Les
mesures proposées pour améliorer le pacte social sombrent
dans le despotisme démocratique: faire croire que la
« vraie » démocratie serait enfin possible en pratique si…
si on arrêtait tous les patrons voyous, si tous les citoyens
s’abstenaient de consommer des médicaments inutiles, ou
cessaient de fumer, de rouler trop vite ou de téléphoner en
voiture, si tous consentaient à trier leurs déchets, etc.
etc., sous peine de sanctions. Cela s’appelle prendre les
gens pour des cons.
Signalons un petit
nouveau dans la liste non exhaustive des idéaux proposés à
l’adoration des foules: l’idéal écologique, qui renforce la
responsabilité collective et la surveillance de tous par
tous. Ce faisant, il est politiquement plus facile de faire
passer les contraintes et les servitudes actuelles et bien
réelles des pauvres Français pour de généreuses et
agissantes contributions à des causes mondiales.
Dès à présent, les
enfants des écoles sont formés à et informés de l’importance
de ces enjeux et sensibilisés, par exemple, à l’intérêt du
recyclage planétaire des déchets et de l’utilisation de
papier de re-emploi. Ainsi, on a pu lire récemment dans
Le Figaro qu’un député de la majorité (dans l’Est)
voulait faire voter un abaissement de la vitesse des
voitures à 110 km/h sur les autoroutes d’Alsace, soutenant
que cela diminuerait de 3 secondes/an (!) le dégagement de
CO2 responsable de l’effet de serre.
On a désormais quitté le symbolique pour le ridicule.
En somme, le nouveau
c’est que l’intellectualité a fait irruption dans la société
civile – dans le grand public, quoi – au grand dam des vrais
intellectuels qui voient dans sa promotion et son
encouragement par les « élites » un cynisme hallucinant où
la bêtise le dispute au grotesque. Comme M. Jourdain
découvrait avec émerveillement qu’il parlait en prose, des
masses jusqu’alors normales ont découvert qu’elles
partageaient des idéaux et, démentant le caractère purement
théorique de l’intellectualité, ont commencé à mettre en
pratique les moyens de réaliser leurs objectifs: éteindre
l’électricité une minute tous les mois, par exemple.
En d’autres temps un
humoriste politique, Ferdinand Lope, éternel candidat aux
élections (ses opposants étaient les anti-Lope) préconisait
diverses mesures qui, à défaut d’être plus réalistes,
avaient, elles, le mérite de faire rire au lieu de donner
envie de pleurer. Ainsi, afin de raffermir les accords
franco-britanniques, il fallait tamiser la Seine et assainir
la Tamise. Il voulait aussi supprimer les wagons de queue du
métro et prolonger le boulevard Saint-Michel jusqu’à la mer
ou, mieux encore, supprimer des routes les montées et ne
garder que les descentes.
Nul étonnement donc à
observer que la France soit perçue comme particulièrement
arrogante dans les sociétés qui ont une vision plus
pragmatique des choses. Quant à moi, je m’étonne, compte
tenu du caractère marketing et vendeur des idéaux évoqués,
que personne n’ait proposé de les labelliser afin d’en tirer
un copyright et des produits dérivés.
En fait, l’analyse
française de l’état politique, économique et physique de la
planète ne fait que reprendre, en en exploitant toutes les
possibilités, un bulletin d’information dont l’incidence sur
les événements évoqués est nulle, mais dont le succès ne
s’est jamais démenti depuis sa création: le bulletin météo.
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