais vu depuis quarante ans. […]
Une véritable mer de liquidités s'est ainsi abattue sur le
système bancaire et l'économie. Cette mer de liquidités a
poussé les mises en chantiers dans la stratosphère pendant
plus de quatre ans. Cette effervescence s'est traduite par
une enflure des prix des immeubles qui a abouti à une
véritable bulle immobilière et, aujourd'hui, à son
éclatement. » Cette analyse semble aujourd’hui une évidence.
Mais il y a seulement six mois, juste avant l’éclatement de
la bulle au milieu d’août, on pouvait encore lire tous les
jours dans les journaux que tout allait bien et qu’il n’y
avait aucun problème avec le surendettement et les mauvaises
créances dans l’immobilier!
M. Chiasson termine son
article sur cette prédiction tout à fait appropriée:
« sachez que cette orgie de liquidités injectées dans le
système survient alors que le taux d'inflation s'est élevé à
4,1% en 2007 aux États-Unis. Conclusion: l'argent ne vaut
plus grand-chose. L'or continuera de bouffer les dollars
américains et toutes les devises de ce monde. » Ce n’est pas
très développé, mais c’est tout à fait juste. Cent fois plus
juste que les propos de tous ces pantins sans cervelle des
milieux financiers dont on rapporte quotidiennement les
profondes « analyses », qui ne comprennent rien aux
conséquences de la dépréciation de la monnaie (ou ne veulent
pas comprendre parce que les institutions pour lesquelles
ils travaillent en profitent) et qui applaudissent naïvement
à chaque nouvelle baisse de taux.
Il y a de quoi être
encouragé lorsqu’on lit de telles analyses dans les médias
conventionnels. Et cela se produit alors que Ron Paul
poursuit sa grande campagne d’éducation à l’économie
autrichienne auprès du public étatsunien. Les politiciens et
leurs apparatchiks vont évidemment encore une fois créer un
gâchis avec leurs politiques idiotes, dont nous devrons
subir les effets pour des années à venir. Mais si les bonnes
idées permettant d’analyser correctement la situation
continuent de se répandre, et si les gens tirent les bonnes
leçons de cette crise, alors nous sommes peut-être sur la
voie d’un retour à une politique monétaire plus saine, au
moins à moyen terme. On le saura en 2015, en espérant que je
n’aurai plus à ressortir mes vieux articles de 2001 et 2007
pour prouver que j’avais raison de prédire une autre crise…!
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