Nous pouvons mieux comprendre l’action de ces officines dans
nos écoles à travers les multiples prohibitions introduites
par les enseignants et les pressions sur les enseignants qui
ne partagent pas leur point de vue.
Pédagogues ou alter
multicartes? |
La
stratégie de conquête idéologique dans
l’éducation, synthétisée sur le site d’ATTAC, mérite tout
l’intérêt des décideurs et des parents d’élèves.
Le rédacteur y présente les efforts réalisés par des
militants enseignants pour constituer une internationale de
l’éducation à travers le Conseil international du Forum
mondial sur l’éducation (FME) dans le cadre du Forum social
mondial (FSM). Le FME est présenté comme « la première
initiative sectorielle prise en liaison avec le FSM. Elle
reste celle qui est la plus élaborée: le FME a un Conseil
international propre; il a adopté un texte d’orientation. »
L’article fait le point sur les organisations qui adhèrent
en France à cette dynamique et qui apparaissent au grand
jour lors de forums sociaux. Il constate que les syndicats
d’enseignants « donnent le ton dans le débat public sur
l’éducation [...] particulièrement quand il s’agit du contenu
de l’éducation, voire des approches pédagogiques. » Il
regrette le rôle trop faible de mouvements pédagogiques et
d’associations de professeurs tout en mettant en lumière les
succès de l’APSES et d’ATTAC dans la participation aux
débats éducatifs.
Ce réseau d’associations, d’une légitimité contestable, ne
supporte d’ailleurs pas d’être écarté des débats éducatifs.
Plus encore, il entend mener les débats et n’hésite pas à
faire usage de l’agit-prop lorsqu’il ne se sent pas partie
prenante.
Pour se faire entendre davantage, les enseignants de ces
réseaux jouent souvent le multi-carte. Un professeur
d’économie adhérant à l’APSES sera souvent sympathisant
voire adhérent d’ATTAC ou encore de l’APED (Association pour
une école démocratique). En tant que parent d’élève il
s’engagera à la FCPE. Le petit monde des altermondialistes
ne draine pas autant de militants qu’on le croit, il suffit
de fréquenter les listes de discussion diverses qui leur
sont dédiées pour y retrouver les mêmes participants, dont
une majorité d’enseignants peu ouverts aux débats d’idées.
Toute opinion non partagée par ce petit monde vaut en
général des attaques ad hominem et des procès d’intention.
Une attitude que l’on retrouve sur le terrain scolaire: ce
qui n’est pas objectif est ce qui ne va pas dans leur sens,
et ce qui ne va pas dans leur sens n’a pas de raison d’être
dans nos écoles. C’est ainsi que des actions lancées contre
des initiatives à visée éducative vont faire l’objet des
foudres de collectifs d’associations, toujours les mêmes.
Ainsi, Attac a manifesté contre la « mainmise des
multinationales sur l’enseignement », en réalité contre une
université d’automne réservée à des professeurs de sciences
économiques et sociales sur le thème « Les entreprises dans
la mondialisation » organisée en octobre 2003 en partenariat
entre le ministère de l’Éducation nationale, l’Inspection
générale des sciences économiques et sociales, le CNED et
l’Institut de l’entreprise. ATTAC parle là d’une
manipulation scandaleuse organisée par le ministère tout en
ayant exigé d’être présent pour expliquer les méfaits de la
mondialisation à ce colloque. L’APSES se plaint de ce que
ses membres aient été évincés: « Toutes les personnes
syndiquées connues, à l'APSES par exemple, n'ont pas réussi
à être invitées » affirme Edwige Corcia, sa secrétaire
nationale.
Eh oui, il n’y a pas de raison pour que les enseignants
altermondialistes n’expliquent pas à leurs collègues ce
qu’ils serinent à nos enfants dans les classes de SES ou
d’économie-droit.
