Cette
attaque contre le communisme est présentée comme une
entreprise du « grand capital » et de ses relais qui va
« instrumentaliser les intellectuels » en les entretenant et
en les flattant pour donner un écho à leurs travaux. Elle
dénonce là François Furet, Annie Kriegel, puis s’en prend à
Stéphane Courtois et à son équipe pour Le Livre noir du
communisme. Elle dénie le caractère historique de leurs
recherches pour qualifier leurs travaux d’oeuvres de
propagande. Elle conclut: « Une des tâches idéologiques
d’aujourd’hui consiste à accompagner les luttes par une
solide formation marxiste des militants, dimension
historique comprise: cette formation suppose une
connaissance réelle de l’URSS, faisant justice des
tombereaux de sottises déversés avec efficacité depuis
quelques décennies. Les intellectuels communistes,
historiens notamment, devront s’y impliquer. »
Le génocide par la faim? Un
bobard Vaticano-polono-allemand! |
Mais au fait, quelles sont ces sottises déversées sur
l’URSS? La première selon Lacroix-Riz concerne la famine
organisée en Ukraine. La « grande famine » d’Ukraine (c’est
elle qui met les guillemets) est une campagne de propagande,
un bobard vaticano-polono-allemand lancé en 1933.
Réhabiliter l’URSS de Staline méritait bien qu’elle
développe cette thèse auprès de ses étudiants, de la
communauté universitaire et du grand public
par site interposé notamment.
Une thèse contraire au
témoignage livré par Arthur Koestler dans « Mythe et réalité
soviétiques » (Le yogi et le commissaire, 1969) au sujet d’un voyage en Ukraine lors de
l’hiver 1932-1933, mais pour Lacroix-Riz Arthur Koestler,
démocrate de gauche, était en réalité un agent des services
secrets britanniques. Quant à Boris Souvarine, Raymond Aron,
Jean-François Revel, ce furent des agents au service des
Américains, bien sûr! Les historiens non marxistes s’étant
penchés sur la question ne sont pas non plus de bonne foi:
« Il est également permis de douter du sérieux des études
conduites à Harvard, université essentielle dans la gestion
idéologique de l’"empire" américain, notamment via ses
centres d’activités "russes" gravitant autour du "Russian
Research Center", et modèle de coopération avec la CIA et le
FBI ». Enfin, les marxistes ayant renoncé à leur idéologie
par confrontation avec le socialisme réel, cela n’existe pas
selon Lacroix-Riz. Les renégats communistes parlent aussi
d’un génocide qui n’a jamais existé tout simplement parce
que ce sont des renégats. Effarant!
Et pourtant, marxiste ou
pas, un historien devrait savoir exploiter les sources
soviétiques et notamment les rapports de la police
politique. Un historien devrait aussi tenir compte d’autres
travaux déjà réalisés sur ce drame à grande échelle, comme
ceux particulièrement fouillés de Robert Conquest ou encore
de Nicolas Werth.
Face au négationnisme
d’un génocide, ainsi qu’à la conception particulière et
revendiquée de sa profession, des voix se sont légitimement
fait entendre contre les menées de l’« historienne ». Les
réseaux de Lacroix-Riz vont alors se mobiliser pour hurler
contre l’atteinte à l’indépendance de l’université et de la
recherche. Pour faire bonne mesure, ils se réclameront aussi
de la liberté de pensée afin d’exiger par voie de pétition
des mesures ministérielles contre les « attaques
politiques ».
On peut se demander
comment Lacroix-Riz aurait répondu à une critique intérieure
dans le système socialiste qu’elle appelle de ses voeux?
