En supposant, un peu comme le ferait un
libéral largement influencé par l'École
autrichienne d'économie, que les valeurs
subjectives des individus et leurs
interactions sont le point de départ de
toute explication des phénomènes humains, il
faudrait connaître les valeurs libérales et
la vie politique québécoise pour expliquer
le libéralisme au Québec. Du moins, ce
serait plus facile de l'expliquer.
Les valeurs libérales et le Québec moderne,
ce livre de Claude Ryan, s'avère une
référence en la matière.
Au Parti libéral du Québec, les idées
doivent passer le test du marché. Lorsqu'un
besoin en matière de politique est exprimé
par un membre, il offre une proposition pour
satisfaire ce besoin. Vous êtes libres
d'appuyer la proposition ou non, vous êtes
libres de reconnaître le besoin ou de vous
abstenir. Vous êtes un libre penseur! C'est
la meilleure garantie que vous puissiez
offrir à un membre d'être conséquent, il n'a
qu'à l'être avec lui-même. Et il n'existe
pas de clubs politiques aussi indiscrets que
le SPQ libre à l'intérieur du Parti libéral
du Québec, rassurez-vous. Mais cela ne fait
pas automatiquement du gouvernement libéral
le gouvernement de tous les Québécois, non?
C'est que le PLQ, au fil des ans, a réalisé
que tous ses membres ont au moins un point
en commun. Lequel? Ils ont tous la volonté
de s'enrichir et de mettre sur pied un
gouvernement qui offre aux Québécois une
croissance économique optimale. C'est entre
autres là-dessus que nous misons pour être
représentatifs de tous les Québécois, ainsi
que pour être convaincants.
Au Parti libéral du Québec nous
reconnaissons que l'accumulation de déficits
des administrations publiques depuis 1970 a
engendré de nombreux problèmes dans
l'économie. Les intérêts à payer sur la
dette étaient devenus tellement élevés que
les gouvernements n'avaient plus de marge de
manoeuvre pour intervenir dans l'économie et
s'attaquer aux principaux problèmes. La
période de croissance économique sans
précédent des années 1990 conjuguée aux
hausses d'impôts et aux diminutions des
dépenses publiques a permis aux
gouvernements d'atteindre l'équilibre
budgétaire. Bien qu'il puisse être précaire,
nous pouvons maintenant, de façon prudente
et responsable, diminuer les impôts et nous
attaquer à la dette par exemple.
Par contre, les libéraux savent qu'il faut
éviter à tout prix une augmentation
incontrôlée des dépenses, à la fois pour des
raisons politiques et économiques. En effet,
la conception du rôle de l'État a beaucoup
changé parmi les libéraux et le public,
comme en témoigne la déclaration de
Stéphanie Doyon, qui était jusqu'à récemment
présidente de la Commission-Jeunesse du
Parti libéral du Québec, lorsqu'elle dit:
« Nous avons eu un gouvernement qui a pris
des décisions de façon responsable, dans le
but d'assurer le développement du Québec et
le meilleur soutien possible aux générations
futures qui auront à porter le fardeau de
l'État. Par exemple, le Fonds des
générations, qui a été instauré pour
rembourser la dette, est une initiative
réfléchie. »
Il est important de remarquer que
l'État-providence, celui que les libéraux
contestent et que les péquistes semblent
encore défendre, est en grande partie la
résultante de la Grande Dépression des
années 1930 et de la publication de la
Théorie générale de l'emploi, de l'intérêt
et de la monnaie de John Maynard Keynes.
Ce dernier remettait en question le
libéralisme d'Adam Smith, au profit de
l'interventionnisme étatique et de
l'État-providence.
L'économiste August von Hayek attaque cette
vision interventionniste du rôle de l'État
en publiant en 1944 The Road to Serfdom
(La route de la servitude). D'autres
économistes, dont Milton Friedman,
poursuivent son oeuvre à l'Université de
Chicago et créent un courant de pensée
proprement « libertarien ». Comme vous le
savez fort probablement, cette thèse défend
l'idée d'un capitalisme pur où l'État
n'intervient que pour assurer la concurrence
la plus parfaite possible.
D'ailleurs, les offreurs et les demandeurs
d'un produit interagissent sur le marché
d'un produit. Le modèle de marché suppose
que ces interactions se situent dans un
marché de concurrence parfaite. Mais est-ce
que tous les participants possèdent toute
l'information voulue? Est-ce qu'il y a des
frais de transport qui pénalisent les
participants qui demeurent en région
éloignée par exemple? Est-ce que les
demandeurs et les offreurs, pris séparément,
sont tellement nombreux qu'aucun d'eux ne
peut avoir de l'influence sur le prix par
ses seuls agissements? Le produit est-il
homogène, c'est-à-dire qu'il présente les
mêmes caractéristiques? Les libéraux
considèrent que lorsque la réponse à l'une
des questions que je viens d'énumérer est
non, l'État doit intervenir.
