Wow... On m'a envoyé votre article parce
qu'on me disait que vous parliez de
placement de produits. J'ai frappé un mur
quand je suis tombé sur cet extrait: « Alors
pourquoi les intellos en ont-ils tant contre
le placement de produits? Une petite
recherche me porte à croire qu’ils en ont
tout simplement contre le profit. Ils en ont
contre le profit que des entreprises font
"sur le dos" d’oeuvres de fiction. C’est
comme si dans le domaine de la culture, il
ne fallait surtout pas qu’un profit soit
fait. Le profit salirait l’oeuvre.»
Quoi!? C'est ça votre
argumentation? Je vous écris parce que je
tiens à vous dire comment les gens comme
moi, même si je ne me considère pas un
intello, peuvent être contre les placements
de produits. Vos cinq conseils sont à la
hauteur de votre argumentation. Le numéro 1,
« Get a life » ne veut rien dire de plus que
« Allez vous faire voir »; c'est pas de
l'argumentation pour une cenne ça.
Mais la partie qui dit
que les intellos en ont contre le profit, ça
c'est complètement aberrant. Ça démontre
très bien votre champ de pensée, et à
entendre ça on ne peut être surpris de voir
que vous défendez le placement de produit.
Les intellos n'en ont pas contre le profit,
peut-être simplement parce que leur pensé
n'est pas en termes de pour ou contre le
profit. Votre argumentation me fait penser
à l'Église qui réduisait tout au bien et au mal, en terme de divins, et qui
condamnait pour hérétiques les scientifiques qui
critiquaient ses dogmes parce
qu'ils voyaient les choses autrement. Sachez
que ce n'est pas tout le monde qui ne pense
qu'au profit. Certains voient autrement.
Pour en venir à mes
points, je dirais simplement que quand je
vais au cinéma, j'y vais pour voir une
histoire, pas des marques de produits
volontairement tournées vers la caméra. À
chaque marque tournée vers moi, j'y voit
quelqu'un qui me prend pour un cave parce que la marque est
placée (placement de produit n'est-ce pas...)
volontairement pour que je la voie et que je
veuille acheter le produit! (Sans cet ultime
but, les produits ne seraient pas tournés
vers nous n'est-ce pas?) À chaque fois je
suis insulté de cette intrusion non désirée
dans la trame du film, intrusion qui n'apporte
rien au film, soit dit en passant. Pour ceux
qui comme moi ne pensent pas qu'au profit,
on a des fois envie de voir une oeuvre
cinématographique pour son contenu bien
travaillé, un contenu dans sa pureté
d'origine, qui nous apporte des éléments
bien plus profonds que des marques de
produits. Vous semblez ne pas comprendre que
le contenu d'un film est changé à chacun de
ces placements (sinon le placement serait
inutile n'est-ce pas?).
Mon expérience dans le
domaine du cinéma et de la conception
d'image m'a appris que la composition
d'image est importante dans la façon dont le
récit est raconté. On est probablement
d'accords là-dessus. Quand on compose une
image, on joue avec le ton des couleurs, le
focus, la grosseur des objets qui
apparaissent dans le plan; en gros on
s’arrange pour que les éléments importants
soient vus en premier. Le problème avec le
placement de produit, c’est que quand les
compagnies payent un million pour y insérer
une canette de Pepsi, elles ne veulent
certainement pas qu’elle se retrouve dans
une zone floue. Sauf que
vient le problème de l’intégration du
produit dans l’image. On s’entend que le
produit intégré ne sera pas inséré dans une
zone déjà existante qui sert au
développement du récit. On va donc créer
cette zone dans l’image. Quitte à prolonger
un plan de quelques secondes. Déjà là, il
est trop tard, le film s’en retrouve modifié
à jamais. Il en perd une qualité artistique
importante. Mais voilà qu’on se tape 20
minutes du film, en mettant les yeux ici et
là dans les zones clés qui aident à raconter
l’histoire efficacement. Et Boum!! En plein
milieu d’une scène, on a une zone importante
de l’image qui ne nous raconte plus rien.