Inutile de se poser bien longtemps la question, elle y
répond elle-même par la pétition qu’elle a initié contre le
pluralisme des médias au Venezuela: « nous croyons en la
légitimité de la décision du gouvernement vénézuélien de ne
pas renouveler la licence d'émission de RCTV qui expirait le
27 mai étant donné que la RCTV a usurpé son accès aux ondes
publiques pour appeler à maintes reprises au renversement du
président Hugo Chavez ». Notre éminente « historienne » Riz
n’a-t-elle pas « usurpé son accès » à une fonction publique
pour donner de l’écho à son négationnisme et faire la
propagande de son parti? Comment peut-elle pétitionner pour
condamner chez d’autres ce que ses amis considèrent
légitimes pour elle, et comment ces amis là peuvent-ils
signer en même temps une pétition pour la liberté
d’expression ici tout en la condamnant là-bas? (On retrouve
en effet parmi les signataires de ces deux pétitions Georges Gastaud, professeur de philosophie, Maurice Cukierman,
professeur d’histoire et de géographie, Michel Collon,
écrivain.)
De toute façon les
libertés universitaires ont des limites que la loi française
a fixées et Lacroix-Riz elle-même n’a rien à y redire, au
contraire, puisque dans le cadre du bulletin Informations
Syndicales Antifascistes d’avril 2000, elle tient
chronique de l’affaire d’un mémoire révisionniste à Lyon II.
À ce sujet, elle déplore le fait que « dans l'enseignement
supérieur l'autorité mandarinale, l'autonomie et les
franchises universitaires freinent la lutte contre les
théories d'extrême droite ». On comprendra donc le ridicule
de la pétition envoyée par ses réseaux au ministre De
Robien.
Au-delà du négationnisme de
Lacroix-Riz, un axe coco-facho? |
Ces réseaux de soutien puissants et structurés font la
démonstration de l’infiltration d’extrémistes au sein des
plus hautes instances « intellectuelles ». La thèse
négationniste de Lacroix-Riz s’alimente d’une vision
paranoïaque de l’histoire dans laquelle les Américains
tirent les ficelles contre des régimes de paix tels que
l’URSS, la RDA, Cuba, la Corée du Nord. Cette thèse est
donc, en réalité, une des parties émergées de l’iceberg
conspirationniste.
Il apparaît que derrière
la volonté de réhabiliter l’histoire de l’URSS (donc Staline
et le totalitarisme communiste), il y a cette diabolisation
d’un « axe américano-sioniste » auquel il faudra imputer
tous les malheurs contemporains. On ne s’étonnera donc pas
qu’Annie Lacroix-Riz intègre le comité d’organisation d’Axis
for Peace, une émanation du Réseau Voltaire, et fasse
participer ses étudiants à des débats surréalistes dans le
cadre de son DEA (projection du film État de guerre
sous le patronage d’Attac et des théoriciens du complot du
11 septembre 2001). Notons d’ailleurs qu’outre Annie
Lacroix-Riz, Axis for Peace compte des personnalités telles
que Thierry Meyssan, Dieudonné, Michel Collon, tous
admirateurs d’Hugo Chavez, ce nouvel espoir de la révolution
socialiste à la sauce rouge-brun.
Ces mêmes cadres d’Axis
for Peace se retrouvent lors du spectacle de Dieudonné au
Zénith le 18 décembre 2006 avec la direction du FN, où
Dieudonné se distinguera en évoquant la liberté de la
recherche de Robert Faurisson. Jean-Marie Le Pen aura
lui-même suffisamment convergé avec cet Axe-là pour produire
à la veille des présidentielles une déclaration surprenante
à l’égard d’un soi-disant complot du 11 septembre. Annie
Lacroix-Riz fera d’ailleurs une autre déclaration non moins
surprenante pour la même élection en comparant Nicolas
Sarkozy, « candidat favori du grand capital » à un sinistre
personnage ayant pris le pouvoir dans les années 1930.
Voilà donc pour les
grandes lignes. Si vous croyez vous aussi à cette grande
conspiration, alors vous ne verrez pas d’inconvénient à ce
qu’Annie Lacroix-Riz donne de l’écho à ses thèses et forme
les esprits en se finançant dans vos poches de contribuable.
Par contre, si vous n’avez pas le désir de payer pour cela,
que vous êtes indignés, choqués, ne restez pas passifs mais
transmettez cet article à vos amis et à votre député en
rajoutant ce que vous en pensez.
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