Mais encore faut-il une volonté et un profit
politique pour les politiciens afin qu'ils
interviennent. Est-ce que le Parti libéral
du Québec a démontré une volonté politique
d'intervenir précisément pour assurer la
concurrence la plus parfaite possible dans
l'économie du Québec? Oui! Prenez par
exemple la proposition de la
Commission-Jeunesse du PLQ de privatiser la
Société des Alcools du Québec (SAQ), un
monopole étatique où cette dernière peut
aisément décider d'un prix pour ses
produits. Est-ce qu'il y a un profit
politique pour les politiciens dans une
éventuelle privatisation de la SAQ?
Permettez-moi d'en douter. Sans vouloir être
méprisant, la population du Québec n'est pas
suffisamment formée d'économistes libéraux!
Il me semble que beaucoup trop de Québécois
ne veulent que contrôler la consommation
d'alcool et s'assurer un revenu collectif
dans le cas de la SAQ.
Par ailleurs, il existe au PLQ, et c'est
perceptible sur le terrain, une volonté de
réduire la taille de l'État québécois. Nous
percevons davantage l'État comme un fardeau,
comme un mal nécessaire si vous voulez, et
ce principalement pour les particuliers et
les entreprises. Nous soutenons aussi que le
capital doit circuler le plus librement
possible et que les entreprises créent et
génèrent de la richesse mieux que le fait
l'État. Sans prétendre que nous souhaitons
mettre en pratique les politiques de
Margaret Thatcher, nous visons nous aussi
l'allocation plus efficace des ressources
physiques, naturelles, humaines et
financières. Encore selon Stéphanie Doyon,
« la réingénierie de l'État a imposé à la
structure gouvernementale de se serrer la
ceinture pour réinvestir l'argent aux bons
endroits: en santé et en éducation. Il ne
faut pas réduire les services aux citoyens,
mais plutôt la machine qui est derrière tout
ça ».
Enfin, la liberté à la fois financière et
politique que beaucoup d'entre nous
souhaitons, celle qui naît lorsque nous
sommes libres de dépenser nos dollars comme
bon nous semble, dans la mesure où nous en
avons et malgré l'existence de l'État, eh
bien cette liberté est maintenant plus
réelle qu'elle ne l'était sous le
gouvernement péquiste. Le gouvernement
Charest a réduit les impôts au Québec, même
s'il en a payé le prix politique. Quant à
moi, je souhaite que mon revenu disponible,
ou mon revenu après impôts, augmente le plus
possible, tout en étant le plus près
possible de mon revenu brut, toutes choses
étant égales par ailleurs.
J'ai essayé de vous faire part de ma
confiance en l'avenir en ce qui concerne le
PLQ. Même si quelques députés libéraux ont
parfois des réflexes keynésiens en matière
d'économie, l'avenir est très prometteur. Je
vous invite à militer au sein du PLQ et à
faire avancer vos idées dans un parti
politique de qualité, qui est très
redoutable en chambre et qui formera encore
beaucoup de gouvernements dans le futur, à
condition que les gens informés comme ceux
du Québécois Libre s'impliquent en
politique avec nous, le Parti libéral du
Québec.
Cordialement,
Mathieu Hubert
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M. Hubert a sans doute des sympathies pour
le libre marché et je ne doute pas de sa
sincérité, mais ce n'est malheureusement pas
avec ces arguments qu'il convaincra
plusieurs libertariens de joindre le PLQ.
Chaque paragraphe sème la confusion en
mélangeant libéralisme et interventionnisme
étatique, dans un pot-pourri typiquement…
libéral québécois. Une confusion qui vient
peut-être de ce qu'il s'est trop inspiré du
livre de feu Claude Ryan, un penseur qui,
comme bien d'autres, a cherché dans les
années 1950 et 60 à redéfinir le libéralisme
classique pour le faire correspondre à sa
vision sociale-démocrate. (Anecdote
personnelle: il m'avait apostrophé il y
a dix ans au sortir de l'enregistrement d'un
débat à l'émission Droit de parole,
pour me dire « Vous n'irez nulle part avec
des positions comme celles-là, Monsieur
Masse! »)
Ainsi, après avoir noté qu'un gouvernement
peut osciller entre gauche et droite, entre
capitalisme et planification de l'économie,
M. Hubert déclare que « le Parti libéral du
Québec a la prétention d'être le
gouvernement de tous les Québécois ».
