L’expérience se déroule comme suit. Dans une pièce, Milgram
place trois personnes: 1) l’élève, qui doit s'efforcer de
mémoriser des listes de mots et qui reçoit une décharge
électrique, de plus en plus forte, en cas d'erreur; 2) le
sujet, qui dicte les mots à l'élève et vérifie les réponses.
En cas d'erreur, il envoie une décharge électrique destinée
à faire souffrir l'élève; et 3) l’expérimentateur, le
représentant officiel de l'autorité, vêtu de la blouse grise
du technicien, de maintien ferme et sûr de lui.
Une boîte est installée
devant le sujet. Sur cette boîte, on retrouve une série de
boutons identifiés: « Choc insignifiant », « Choc modéré »,
« Choc fort », « Choc très fort », « Choc intense », « Choc
d'intensité extrême », « DANGER: choc sévère », et « XXXX ».
Des questions sont posées à l’élève. Lorsque celui-ci se
trompe, l’expérimentateur amène le sujet à lui infliger des
chocs électriques. L’expérimentateur et l'élève sont en
réalité des comédiens, et les chocs électriques, fictifs.
L'expérience vise à étudier les comportements des sujets.
Consultés par Milgram
avant l’expérience, une quarantaine de psychiatres ont
évalué qu’environ 1% des sujets se rendraient jusqu’au
niveau « XXXX » – soit une décharge de 450 volts. La réalité
s’est avérée tout autre. Soixante-cinq pour cent des sujets
sont allés jusqu’à infliger une décharge de 450 volts (« XXXX »)
à l’élève. Tous se sont rendus jusqu’à lui infliger une
décharge de 135 volts (« choc fort »).
On le voit, les gens sont
capables d’aller bien loin dans l'agression d'autrui pourvu
qu’il y ait une figure d’autorité pour leur tracer le
chemin.
La seconde expérience est
celle de Stanford. Il s’agit d’une étude menée en 1971
par Philip Zimbardo sur les effets de la situation
carcérale. Elle a été réalisée avec l’aide d’étudiants qui
jouaient le rôle de gardiens ou de prisonniers et visait à
étudier le comportement de personnes ordinaires dans un tel
contexte, avec l'hypothèse que la situation inciterait les
« gardes » à adopter des conduites abusives et les
« prisonniers » à accepter les humiliations.
Vingt-quatre candidats
ont été divisés de manière aléatoire en deux groupes de
« prisonniers » et de « gardiens ». Une « prison » a été
aménagée dans le sous-sol d’un bâtiment de l'Université
Stanford. Un assistant de recherche jouait le rôle de
directeur et Zimbardo, celui de superviseur. Les gardes
avaient une matraque en bois et portaient un uniforme kaki
de type militaire ainsi qu’une paire de lunettes
réfléchissantes pour éviter tout contact visuel avec les
prisonniers.
De leur côté, les
étudiants choisis pour jouer le rôle de prisonniers
portaient une sorte de robe, pas de sous-vêtements, et des
sandales en caoutchouc – ce qui, selon Zimbardo, devait les
forcer à adopter des postures inhabituelles et à éprouver
une sensation d'inconfort pour pousser leur désorientation.
Ils étaient appelés par des numéros et non par leur nom.
La « mise en scène » –
qui a fait l’objet d’un film, Das Experiment – devait
durer deux semaines au départ; Zimbardo y a mis un terme
après seulement six jours quand ses jeunes participants –
tous des êtres moraux, sains, instruits et intelligents – se
sont transformés en « gardiens » cruels et sadiques ou en
« prisonniers » émotionnellement brisés.
Ces deux expériences, que
Michael Shermer décrit dans son livre The Mind of the
Market, démontrent que la figure d’autorité et le groupe
sont autant d’éléments qui ont un impact certain sur les
comportements des individus. À un tel point que
l'environnement dans lequel ils se trouvent peut transformer
des individus normaux en criminels de guerre, et vice versa.
Peut-être est-ce le fait
que les personnages nazis du roman de Landrum ont été isolés
durant plusieurs mois dans la campagne hollandaise, loin de
toute figure d'autorité, qui a fait en sorte qu'ils se sont
affranchis de l’éthique collectiviste propagé par le régime
hitlérien? Peut-être sont-ils en plus tombés sous le charme
de Sophia et de ses enfants...? Toujours est-il que Schell
et ses hommes sont dépeints comme des nazis qui n’ont de
nazis que le nom.
Collectivisme vs individualisme |
L’histoire de The Jonkheer’s Wife est une lutte entre
collectivisme et individualisme en temps de guerre. Sans
grande surprise – à part peut-être le livre
Nationalökonomie (le prédécesseur en langue allemande de
L’action humaine) de Ludwig von Mises qui se retrouve
entre les mains du fils de Schell et qui réussit à bousculer
ses idées sur le socialisme… –, elle se déroule
tranquillement. La première partie est consacrée à Schell et
Sophia, leur vie au quotidien. La seconde, à Willem et sa
vie au front. Et la troisième, à la rencontre/réunion en
1945 des trois personnages.
Lors de cette rencontre
justement, l’époux déclare à l’occupant que: « Whatever you
did for [my family], you still invaded my country and took
my property. I was unprepared and did nothing to prevent it.
You’ll never know how much I regret that. That’s the last
time in my life that will happen. If we ever meet on my
property, my aim will be to kill you. »
Landrum a un véritable
pouvoir d’évocation. On sent qu’il maîtrise bien son sujet.
Le fait qu’il ait étudié la Deuxième Guerre mondiale toute
sa vie et qu’il ait habité en Hollande durant quelques
années n’est pas étranger à cela. The Jonkheer’s Wife
est à recommander pour tous ceux qui s’intéressent à cette
période sombre de notre passé et qui souhaitent lire une
histoire qui intègre une perspective libertarienne.
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