Montréal, 15 avril 2008 • No 255

 

OPINION

 

Michel de Poncins écrit les flashes du Tocqueville Magazine et est l'auteur de quelques livres.

 
 

ENFANTS DE LA SÉCU

 

par Michel de Poncins

 

          Le 22 mai 1946 fut un jour sombre de l'histoire de France, sans que personne aujourd'hui n’en fasse mémoire à ce titre. C'est ce jour-là que le gouvernement français de l’époque a créé la Sécurité sociale, ce véritable monstre qui, après des décennies, dévore chaque année plus du quart de la richesse nationale. Il navigue sans aucun contrôle véritable au gré du seul bon plaisir de ceux qui, embusqués selon leurs fonctions, ont la chance de pouvoir le manipuler.

 

          Au départ l'intention paraissait modeste: il était question du système de retraite par répartition, le gouvernement finançant ces retraites par ce que l'on a appelé les « charges sociales ». En fait, il s’agissait d’un impôt sur les salaires; les gens qui travaillaient finançaient des personnes qui ne travaillaient pas, ceci au nom d’une mythique « solidarité nationale ».

          Le petit monstre d’origine a grandi d'une façon exponentielle, tous les revenus d'une foule de personnes en dehors des salariés étant invités à nourrir sa voracité. D’autres risques ont été adjoints pour arriver à l’immensité actuelle. La « sécu » ressemble à présent à un grand baquet où l’argent arrive en flots serrés par la force brutale de la loi et d’où il sort au gré de la volonté changeante des manipulateurs du sommet.

          L'appauvrissement qui résulte du système quasi communiste ainsi créé ne pourra jamais être chiffré ni même imaginé.
 

Effets pervers

          La paupérisation résulte, d’abord, de l’effet réglementaire lui-même. La réglementation change perpétuellement et ces changements perpétuels ont un coût que personne bien évidemment ne peut calculer. Si elle ne changeait pas, elle serait de toute façon inappropriée: seul le marché libre peut épouser toutes les nécessités au niveau de millions de gens de questions aussi compliquées que l'assurance-maladie ou les épargnes pour la retraite.

          Il s’ajoute qu'en créant les charges sociales, avec leur aspect redistributif, on a freiné d'une façon terrifiante la création de capital. La retraite par répartition, par exemple, repose sur une gestion au fil de l'eau. La vraie formule pour que chacun puisse prévoir ses vieux jours est que chacun puisse épargner et utiliser son épargne absolument comme il le veut. La création de richesses par l'accumulation du capital serait considérable. Je l’ai calculé et ai cité les chiffres dans plusieurs livres. Les économistes, les vrais, savent que la richesse repose en grande partie sur la création continue de capital. Le capital détruit par la Sécurité sociale manque aujourd’hui cruellement à l’économie française. Se plaindre que les retraités de Californie fassent la loi dans des firmes du CAC 40 n’a pas de sens si on accepte la Sécurité sociale.

          Certes, des journalistes mal informés écrivent couramment que le système a bien fonctionné lors de la période dite des trente glorieuses; ce n’est pas la vérité car il a marché d'une façon tout à fait imparfaite. Simplement, il se trouve que les progrès techniques de l'époque ont permis de masquer l'appauvrissement qui en est résulté. Mais cet appauvrissement est bien là malgré ces progrès techniques qui l’ont seulement freiné.

          Cet appauvrissement se manifeste aujourd'hui d'une façon terrifiante avec toutes les calamités que nous connaissons: écroulement des retraites, faillites de l'assurance-maladie, chômage et bien d'autres.
 

Monstre à 5 branches

          Si ces faits sont rappelés aujourd’hui, à proximité du triste anniversaire, c’est parce que le gouvernement actuel, tout imbibé de l'idéologie socialiste qui règne sur la France depuis des années, a indiqué clairement qu'il allait s'engager dans une nouvelle opération parfaitement meurtrière avec la création d'un cinquième risque dans le même esprit qui a présidé à la création de la Sécurité sociale. C’est inimaginable mais, hélas, vrai!
 

