Montréal, 15 mars 2008 • No 254

 

OPINION

 

Xavier Collet est responsable du site de l'ADEL.

 
 

LA HALDE ET LE DROIT DE DISCRIMINER

 

par Xavier Collet

 

          En matière de discrimination, nous devons tous plaider coupable. Il est effectivement difficile de ne pas discriminer lorsque nous voulons louer ou vendre un bien, lorsque nous souhaitons nous attacher les services d'une personne ou accueillir des invités payants dans nos locaux, tout simplement parce que nous avons tous en tête un profil idéal de locataire, d'acheteur, d'employé ou d'employeur.

 

          Lorsque nous cherchons une compagne nous en faisons autant. Nos critères ne seront pourtant pas forcément les mêmes, et si tout le monde discrimine au profit de grandes blondes aux gros seins, les petites brunes obèses et poilues à bec de lièvre trouveront aussi un pot à leur couvercle.

          Si de tels critères de discrimination des partenaires peuvent sembler idiots, d'autres peuvent être condamnables, comme par exemple des considérations racistes.

          Mais le gérant de night-club qui refuse l'entrée à des jeunes casquettés est-il raciste? Le propriétaire qui rechigne à louer à une nouvelle convertie à l'islam qui se présente voilée est-il raciste? Et admettons même que les uns ou les autres le soient, doit-on les priver de leurs libertés constitutionnelles pour autant?

          Or le problème n'est pas tant résoluble dans une chasse aux sorcières présumées; une discrimination qui reposerait sur des préjugés appelle une solution fondée sur la réversibilité. Car c'est bien la loi qui interdit au propriétaire ou à l'employeur de se tromper de locataire ou d'employé.

          Faute d'abroger ces lois idiotes, l'État, à travers les écoles et les médias, préfère infantiliser davantage la population française en la conditionnant à un anti-discriminationnisme de bazar et au culte des « droits sociaux ». Le manichéisme simpliste distillé aux fins de formatage des consciences finit par suspecter de racisme, fascisme, sexisme, homophobie et j'en passe, tout individu mettant en avant son droit de disposer de ce qui lui appartient.

          Procès d'intention et inquisition ont ainsi retrouvé leurs lettres de noblesses. Si l'on se méfie encore un peu de cette tradition franchouillarde qu'est la dénonciation, on lui trouve des vertus lorsqu'il s'agit de dénoncer le raciste. Et pour faire bonne mesure on lui imposera des choix qui ne sont pas les siens quant à l'usage de ses biens. Qu'il soit habité ou non de préjugés ne change rien à l'affaire, il sera présumé coupable d'en avoir, la charge de la preuve de ses bonnes intentions pesant sur lui.
 

Le retour de l'Inquisition

          La systématisation de ce dispositif est intervenue avec la mise en place en 2005 d'une autorité administrative indépendante nommée Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations et pour l'Égalité (HALDE). Cette « haute autorité » a été dotée de pouvoirs propres à restreindre l'usage que nous souhaitons faire de notre propriété et de notre liberté d'entreprendre, violant ainsi des principes pourtant consacrés par la Constitution ainsi que par la Déclaration des droits de l'homme.

          Elle a, en effet, la possibilité d'exiger la communication de toute pièce auprès du supposé discriminant quitte à les obtenir par voie judiciaire; elle peut convoquer pour audition et fouiller elle-même les locaux du supposé discriminant. Pour faire bonne mesure, elle pourra aussi rendre public le racisme, l'homophobie, le sexisme, l'anti-syndicalisme du contrevenant, ainsi qu'obliger un employeur discriminant à afficher le communiqué de la HALDE le concernant dans ses locaux.

          Je n'ai rien lu concernant l'obligation de défiler dans la rue avec une banderole affichant « je suis un sale islamophobe », rien non plus sur une mise au pilori, mais ceci devrait pouvoir constituer une forme de transaction validée par les organisations antiracistes avec lesquelles la HALDE travaille.

