Force
est d’admettre – atavisme marital? – qu’elle s’est largement
fourvoyée. Tout au plus, Villepin serait-il Britannicus,
fils putatif à la popularité croissante, foudroyé en plein
vol par son rival à l’initiale trompeuse. Rival au sujet
duquel on peut, sans illusion, citer Racine: « Plût aux
dieux que ce fût le dernier de ses crimes! »
Un N peut en effet en
cacher un autre. Et si n’est pas Napoléon qui veut, est, en
revanche, Néron qui doit!
On raconte que notre N à
nous (Sarkozy) aurait lu Sénèque pendant sa courte traversée
du désert après que Chirac l’eût banni pour avoir soutenu
Balladur. Soit il l’a lu de travers, soit Sénèque n’a
décidément pas de chance avec ses disciples.
Car c’est bien au célèbre
stoïcien, auteur entre autres classiques, des Lettres à
Lucilius, qu’Agrippine, sa mère, confia l’éducation du
jeune Néron... avec le succès que l’on sait!
Et ce ne sont pas les
cinq premières années de son règne durant lesquelles il pût
se targuer d’être populaire qui démentiront notre propos
tant le souvenir désastreux qu’il laissa par la suite reste
gravé dans les mémoires.
D’autant que, comme le souligne Paul Veynes, professeur au
collège de France et fin connaisseur du monde antique:
Les célèbres cinq bonnes années se sont passées à
expédier des affaires courantes et à nommer des
fonctionnaires. On exagère à peine lorsqu’on affirme
que la politique impériale consistait surtout à
maintenir ou rétablir le statu quo; elle ne se
proposait pas de s’adapter perpétuellement à une
situation perpétuellement changeante. Les cinq
années n’ont nullement vu de vagues de réformes. |
Citation à conserver pour les années qui viennent car on ne
voit pas ce qui pourrait en démentir la justesse à propos de
qui nous occupe. En d’autres termes, ce qui vaut pour Néron
vaut déjà pour Nicolas.
En revanche, rendons à
l’empereur romain qui aimait à s’exhiber en jupettes avec
ses amis du showbizz, qui organisait de grandes fêtes
orgiaques et qui choqua la bonne société romaine en épousant
un castrat à peine pubère (la Carla Bruni de l’époque) ce
qui lui revient. Car il était, comme on dirait aujourd’hui,
un communicateur hors pair. À mi-chemin en somme entre un
Sarkozy et un Delanoë (le maire de Paris), et précurseur de
cette société du spectacle chère à Guy Debord dont nous
n’avons pas fini de payer les dérives.
Mais si Néron, à l’instar
de notre président faisait bling-bling, c’était d’abord dans
sa tête. Et c’est pour cela, on le sait, que tout a mal
fini. Assassinat en série dont celui de sa propre mère,
incendie volontaire de Rome, folie meurtrière puis suicide
pour échapper à la vindicte sénatoriale qui se proposait
rien de moins que de lui mettre la tête dans une fourche et de
le promener tout nu à travers Rome.
De quoi faire réfléchir
et regretter que les vieilles coutumes se perdent. Mais à la
fourche, nous préférerons toujours les mots! Surtout quand
ils sont de Racine et qu’ils s’adressent à Néron:
Tes
remords te suivront comme autant de furies;
Tu croiras te calmer par d’autres barbaries;
Ta fureur s’irritant soi-même dans son cours,
D’un sang toujours nouveau marquera tous tes jours.
Mais j’espère qu’enfin le ciel, las de tes crimes
Ajoutera ta perte à tant d’autres victimes;
Qu’après t’être couvert de leur sang et du mien,
Tu te verras forcer de répandre le tien;
Et ton nom paraîtra dans la race future,
Aux plus cruels tyrans, une cruelle injure. |
À bon entendeur salut!
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