« Le gouvernement actuel a indiqué clairement qu'il allait s'engager dans une nouvelle opération parfaitement meurtrière avec la création d'un "cinquième risque" dans le même esprit qui a présidé à la création de la Sécurité sociale. »


          La sécu comporte en effet actuellement quatre branches: la maladie, les accidents du travail, la retraite et la famille. Les journalistes, toujours soumis comme les personnes qui sont au pouvoir à la même idéologie, énoncent sans rire que « le principe est consensuel ». En fait, ils constatent seulement que les privilégiés qui tirent leur richesse et leur gloire de la Sécurité sociale ne peuvent être que d'accord pour poursuivre la catastrophe. Ces privilégiés regroupent l'ensemble de la classe politique, les syndicats, les hauts fonctionnaires et bien d’autres.

          Aux quatre branches existantes, le pouvoir projette donc d'ajouter la branche « dépendance ». Or, il est clair que le moment était venu, dans ce domaine aussi, de réaliser la rupture, au lieu simplement d'en causer. Cette rupture impliquait de rendre des paquets d’impôts et de charges sociales aux gens et donc, entre autres aux familles. Et c’est bien aux familles qu’il appartient de gérer la dépendance qui menace beaucoup d’entre nous.

          Le pouvoir abusif projette au contraire de recommencer l’erreur initiale en étendant les tentacules du monstre, ce qui revient à jeter les bases d'une nouvelle et future paupérisation de la France avec effet de ruine en conséquence. Bien entendu, les prétendus partenaires sociaux qui sont surtout partenaires dans la rapine universelle sont invités à discuter du problème et s'y engagent avec délectation.

          Le plus surprenant est que le patronat suit au lieu d’en profiter pour prendre une position complètement négative et ne discute guère le projet en cherchant seulement des aménagements!

          Une fois de plus, une question lancinante se pose, quitte à se lasser: ce pouvoir accepte, il est vrai mollement, d'être considéré comme un pouvoir de droite et est tout au moins proclamé comme tel par les médias. Comment se fait-il qu'il se laisse aller à une politique carrément de gauche et s'inspirant du système communiste? Les explications sont de deux ordres.
 

Les « enfants de la sécu »

          D'abord les personnes qui le composent sont des « enfants de la sécu ». Elles ne peuvent pas imaginer de vivre sans la sécu et, dans les écoles dont certains sont sortis brillamment, l'on regarde la sécu comme une sorte de déesse mère. Les médias ont complété le lavage de cerveau d'autant plus facilement que beaucoup d'entre ces personnes opèrent justement dans ces médias.

          Elles ne peuvent donc pas du tout imaginer l'immensité de la richesse qui serait créée si chacun gérait librement sa vie et ses activités dans des domaines aussi importants que la santé, l'assurance-maladie ou la préparation des vieux jours, cette richesse accrue permettant d’assurer tous les risques.

          En outre, la création projetée d’une cinquième branche revient à édifier un édifice immense, nouvelle source de butin étatique à la disposition de la classe politique et de ses compagnons de route. Il y aura donc du grain à moudre, y compris pour les représentants du MEDEF (Mouvement des entreprises de France) assis comme d'autres à la table du banquet.

          Cependant, en parvenant à cette constatation, une dernière question se pose. Comment des personnes disposant dans tous les détails des chiffres que l'on connaît peuvent-elles imaginer que la « danse devant le buffet » pourra continuer sans que les danseurs ne voient le parquet s'écrouler sous la ruine financière que le monde entier annonce pour la France?

          L'audition et la lecture des déclarations officielles apportent la réponse: le pouvoir abusif compte sur la reprise attendue de l'agilité américaine jointe au travail incessant des « fourmis » asiatiques pour obtenir le point de PIB en plus qui, dans son imaginaire, résoudra tous les problèmes. Élémentaire mon cher Watson!