          Et pourtant le Conseil constitutionnel, que l'on a connu plus prompt à censurer, ne trouva pas là matière à intervenir! Il n'interviendra pas davantage lorsque les pouvoirs de la HALDE furent rapidement étendus pour lui permettre de prononcer des sanctions pécuniaires sans qu'aucune juridiction ne soit saisie. D'autant qu'il ne s'agit même pas là de rendre des arbitrages puisque « L'exécution de la transaction constitue une cause d'extinction de l'action publique. Elle ne fait cependant pas échec au droit de la partie civile de délivrer citation directe devant le tribunal correctionnel. »

          La violation de la séparation des pouvoirs est donc ici consacrée dans la mesure où la HALDE, relevant de fait de l'exécutif, a obtenu des prérogatives judiciaires.
 

Le remède pire que le mal

          Synthétisons donc les causes et les conséquences de la création de la HALDE.

          Une législation liberticide ne permet pas la réversibilité des choix en matière d'employés et de locataires. Elle génère un chômage important et une difficulté d'accès au logement pour les minorités visibles, plus particulièrement celles pour lesquelles les « taux d'incivilité » sont perçus comme relativement élevés. Je ne sache pas, en effet, que la communauté asiatique soit touchée par des discriminations à l'emploi ou au logement.

          Au lieu d'abroger les dispositions liberticides relatives aux contrats de travail ou aux baux, les esprits sont conditionnés à criminaliser une « discrimination négative » par HALDE interposée. Cette autorité administrative consacre des pratiques inquisitoires augmentant le niveau de privation des libertés individuelles dans notre société.
 

« Au lieu d'abroger les dispositions liberticides relatives aux contrats de travail ou aux baux, les esprits sont conditionnés à criminaliser une "discrimination négative" par HALDE interposée. »


          Outre cette conséquence grandement dommageable, elle va complexifier les procédures contractuelles, dissuader l'emploi, la location, et donc aggraver la situation des discriminés a priori et nourrir un surcroît de ressentiments entre les communautés.

          Au moins fallait-il, au nom d'un moindre mal, que les critères de discrimination soient transparents et que chacun, quelle que soit sa situation, puisse s'en prévaloir au nom de l'égalité de tous devant la loi. Le site de la HALDE a le mérite d'énumérer ces critères:
 

          Les discriminations reconnues portent sur l'âge, le sexe, l'origine, la situation de famille, l'orientation sexuelle, les moeurs, les caractéristiques génétiques, l'appartenance vraie ou supposée à une ethnie ou une nation ou une race, l'apparence physique, le handicap, l'état de santé, le patronyme c'est-à-dire le nom de famille et le prénom, les opinions politiques, les convictions religieuses, les activités syndicales. Le harcèlement sexuel est assimilé à une discrimination et dans certains cas le harcèlement moral peut relever du même régime juridique.

          Cependant, l'exposé des motifs concernant la loi relative à l'extension des prérogatives de la HALDE fait explicitement référence à des discriminations à l'embauche à l'encontre des populations issues de l'immigration maghrébine, ainsi qu'à une « épreuve grave », à savoir les émeutes de banlieue dont le caractère pour partie raciste n'est pas dénoncé. Cet exposé est inquiétant et il établit une autre cause de la création de cette « haute autorité ». Il faudrait donc comprendre que les discriminations prohibées dépendent aussi de la situation du discriminant. Ceci n'apparaît pourtant pas explicitement.

          La HALDE constituerait-elle une concession aux émeutiers, aux chapelles sectaires des droits sociaux, aux bourdieusiens théorisant la violence cachée du capitalisme?
 

