Deuxièmement,
l'invocation des « externalités » frise l'escroquerie
intellectuelle dans la mesure où, dans les sociétés
humaines, tout est pratiquement générateur d'externalités.
Si je suis en bonne santé, je peux aller travailler alors
j'en appelle à la collectivité pour financer ma santé. Mais
si je fais des enfants et que je les éduque bien, il y aura
plus tard de la main-d'oeuvre, ce qui est utile à la
collectivité; et j'en appelle à cette collectivité pour
subventionner ma paternité ou réclamer des allocations
parentales de toutes sortes. À ce rythme-là, je peux tout me
faire subventionner car on peut toujours invoquer une
externalité positive, c'est-à-dire un résultat de ma
décision privée qui profite à autrui. En effet, si je suis
heureux et épanoui, je ne vais pas agresser mon prochain et
serai pleinement productif dans mon travail. Il appartient
donc à la collectivité de s'occuper de mon bonheur… On parle
là des externalités positives mais l'existence des
externalités négatives permet de justifier la réglementation
des comportements, et notamment la multiplication des
interdictions dans la mesure où mes décisions privées
provoquent aussi des effets qui nuisent à autrui.
Il ne s'agit pas de
remettre en cause l'existence des externalités, même si leur
mesure exacte pose de sérieux problèmes, ce qui limite
grandement l'opérationnalité de ce type de théorie. Mais il
faut bien être conscient que l'existence d'externalités
n'est pas là encore un phénomène spécifique au marché. On
peut même avancer que l'existence du marché est liée à
l'exploitation de ce phénomène, la compétition étant par
exemple une externalité positive issue de la division du
travail. De plus, prétendre que l'action de l'État permet de
corriger les externalités générées par le marché, c'est
postuler encore une fois que cette intervention étatique ne
génère pas elle-même d'externalités. Par quel miracle? On ne
saurait le dire.
L'action de l'État
implique un financement public et la mise en place d'une
technocratie qui entraînent un accroissement de la pression
fiscale, laquelle déclenche toute une série d'externalités
négatives (évasion fiscale, corruption, développement de
l'économie parallèle, modification des mentalités, effet
d'éviction…). Comment savoir si la somme de ces externalités
négatives n'est pas plus coûteuse et plus grave que le
problème initial qui a motivé et justifié l'intervention de
l'État?
Dans la pratique, on
observe que, dans un nombre croissant de domaines, on
réintroduit peu à peu des mécanismes de marché pour
compenser les défaillances accumulées par la gestion
publique, en opposition flagrante au dogme officiel qui
postule qu'il convient de faire appel à l'État pour corriger
les défaillances du marché.
|