Plus
largement, nous aurions tous à gagner d'un déplafonnement de
la décote du prix du livre, aujourd'hui limitée légalement à
5%, la liberté tarifaire ne pouvant, grâce au phénomène
concurrentiel, que faire baisser les prix (comme on l'a vu
dans le transport, la téléphonie mobile ou l'informatique).
Elle permettrait donc une augmentation du pouvoir d'achat et
de l'accessibilité à la culture. Sait-on, d'ailleurs, que
dans les nombreux pays où le prix du livre n'est pas
contrôlé (la Suède, la Finlande, la Belgique, l'Irlande, le
Royaume-Uni, les États-Unis, un grand nombre de pays de
l'Est, etc.), on peut facilement trouver le dernier volume –
neuf – de Harry Potter, cette série qui a relancé le goût de
la lecture chez les plus jeunes, à 12 ou 13 euros, alors
qu'il est vendu 26,50 euros en France et que, en application
de la loi Lang, il ne peut être cédé en dessous de 25,18
euros?
A minima, il
faudrait au moins réduire à trois mois – c'est-à-dire au
délai moyen de rotation d'un livre en librairie
traditionnelle – le délai légal de deux ans après la
publication d'un ouvrage à partir duquel il est autorisé de
pratiquer une décote supérieure à 5%. Et quand les
défenseurs de la loi justifient son maintien, non seulement
pour éviter aux lecteurs « d'avoir à comparer les prix et
les préserver des achats d'impulsion » mais également « pour
substituer à la concurrence par les prix une concurrence par
la qualité de service » (sic), c'est oublier, d'une part,
que le consommateur est un individu responsable qui n'a pas
besoin qu'on interfère dans ses achats et, d'autre part, que
la qualité de services existe, à l'évidence, chez un acteur
comme Amazon, où le consommateur peut, 24 heures sur 24,
consulter des critiques de professionnels et de lecteurs,
bénéficier de suggestions d'achat personnalisées et
commander une variété considérable d'ouvrages, en français
ou en langues étrangères.
Quant au destin des
petits libraires, cessons d'agiter les peurs et dépassons
les réflexes protectionnistes. Comme l'ont démontré Cahuc et
Kramarz en 2004, la loi Lang, dont on a pu mesurer les
effets pervers, n'a de toute façon eu aucun impact sur le
déclin du petit commerce de livres. Il faut donc dépasser
les idées fausses et préférer au contrôle des prix et à la
régulation des marchés, l'innovation, la proposition de
nouveaux services, la mise en avant d'un rapport humain et,
pourquoi pas, l'ouverture à un partenariat avec une
librairie en ligne pour accroître leurs moyens de diffusion.
La recherche d'une plus grande satisfaction du lecteur est
une réplique bien plus efficace et bien plus constructive
que la quête, aux dépens des consommateurs, de vaines
protections publiques.
« Lire, c'est boire et
manger. L'esprit qui ne lit pas maigrit comme le corps qui
ne mange pas », écrivait Victor Hugo. À quelques heures de
l'ouverture du Salon du livre, osons, sur un sujet encore
trop tabou, en appeler à une révolution des mentalités. Car
c'est l'intérêt de tous, et notamment du livre.
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