Pas d’idéologie économique dans
l’enseignement public! |
Quand l’entreprise, débouché logique de
toute formation, montre son nez, ATTAC réagit comme
propriétaire de l’éducation et des cerveaux des élèves. Pour
le Collectif ATTAC éducation IDF, « La neutralité scolaire
est le premier et le plus épais rempart contre l’intrusion
de toute idéologie économique dans l’enseignement public. »
Le manifeste d’ATTAC est d’ailleurs très clair sur la
stratégie à tenir vis-à-vis du monde de l’entreprise: « En
France, compte tenu de la spécificité de son système
éducatif – fondé sur l'école laïque et publique – c'est de
l'intérieur même du secteur public que se mène l'offensive
libérale, toujours en référence aux "valeurs de
l'entreprise", ramenées aux seules valeurs… des employeurs. »
Ces valeurs de l’entreprise il faut s’en méfier en se
rappelant le tropisme exploiteur de l’entrepreneur,
Alternatives Économiques, dans l’article « Entre utopie et
contre-pouvoirs » du hors série no 45 bis de septembre 2000,
rappelle que:
Historiquement, l'entreprise est donc d'abord un lieu
d'enfermement. De même qu'on enferme les fous à l'âge
classique, le capitalisme se développe d'abord en enfermant
des hommes, des femmes et des enfants au fond de la mine et
dans les ateliers de l'industrie naissante. Le travailleur
est privé de tout droit, sinon celui d'obéir aux injonctions
patronales. Le rassemblement réalisé au sein de la
manufacture est d'abord un moyen de contrôle, afin
d'allonger la durée du travail et d'éviter toute flânerie
ouvrière. Ce péché originel du capitalisme, qu'on retrouve
aujourd'hui dans bien des pays dits émergents, là où le
salariat s'étend en cassant les modes d'organisation
anciens, a longtemps fait du salariat une des formes les
plus achevées de l'exploitation du travail humain, au même
titre que le servage ou l'esclavage.
[...]
Le capitalisme ce n'est pas seulement la
dépossession du travailleur de la propriété des
moyens de production, c'est aussi la dépossession de
tout contrôle sur l'organisation de son travail, du
fait de la parcellisation des tâches. [...]
|
La dictature des actionnaires |
Pour ATTAC, mais aussi pour le SNES, l’OCCE
(Office central de la coopération à l’école), etc., le
marché mène à la bourse, la bourse c’est la spéculation et
la spéculation c’est mal. Il faut donc interdire certains
enseignements, et tant pis pour la liberté pédagogique.
C’est pour protéger les élèves de la compréhension et des
tentations de la bourse qu’un professeur membre d’ATTAC du
lycée Blanqui de Saint Ouen (93) s’en est pris à un de ses
collègues qui organisait un jeu de simulation boursière avec
ses élèves, avec à la clé des prix attribués par le CIC. Il
s’agit là d’une activité pédagogique appréciée des élèves et
visant à faire comprendre la loi de l’offre et de la demande
ainsi que le fonctionnement des marchés financiers et le
financement désintermédié. Mais pour ATTAC, « ce jeu fait
l’apologie de la spéculation boursière en occultant les
désastres sociaux et environnementaux qu’elle entraîne ». Il
serait aussi un « jeu à caractère publicitaire, commercial
et idéologique ».
Le réseau altermondialiste s’est là encore mobilisé pour que
plus jamais un enseignant ne reproduise cette action
idéologique. Il fallait pour cela faire condamner
l’établissement et aller jusqu’à la création d’une
jurisprudence. Soutenu dans sa démarche par ATTAC, l’APED,
la CSF (Confédération fédérale des familles), la Ligue de
l’enseignement, l’OCCE, le RECIT (Réseau des écoles de
citoyens), le SNES, l’UFAL (Union des familles laïques),
l’enseignant procédurier obtient le 1er juillet 2004 devant
le tribunal administratif de Cergy Pontoise l’interdiction
du jeu dans le lycée. ATTAC a parlé d’une victoire sur la
marchandisation de l’école, alors que le plaideur a
poursuivi de sa vindicte les enseignants ayant participé à
ce jeu en mettant en cause les heures supplémentaires qui
leur ont été attribuées dans le cadre de ces activités!
Plus généralement, des professeurs qui osent s’affirmer
libéraux font aussi l’objet d’attaques sournoises. Des
collègues partageant la conception de l’objectivité d’ATTAC
n’hésitent pas à se demander comment des enseignants de
l’Éducation nationale peuvent donner des cours glorifiant le
marché et donc le darwinisme social (le manuel Bréal
Terminale – page 492 – place d’ailleurs Malthus dans le camp
libéral!). L’ostracisation et les démarches hostiles
arrivent ensuite. Le journaliste Éric Brunet dans
Être de
droite, un tabou français dédie d’ailleurs une partie de son
ouvrage à l’Éducation nationale et raconte le harcèlement
moral auquel font face des enseignants atypiques.
