La prohibition de l’alcool (et du tabac dans certain états) qui
a frappé les Américains au début du 20e siècle a épargné les
Canadiens. La banque centrale américaine, un autre organisme de
contrôle, a vu le jour en 1913; sa consoeur canadienne,
seulement en 1935. La Securities and Exchange Commission
américaine est née en 1934, précédant d’une décennie son
équivalent ontarien et de deux décennies la version québécoise.
L’impôt sur le revenu a frappé les Américains quatre ans avant
les Canadiens et, jusqu’aux années 1960, les taux marginaux
étaient souvent plus faibles dans notre pays.
La « guerre à la drogue
», comme la religion environnementale, est une invention
américaine importée au Canada. Les lois contre le blanchiment
d’argent, typiques de l’État de Surveillance, ont été adoptées
au Canada deux décennies après les États-Unis. Les numéros
d’identité personnels et les papiers d’identité avec photo sont
apparus d’abord au sud de la frontière: jusqu’à la fin des
années 1990, des Québécois vivaient légalement et facilement
sans papiers d’identité officiels avec photo. On peut donner
d’autres exemples.
N’idéalisons pas trop le
passé. Au Canada comme ailleurs, la tendance naturelle de l’État
a été d’imposer tout ce que le marché politique pouvait
supporter. À témoin, les nombreuses restrictions à la liberté
d’expression qui, avant les chartes de Diefenbaker et Trudeau,
parsemaient le paysage légal canadien. Le libelle blasphématoire
demeure même interdit en vertu du code criminel. (Voir Bob
Tarantino, Under Arrest. Canadian Laws You Won’t Believe,
Dundurn Press, 2007.)
Mais les lois
liberticides étaient appliquées à la canadienne et un individu
normal, voire excentrique, pouvait sans doute vivre une longue
vie pacifique sans être happé dans le système
policier-judiciaire.
N’exagérons pas non plus
le niveau de notre « tyrannie de la majorité » et « tyrannie
administrative » à la Tocqueville. Comme son contraire, qui est
la liberté, la tyrannie est une question de degré. La situation
est pire dans plusieurs autres pays, encore que cela dépend des
quelles activités ou des groupes dont on parle.
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