La HALDE soumise au test

          C'est bien là une impression qu'il me fallait confirmer ou infirmer. Pour cela je devais établir une discrimination à mon encontre afin de saisir moi aussi la HALDE. Je me suis donc mis dans la peau d'un candidat au poste de délégué de la MGEN (Mutuelle générale de l'Éducation nationale) de Haute-Garonne, annonce trouvée sur le site de l'académie de Toulouse. Annonce croquignolesque dont voici des extraits:
 

          Militant partageant des valeurs de laïcité, de solidarité et de progrès social, le délégué MGEN est un responsable opérationnel de la Section départementale. Il exerce des fonctions de direction et participe activement au développement de la mutuelle, au service aux mutualistes, à la vie politique et militante et au rayonnement de la MGEN.

          Le militant est engagé : Il est acquis aux valeurs mutualistes et à l'action solidaire... Il est disponible : Comme toute activité militante, son engagement dans la MGEN nécessite une très grande disponibilité. Le candidat doit bénéficier du statut de fonctionnaire de l'Éducation Nationale et sera placé en position de détachement auprès de la MGEN.

          Vous vous doutez bien tout de même que je n'ai pas postulé, j'ai seulement signalé ma qualité d'enseignant à la HALDE en envoyant un courrier en date du 25 juin 2007. J'y précisais que le profil recherché établissait une discrimination fondée sur les opinions politiques et qu'à ce titre, cette annonce tombait logiquement sous le coup des dispositions du code du travail interdisant les pratiques de discriminations à l'embauche et établissant le caractère discriminatoire de la prise en considération des opinions politiques.

          La discrimination pour motif politique fait d'ailleurs bien partie de l'ensemble des discriminations prohibées dans la liste de la HALDE (voir plus haut). La MGEN étant un repère bien connu de gauchistes, un libertarien ne saurait convenir au profil du poste ainsi déterminé.

          Il me faudra attendre le 2 octobre 2007 pour que cette réponse me soit envoyée :
 

          Monsieur, J'ai bien reçu votre courrier du 25 juin 2007, par lequel vous avez sollicité l'intervention de la haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, dans le cadre d'une réclamation relative à la publication d'une offre d'emploi publiée sur le site de l'académie de Toulouse. Les faits que vous soulevez ne relèvent pas de la compétence de la haute autorité qui porte sur toutes les discriminations prohibées par la loi ou un engagement international. Une discrimination résulte d'une différence de traitement entre des personnes placées dans des situations comparables. Elle est interdite lorsqu'elle est fondée sur un critère prohibe par la loi ou les engagements internationaux (origine, sexe, orientation sexuelle, âge, état de santé ou handicap...), et s'exprime dans un champ lui-même défini par la loi, notamment en matière de refus d'embauche, de logement, de la vente d'un bien ou de l'accès a un service... Je dois donc vous informer qu'en l'absence d'éléments de votre dossier susceptibles d'établir l'existence d'une discrimination prohibée, la haute autorité ne peut donner suite à votre réclamation.

          Cette réponse est de l'ordre du foutage de gueule dans la mesure où si je n'ai absolument rien à dire contre la discrimination fondée sur les opinions, celle-ci est néanmoins prohibée par la loi. Mais je m'attendais à une telle réponse en pensant qu'une pirouette plus subtile m'aurait été opposée. Cela n’est pas surprenant quand on sait que les avocats de la HALDE, ceux-là même qui déterminent en partie ses actions, appartiennent en grande majorité au très à gauche Syndicat des Avocats de France.

          Les moyens liberticides de la « haute autorité » correspondent donc bien à ses fins réelles et en conséquence, il est nécessaire d'exiger la dissolution de la HALDE. Pour cela, je vous encourage vous aussi à la saisir dans des cas semblables aux miens, afin de mettre en évidence la démarche discriminatoire dont elle fait preuve envers les discriminés. Parmi d'autres actions, il est aussi envisageable de transmettre ces éléments au corps législatif en vue de la saisie du Conseil constitutionnel.

          Enfin je devrais d'ailleurs peut-être la saisir à nouveau au sujet de la discrimination dont une certaine s'est rendue coupable à mon égard, ne croyez-vous pas? Je doute tout de même qu'elle consente à s'appliquer les principes qu'elle invoque en s'auto-dissolvant.