Dans
un article publié le mois dernier dans The Sunday Times,
Waldemar Januszczak écrit: « the cruel truth is that free
museum entry has turned out to be a mixed blessing. Yes, the
number of visitors going to galleries has increased
dramatically, but the figures are not what they seem. A Mori
poll conducted in 2002 discovered that, although numbers had
increased, the make-up of the typical museumgoer had
remained unchanged. What was actually happening was that the
same people were going more often. And those people were, as
before, the middle-class, the educated, the culturally
involved. » (« Why
is the Imperial War Museum celebrating James Bond? », 27
avril 2008)
Peut-être le nombre
d’entrées est-il parfois à la hausse, mais on s’aperçoit
qu’il s’agit souvent d’une même clientèle (ou du même type
de clientèle) qui fréquente plus souvent l’endroit. Mme
Collard appuie: « […] plusieurs observateurs de la vie des
musées ont noté que l'achalandage créé par la gratuité
retombe après quelques mois. On souligne aussi que la
gratuité bénéficie surtout aux habitués des musées, mais
qu'elle ne provoque pas un renouvellement de la clientèle. »
Robert Fulford offre un
bel exemple de cette situation dans sa chronique de 2007:
« In Britain, the National Gallery and the British Museum,
as well as most other national museums, are also free. Years
ago, when I made some television programs in Trafalgar
Square, I popped into the National Gallery a couple of times
a day, especially to see my favourite Hans Holbein, The
Ambassadors. It was like owning it, at least for five days. »
La petite dame qui habite
le HLM du quartier Hochelaga-Maisonneuve va-t-elle plus
souvent au musée? Semblerait que non. Ce qui nous fait dire
que le concept de « démocratisation de la culture » en
serait davantage un qu’appuient (et revendiquent) les
habitués des musées pour faire en sorte que l’ensemble de la
population paie une partie du coût de leurs habitudes
culturelles.
Pour offrir l’entrée
libre, les musées (qui sont des entités publiques dans la
plupart des cas) reçoivent des subventions – subventions que
vous et moi payons à même nos impôts. Comme le rappelle
Fulford dans sa chronique: « Imagine museums aren't in the
same category as movies and plays. Maybe they're more like
parks. We visit all the parks in Canadian cities without
paying anything (except, of course, our taxes). And consider
libraries. We can spend all day reading at the public
library without paying anything (again, except taxes). » Il
est effectivement important de rappeler que ce que financent
les gouvernements n’est pas gratuit.
Les grands gagnants d’une
gratuité permanente des musées seraient ceux qui
militent en faveur de ce genre de « gratuités »: les
journalistes, les intellos, les personnes plus éduquées et
les touristes. Alors que toutes ces personnes ont les moyens
de payer. Laissons-les payer pour leurs sorties.
Il y a pourtant d’autres façons de rajeunir ou d’élargir une
clientèle sans pour autant avoir à donner ses produits. Mme
Collard offre quelques solutions alternatives:
À l'heure actuelle, plusieurs expériences sont en
cours. À New York, le MoMA (Museum of Modern Art) a
créé le Red Studio, un espace virtuel (qu'on peut
visiter sur son site internet) réservé aux ados de
13 ans et plus. On y retrouve un forum de questions,
des podcasts ainsi que des entrevues réalisées PAR
des jeunes avec les artistes et les conservateurs du
musée, question de démystifier l'activité muséale. À
Montréal, le Musée d'art contemporain a lancé ses
vendredis nocturnes, des « 6 à 9 » branchés avec dj
et bar. L'activité est annoncée sur myspace. Dans sa
liste de suggestions pour attirer les jeunes, le
Conseil international des musées propose même
d'organiser des soirées-pyjama pour attirer les
ados. |
Il y a également d’autres façons de financer les opérations
portes ouvertes sans avoir à recourir à l’éternelle
enveloppe du ministère de la Culture. Des individus ou des
fondations privées qui auraient à coeur la culture muséale
pourraient subventionner les musées pour qu’ils ouvrent
leurs portes aux plus démunis ou aux étudiants. On pourrait
voir apparaître des initiatives comme le 1er week-end de mai
de la Fondation Lucie et André Chagnon ou les samedis
gratuits de la Fondation d'art Contemporain DHC/ART.
Des entreprises
pourraient financer davantage d’activités gratuites. Par
exemple, l’année dernière, avant la fermeture du Art Gallery
of Ontario à Toronto pour une importante rénovation, la
Westbank Corp. a offert un week-end gratuit. Aux États-Unis,
la Bank of America par l’entremise de sa promotion « Museums
on Us » offre l’entrée gratuite le premier week-end de
chaque mois dans 70 musées américains. Des entreprises comme
les Rotisseries St-Hubert (qui sont déjà très impliquées sur
la scène musicale) ou Bombardier (qui est
hyper-subventionnée) pourraient ainsi financer de tels
événements.
Les musées gagneraient à
multiplier les façons de financer ces journées portes
ouvertes et les entreprises ou fondations gagneraient à ce
que de tels événements se multiplient – ne serait-ce que
pour la visibilité qu’ils entraînent. Qui sait, peut-être
que ces dernières découvriraient là une nouvelle niche.
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