Depuis qu’il est conscient de la pratique, le chroniqueur
dit se sentir souvent manipulé. Mais en quoi est-ce que des
entreprises comme Familiprix ou JC Perreault nous
manipulent-elles lorsqu’elles signent une entente avec un
producteur pour que certains de leurs produits ou leurs
logos se retrouvent dans une scène de fiction? Lorsqu’on se
promène dans la rue et qu’on voit des camions de JC
Perreault ou qu’on passe devant un Familiprix, est-ce qu’on
se sent manipulé? Est-ce qu’on s’insurge?
Comme le mentionne le chroniqueur (dans un instant de
rationalisme), « Les téléspectateurs zappent de plus en plus,
utilisent des enregistreurs numériques, regardent les séries
en DVD, se tournent vers l'internet ou d'autres chaînes
spécialisées. » Et si plus personne ne regarde les pubs – qui
rappelons-le, payent une grande partie des émissions qu’on
peut voir à la télé –, comment devrait-on financer les
émissions? Il ne suffit pas de passer une loi ou d’augmenter
la réglementation pour que le phénomène s’estompe.
Quoique, c’est un peu ce que propose M. Cassivi au passage.
À preuve, ce bout de texte: « On ne s'étonne pas que le
placement de produits s'insinue de plus en plus au petit
écran. En décembre 2006, le CRTC a complètement déréglementé
le placement et l'intégration de produits à la télévision. »
S’il se donne la peine de mentionner cela dans une petite
chronique de 800 mots, c’est sans doute parce que, selon
lui, le manque
de réglementation est en grande partie responsable du fléau.
Si on arrêtait l’action ou l’intrigue d’une histoire pour me
dire comment la bière Labatt est douce ou pour me donner les
spéciaux de la semaine chez Familiprix, je pourrais
comprendre. Je serais le premier à voir là une intrusion et
à changer de poste pour ne plus me faire harceler de cette
façon – comme sans doute la majorité des téléspectateurs, ce
qui règlerait le problème.
Mais il ne s’agit pas de cela. Il s’agit de voir un produit
(une canette de bière) ou un logo (Just Do It) passer à l’écran. Pas de quoi fouetter un chat.
Alors pourquoi les intellos en ont-ils tant contre le
placement de produits? Une petite recherche me porte à
croire qu’ils en ont tout simplement contre le profit. Ils
en ont contre le profit que des entreprises font « sur le
dos » d’oeuvres de fiction. C’est comme si dans le domaine de
la culture, il ne fallait surtout pas qu’un profit soit
fait. Le profit salirait l’oeuvre.
Dans
un article qui remonte à quelques années, un
journaliste dénonce Steven Spielberg pour avoir eu recours
au placement dans son film Minority Report. En montrant des
marques à l’écran (Gap, Guinness, Lexus, Pepsi ou encore
American Express), Spielberg aurait servi « sans détour, et
sans le dire ouvertement, la cause mercantile de ses "mécènes" ». Le journaliste conclut en demandant: « Le cinéma,
qui avait pour vocation de libérer l'esprit, serait-il en
train de se métamorphoser en instrument de propagande? »
C’est que le placement
peut générer d’importants profits.
Par exemple, dans les mois qui ont suivi la sortie d’un
autre film de Spielberg, E.T., les ventes de Reese’s Pieces
auraient augmenté de 66% – l’extraterrestre en mangeait dans
le film. Quelques semaines après la sortie du film Sideways,
les ventes de Pinot Noir ont fait un bon de 15% – cette
sorte de vin profitait d’une visibilité importante dans la
production cinématographique.
Tempête dans un verre d’eau (Pellegrino) |
À regarder comment évoluent les choses dans le milieu de
l’audiovisuel, on peut penser sans se tromper que le
placement de produits est là pour rester. Le coût des
productions et les cachets offerts aux stars qui y jouent
sont en constante croissance alors que les publicités sont
de moins en moins regardées. Et comme l’argent ne pousse pas
dans les arbres…
À ceux dont le placement de produits fait faire de
l’insomnie, ou pour qui il s’agit d’une véritable tare,
voici quelques conseils:
1) Comme disent les Anglais, « Get a life! »
2) Ayez confiance en l’intelligence de vos concitoyens. Et
dites-vous que ce qui vous irrite n’irrite pas
nécessairement la majorité. Certaines personnes peuvent très
bien s’accommoder du placement de produits.
3) Boycottez les émissions qui ont recours au placement de
produits. Il ne faut pas oublier que personne ne vous force
à regarder telle émission ou à louer tel film. Et qu’il est
possible de se réaliser en tant qu’être humain sans regarder
tout ce qui est diffusé/projeté.
4) Faites des pressions pour que les maisons de productions
mettent deux versions de coffrets DVD sur le marché: l’une
avec placement de produits, l’autre, sans.
5) Mettez sur pied votre propre fondation et financez les
productions télévisuelles et cinématographiques de sorte qu’elles n’aient plus à avoir recours à
cette pratique. |
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