Elle nous vend un produit. Parlez-moi d’un
tueur de rythme! Il est là en gros plan, le
produit qui vient nous distraire de la trame
principale. Nos yeux, qui depuis le début
du film s’étaient posés sur des éléments
importants comportant entre eux une suite
logique qui racontent une histoire, viennent
de tomber sur un briseur de rythme dont le
contenu n’a absolument rien à voir avec la
suite logique de l’histoire.
C’est comme ça qu’on
décroche de l’histoire. Une manière plus
efficace c’est quand l’action du film est
simplement interrompue pour que le personnage
principal nous présente un produit. Vingt
minutes de films suivit de cinq secondes
consacrées directement au produit. Vous
savez, les pauses pub qu’on voit à la télé
qui nous permettent d’aller au pot? Bien
parfois au cinéma, j’ai l’impression d’en
avoir, mais j’ai jamais assez de temps pour
une pause pipi.
Les gens qui le
critiquent donc, ces soi-disant
intellectuels, en ont marre de ce faire
harceler dans la vie de tous les jours par
ces produits. 4000 publicité par jours, y
compris les marques de tous les produits
qu'on croise... Si vous êtes capable d'en
prendre, alors tant mieux pour vous, vous
n'êtes visiblement pas un intellectuel. Moi
j'en ai marre qu'on ne me parle que de
produits. Le monde est fait de bien
meilleures choses et j'aimerais bien que les
programmes télévisés et que tout le reste,
même les murs de ma station de métro, ne
soient plus altérés par des marques de
produits.
C'est pas grave si vous
ne comprenez pas le mauvais côté des
placements de produits, cependant soyez
gentil et ne nous réduisez pas qu'à de
simples bougres qui sont contre le profit.
Ça c'est une simple projection de vos
intérêts sur une question qui va bien
au-delà du profit...
À +
Sam J.
Réponse de Gilles Guénette |
Bonjour M. J.,
Je comprends votre point
de vue. La vie n’est effectivement pas toute noire ou toute
blanche. Elle comporte des zones de gris. Mais dans cet
article, je ne défends pas le placement de produits comme
vous le prétendez. Je n’ai pas d’actions dans des compagnies
qui pratiquent la chose. Je dis juste que je m’en fous. Que
ce n’est pas grave si on voit apparaître une bouteille de
bière ou un logo de voiture dans le cadre. Et que je ne
comprends pas comment on peut décrocher d’une histoire juste
parce qu’on les aperçoit.
Vous dites « quand je
vais au cinéma, j'y vais pour voir une histoire, pas des
marques de produits volontairement tournée vers la caméra ».
Les produits font partie de l’histoire. Comme ils font
partie de la vie – ouvrez votre frigo, vous allez en voir
plein. À moins d’aller voir un film d’époque – où vous en
conviendrez, on ne s’attendrait pas à voir des produits –,
en quoi est-ce que la vue d’un produit dans une histoire
contemporaine qui se passe à Montréal, New York ou Paris
peut-elle déranger? Je ne comprends pas. Je ne vois pas là
de sacrilège – pour reprendre votre allusion à l’Église.
Si dans un film de Binamé
(tourné sur le Plateau, bien entendu!), vous voyez une scène
dans laquelle une fille se rend dans un bar de quartier pour
rencontrer des gens et qu’elle s’adonne à boire une Boréale
rousse avec un gars accoudé au bar, allez-vous décrocher?
Allez-vous en vouloir au réalisateur qui pour boucler son
budget – et vous permettre de voir son film – a fait affaire
avec une entreprise québécoise? J’ai tendance à
penser, comme je l’expliquais dans l’article, qu’on est
beaucoup plus prompt à dénoncer les produits « étrangers »
que « les nôtres ».
On ne peut pas avoir le
beurre et l’argent du beurre. Les films et les téléséries
coûtent cher, il n’y a pas suffisamment d’argent pour les
financer. Le placement de produits, c’est peut-être un mal
pour un bien?
Pour ce qui est de ce
chiffre qui circule dans les médias comme quoi l’homme moyen
verrait 4000 publicités par jour, je n’y crois pas. Il est
peut-être en contact avec 4000, mais les voit-il? Pas
certain. Quand je lis ma Presse le matin, je ne vois
pas toutes les pubs qui s'y trouvent. Seulement celles qui
m’horripilent – la plupart du temps, ce sont des publicités
sociétales signées « Gouvernement du Québec » ;-)
Au plaisir,
G. G.
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