Dans sa version vraiment simpliste
(malheureusement très courante), l’argument consiste à reprocher au
libéralisme « d’enrichir les riches et d’appauvrir les pauvres ».
Dans sa version plus sophistiquée, il consiste à reconnaître
au libéralisme une certaine efficacité économique, qui se paye
cependant par des inégalités importantes que l’État doit corriger
afin d’éviter le règne du « chacun pour soi ».
Cette vision se résume dans la fameuse formule de Lionel Jospin: «
Oui à l’économie de marché, non à la société de marché ». Cette
formule est assez floue mais la crainte qu’elle recouvre est assez
facile à cerner: pour Jospin, le libéralisme représente un danger
car il favorise la domination d’un mode
de vie fondé sur la recherche égoïste du profit économique au
détriment de modes de vie « désintéressés ». Ainsi, selon cette
vision, la société de marché fait de l’argent le critère ultime de
la réussite et détruit par la même occasion les modes de vie fondés
sur d’autres critères (solidarité, altruisme, don de soi etc.).
Ce genre d’arguments n’existe qu’en raison d’une
profonde méconnaissance des idéaux du libéralisme. Cependant, sans
entrer dans une discussion très approfondie de ces idéaux, il est possible de démontrer que le libéralisme n’est pas une
philosophie qui ne s’adresse qu’à une partie de la population au
détriment d’une autre et qu'il est au contraire une philosophie universelle.
Contrairement à une idée répandue, il n'est jamais question dans le
libéralisme de vouloir favoriser les entrepreneurs, les rentiers,
les gestionnaires ou n'importe quel autre groupe d’intérêt. L'enjeu du
libéralisme n'est pas d'asseoir la suprématie de tel ou tel groupe
et donc de telle ou telle conception de la société. L’unique
objectif du libéralisme est de laisser se développer une coopération
paisible entre les individus dans le cadre de la société.
Il est à noter que la notion de « coopération paisible » est à
comprendre au sens large. Elle englobe ainsi toutes les formes de
coopérations volontaires: de la création d’une entreprise destinée,
entre autres, à réaliser un profit à la création d’une association
d’aide aux plus démunis. Il est en effet tout aussi nécessaire
d’être libre pour celui qui veut fonder son entreprise que pour
celui qui veut fonder une association caritative.
Par conséquent, le libéralisme a en vue le bien-être de tous car
celui-ci passe par la liberté pour chacun de pouvoir
coopérer avec autrui selon les modalités qui émergent du processus
d'échange entre des individus libres.
C'est le coeur de la philosophie libérale. Quiconque accepte ce
principe est libéral. Tout le reste en découle et constitue des
mécanismes destinés à protéger et à développer cette coopération
sociale entre individus libres.
Rien de plus et rien de moins |
Dès lors, le fait d’être libéral n'implique aucune sympathie
particulière pour un chef d'entreprise ou un syndicaliste, pour un
ouvrier ou un artisan. Un libéral se moque que les gens aient envie
de s'enrichir ou de peindre. Le libéralisme n'implique pas que les
gens aient envie de s'enrichir. Il implique simplement que ceux qui
ont envie de s'enrichir ont la possibilité d'essayer de le faire
sans que personne ne les en empêche s'ils respectent le jeu des
échanges libres (le marché). Il implique que ceux qui ont envie de
peindre ont la possibilité de peindre sans que personne ne les en
empêche s’ils respectent le jeu des échanges libres. Il implique
tout simplement la reconnaissance par tous du domaine privé de
chacun. Rien de plus et rien de moins.
|