Orienter par une vision
unilatérale obligatoire |
Pour du matériel pédagogique en économie,
ATTAC IDF Éducation renvoie au site
Des sous… et des
hommes. On y propose des livres commentés brièvement,
parmi lesquels on trouvera matière à faire ses cours:
• Petit bréviaire des idées reçues en économie par les Éconoclastes: « "Les charges sociales sont l'ennemi de
l'emploi!"; "La mondialisation est un phénomène inéluctable
et sans précédent!"; "La Bourse, on ne peut pas s'en
passer!!!!"… Vous reconnaissez ces antiennes! Alors dévorez
ce livre si vous voulez les remettre en perspective de façon
argumentée! » … « C'est synthétique et réjouissant
intellectuellement! »
• Antimanuel d'économie par Bernard Maris aux Éditions Bréal,
ordinairement spécialisées dans les manuels: « Se lit comme
un roman!! Rigolo, avec de superbes illustrations. Et en
plus, ce livre sent bon!!! »
• La démence sénile du capital, fragments d'économie critique
de Jean-Marie Harribey (enseignant et co-président d’ATTAC)
aux Éditions du Passant: « Du bonheur en barre!!! Ce livre
est un recueil des chroniques que cet économiste tient dans
la revue "Le passant ordinaire": des textes courts donc, sur
lesquels on peut revenir plusieurs fois. » |
On apprendra aussi sur ce site prisé des alter-enseignants
qu’il existe des livres dangereux comme L'économie expliquée
à ma fille et La mondialisation expliquée à ma fille d'André Fourçans: « Pour comprendre le système de pensée des néo-libéraux (ça peut toujours servir...). » « Comment
dire??? Réjouissant! Dangereux si certains lecteurs désireux
de comprendre sincèrement l'économie pensent que cet ouvrage
présente la seule vision possible de l'économie... »
On comprendra donc que certains ouvrages ne doivent être
exploités que pour être combattus. Faute de les brûler, un
enseignant ne devrait donc présenter un auteur jugé libéral
par ses alter-collègues que pour le descendre en flèche aux
yeux de ses élèves.
Le même ouvrage sera d’ailleurs présenté de façon très
négative et moqueuse par Alternatives Économiques, on ne
s’en étonnera pas. En effet, le magazine est très souvent le
manuel bis, voire le manuel des cours de sciences
économiques et sociales. Sa présentation agréable et
accessible, sa présence dans tous les CDI et dans tous les
casiers des enseignants de SÉS avec offres d’abonnement
promotionnels, cahiers pédagogiques et hors séries pour
l’enseignant qui y abonne ses élèves, lui donne la faveur
non seulement des enseignants très à gauche, mais aussi de
ceux qui ont besoin d’une aide pour réaliser des cours
conformes aux thèmes du référentiel.
De plus cette revue plaît beaucoup à nombre d’inspecteurs en
économie puisque les sujets de bac ES, STG, mais aussi des
BTS tertiaires accordent une presque totale hégémonie aux
textes issus d’Alternatives Économiques. C’est inquiétant
quand on sait que l’on trouve dans cette publication des
positions antilibérales caricaturales et des professions de
foi ouvertement anticapitalistes et antimondialistes.
D’ailleurs la revue en tant que personne morale est membre
fondatrice d’ATTAC avec Le Monde Diplomatique (source
très souvent utilisée en cours également).
Mais priver les élèves de références « libérales », les
abreuver d’une vision unilatérale de l’économie et de la
société n’est pas suffisant pour les conscientiser. Il faut
aussi que l’économie les concerne en tant qu’acteurs afin de
peser sur des choix de société. Là aussi la conscientisation
ne se fait que dans un sens. On a davantage affaire à une
expérience pavlovienne qu’à de l’éducation.
Il est évidemment nécessaire de revoir le contenu des
manuels, mais ce n’est là qu’un tout petit pas. Rien ne
changera vraiment tant que le recrutement aux concours
favorisera des enseignants présentant un certain profil (le
terrorisme intellectuel dont a été victime le jury Salin en
témoigne), tant que les Instituts universitaires de
formation des maîtres formateront ce profil et tant que
certaines officines feront de l’enseignement leur chasse
gardée.
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