C’est ce que répétaient encore une fois les signataires du
manifeste Pour une autre vision de l’économie
dans Le Devoir du 9 février dernier, accusant au
passage « l’appareil de propagande idéologique » que constitue
l’Institut économique de Montréal de se faire la courroie de
transmission de cette vision dominante au Québec.
En tant que directeur des
publications de l’IEDM pendant sept ans jusqu’à l’année
dernière, et directeur de la seule publication québécoise qui
défend systématiquement la liberté individuelle et le libre
marché depuis une décennie, je suis certes un peu flatté qu’on
nous prête, à moi et à mes collègues, autant d’influence. Mais
on ne sera pas surpris que mon constat soit complètement
différent.
De mon point de vue, nos
idées sont au contraire encore très minoritaires dans le paysage
médiatique et politique québécois. Évidemment, on observe des
étincelles de bon sens qui relèvent du libéralisme économique
ici et là, y compris dans les propos de la chef péquiste
lorsqu’elle déclarait ces derniers jours qu’il fallait «rendre
attrayant l'investissement privé» en abolissant la taxe sur le
capital et en diminuant le fardeau fiscal des entreprises.
Mais mettez de côté ces
exceptions, qui ne sont qu’une reconnaissance du fait qu’il faut
bien permettre au secteur privé de créer de la richesse si le
gouvernement veut ensuite pouvoir la siphonner plus allègrement,
et tous les débats ne portent que sur des variantes de solutions
interventionnistes. Année après année, nous débattons de la
dernière proposition de réforme bureaucratique pour régler la
« crise de la santé » et la « crise de l’éducation », sans
vraiment remettre en question la nationalisation de ces
secteurs. Chacun y va de sa méthode la plus efficace pour
subventionner les régions sinistrées, les petites entreprises,
les grosses entreprises étrangères qui viennent s’installer chez
nous, l’économie sociale, la nouvelle économie, la culture, et
quoi encore. Rien ne se passe au Québec sans que l’État y soit
impliqué d’une façon ou d’une autre.
La philosophie
libertarienne, l’héritière du libéralisme classique, a tellement
peu droit de cité dans les médias que la plupart du temps,
lorsqu’on en parle (pour décrire par exemple le candidat à
l’investiture républicaine Ron Paul), on traduit le terme par
« libertaire », ce qui signifie plutôt anarchiste de gauche.
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