Qu'est-ce à dire? On ne l'apprend pas
vraiment. Logiquement, cela signifie que ce
gouvernement cherche à plaire autant à ceux
qui veulent plus de liberté qu'à ceux qui
veulent plus de socialisme. Et c'est
justement ce qui se passe!
Il est carrément étrange de référer au
subjectivisme autrichien pour expliquer
qu'« au Parti libéral du Québec, les idées
doivent passer le test du marché. Lorsqu'un
besoin en matière de politique est exprimé
par un membre, il offre une proposition pour
satisfaire ce besoin. Vous êtes libres
d'appuyer la proposition ou non, vous êtes
libres de reconnaître le besoin ou de vous
abstenir. Vous êtes un libre penseur! » Ce
qui est décrit ici est simplement un
processus de prise de décision démocratique
à l'intérieur du parti et n'a rien à voir
avec la vision autrichienne qui part de la
réalité individuelle pour expliquer tout
phénomène social et économique. Pas plus
qu'un parti communiste qui fonctionne de la
même façon ne s'inspire de Mises.
M. Hubert explique que les libéraux
perçoivent l'État comme un fardeau et un mal
nécessaire. Pourtant, il ne cite aucun
exemple de réforme libérale ayant permis de
diminuer le rôle de l'État, à part la baisse
d'impôt (réalisée, soit dit en passant,
grâce aux transferts fédéraux) de l'an
dernier. Il serait en effet difficile d'en
trouver puisque depuis les années 1960, les
gouvernements libéraux ont contribué à
grossir l'État-providence québécois tout
autant que les péquistes. L'appui des jeunes
libéraux à la privatisation de la SAQ – que
le gouvernement libéral a choisi d'ignorer,
alors que l'abolition d'un monopole étatique
sur la vente d'alcool devrait être la chose
la plus facile à faire pour un gouvernement
véritablement libéral – n'est certainement
pas une preuve de la volonté du PLQ de
réduire le rôle de l'État. Ni l'atteinte de
l'« équilibre budgétaire », qui est de toute
façon l'oeuvre d'un gouvernement péquiste.
Je mets l'expression entre guillemets,
puisque contrairement à d'autres provinces
qui ont un véritable équilibre budgétaire,
les dépenses d'immobilisation au Québec sont
comptabilisées hors budget et la dette
continue d'augmenter de quelques milliards
de dollars par année sous la gouverne du
PLQ.
Je voudrais enfin relever la confusion
entretenue par M. Hubert sur la définition
du libertarianisme, qui défendrait selon lui
« l'idée d'un capitalisme pur où l'État
n'intervient que pour assurer la concurrence
la plus parfaite possible ». C'est
évidemment faux. Cette notion de concurrence
parfaite qui continue d'être utilisée par
les économistes conventionnels néoclassiques
est totalement absurde et n'a rien à voir
avec la réalité économique (voir par exemple
cet article de Jean-Louis Caccomo: « Réflexion
autour du concept de droit de la concurrence »).
Les Autrichiens l'ont toujours rejetée, et
même les économistes libertariens qui
s'insèrent dans la tradition néoclassique ne
l'utilisent qu'avec circonspection. Elle
permet en effet de justifier pratiquement
n'importe quelle intervention de l'État,
sous prétexte que le marché n'est pas
parfait selon un modèle qui n'a jamais
existé et n'existera jamais. M. Hubert en
donne quelques exemples:
Le modèle de marché suppose que ces
interactions se situent dans un
marché de concurrence parfaite. Mais
est-ce que tous les participants
possèdent toute l'information
voulue? Est-ce qu'il y a des frais
de transport qui pénalisent les
participants qui demeurent en région
éloignée par exemple? Est-ce que les
demandeurs et les offreurs, pris
séparément, sont tellement nombreux
qu'aucun d'eux ne peut avoir de
l'influence sur le prix par ses
seuls agissements? Le produit est-il
homogène, c'est-à-dire qu'il
présente les mêmes caractéristiques?
Les libéraux considèrent que lorsque
la réponse à l'une des questions que
je viens d'énumérer est non, l'État
doit intervenir. |
En fait, ce ne sont pas les libéraux ou les
libertariens qui considèrent que l'État dans
intervenir dans ces cas, mais bien les
interventionnistes!
On comprend mieux pourquoi M. Hubert
considère que son parti est vraiment libéral
si c'est ainsi qu'il définit le libéralisme.
Je ne relèverai pas tous les autres points
qui posent problème dans ce texte. Je ne
peux que conclure que nous avons beaucoup
d'éducation économique et philosophique à
faire pour bien faire comprendre les
fondements du libéralisme, y compris chez
ceux qui croient le défendre au Parti
libéral du Québec…
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