Montréal, 27 janvier 2008 • No 250

 

OPINION

 

Christophe Arvis est consultant marchés financiers et ancien secrétaire général de l’Institut Turgot.

 
 

RAPPORT ATTALI: POUR MIEUX FAIRE!

 

par Christophe Arvis

 

          Le rapport de la commission Attali remis au président de la République présente un catalogue de 316 mesures qui se veulent toutes cohérentes entre elles, avec pour objectif revendiqué jusque dans la dénomination même de la commission: libérer la croissance. Ou encore, donner à la France le point de croissance en plus qui lui fait défaut, ramener le taux de chômage de 8% à 5%, réduire le chômage des jeunes des deux tiers, ramener le nombre de personnes en-dessous du seuil de pauvreté de 7 à 3 millions, réduire d’un an l’écart d’espérance de vie entre les plus riches et les plus démunis. Voici le tableau de la France de 2012 que dépeint le précieux rapport si toutes les mesures étaient dûment appliquées.

 

          Si l’on regarde maintenant les choses un peu plus dans le détail et que l’on évalue les moyens proposés pour atteindre les fins affichées, une distorsion flagrante apparaît alors. Outre les mesures non inintéressantes annoncées sur la formation, l’innovation ou l’essor des nouvelles technologies, les mesures purement économiques sont peu nombreuses.

          Or face au triptyque dramatique que sont une croissance faible, un chômage élevé, ainsi qu'une dette publique et des déficits abyssaux, la France aurait besoin d’une hypercroissance. Et pour obtenir cette hypercroissance, nous pouvons parier sans grand risque que les quelques mesures positives proposées ne sauront suffire.

          L’hypercroissance nécessaire ne sera possible qu’en libérant – réellement cette fois-ci – et débridant les moteurs économiques de notre pays, en encourageant ce qui poussent les individus à produire, travailler, épargner et investir davantage.
 

PME et fiscalité

          Prenons deux exemples clés, les PME et la fiscalité.

          À elles seules, les PME de moins de 500 salariés représentent 53% de la valeur ajoutée en France et 65% des emplois dans les entreprises françaises. Elles sont un formidable moteur d’emplois nouveaux, avec une création nette de 1,8 million d’emplois entre 1985 et 2000, contre une destruction nette de 263 000 emplois pour les grands groupes sur la même période.

          Malheureusement, la France ne peut se prévaloir que d’un tissu industriel de 4 000 entreprises de 250 à 1 000 salariés, contre plus du double en Grande-Bretagne et près du triple en Allemagne. Avec un tissu d’entreprises moyennes plus dense, la France aurait de biens meilleurs résultats en termes de croissance, d’emplois, de compétitivité et d’attractivité. Les causes sont doubles: le faible nombre de Business Angels pour la création d’entreprises et les difficultés qu’ont les petites et moyennes entreprises, notamment les entreprise de croissance, les gazelles, à financer leur croissance et leur développement.
 

« Il n’est fait aucune mention dans le rapport d’une quelconque réforme fiscale de grande ampleur, qui serait pourtant le principal verrou à faire sauter pour libérer notre croissance économique. »


          Le rapport Attali propose pour les TPE et les PME quelques mesures qui révèlent du bon sens comme la réduction des délais de paiement et l’institution d’un statut fiscal simplifié. Or rien sur les Business Angels, ni sur le financement de la croissance des PME. Il est proposé de développer le marché Alternext, mais celui-ci reste un marché dédié à des valeurs d’une certaine taille avec des contraintes réglementaires lourdes liées à l’appel public à l’épargne.

          Il aurait été plus judicieux de proposer des mesures fortes pour aider au renforcement des fonds propres des PME ou des quasi-fonds propres par le biais par exemple d’une titrisation adaptée aux PME. L’industrie financière a su innover et développer suffisamment de nombreux outils financiers depuis 20 ans et les gadgets ou formules étatiques comme la création d’une Agence de service aux petites entreprises, proposée dans le rapport de la commission Attali, sont en fait inutiles.

Les vraies réformes fiscales absentes

          L’autre point encore plus inquiétant est qu’il n’est fait aucune mention dans le rapport d’une quelconque réforme fiscale de grande ampleur, qui serait pourtant le principal verrou à faire sauter pour libérer notre croissance économique. L’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) est le grand absent de ce rapport, malgré tous les effets négatifs que l’on observe dans la fuite de l’épargne. L’impôt sur le revenu n’est pas non plus abordé. Or comment être incité à travailler davantage si l’on est prélevé à la marge plus que l’effort supplémentaire auquel on a consenti?

          Le rapport – dont l’ambition est tout de même, rappelons-le, de libérer la croissance – auraient pu proposer de vraies mesures telles que supprimer purement et simplement l’ISF ou adopter une « flat tax » (taux unique sur le revenu) dont les effets ont souvent été spectaculaires dans les pays où celle-ci a été mise en application.

          Le rapport Attali est surtout révélateur de l’état d’esprit d’une société qui se transforme lentement et qui peine encore à comprendre les évolutions du monde, en restant attachée au consensus économique social-démocrate qui prévaut depuis plus de trente ans. Il montre des élites qui évoluent lentement et prennent conscience peu à peu des réformes nécessaires pour notre pays.

          Alors que nombre de nos experts et hommes politiques continueront à conjecturer sur la faisabilité de telle ou telle mesure en faveur de la concurrence ou de la liberté économique, d’autres pays, qui ont dépassé depuis longtemps ses questionnements existentiels, auront pris une longueur d’avance.
 

 

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