Le mois dernier, on apprenait que les présidents de deux
grandes maisons d'édition montréalaises réclament une
politique gouvernementale d'achat de livres québécois par
les bibliothèques scolaires. Selon eux, les auteurs d'ici y
sont sous-représentés par rapport aux auteurs étrangers. Les
bibliothèques scolaires québécoises bénéficient pourtant,
depuis 2005, d'un programme d'investissement de 40 millions
$ du ministère de l'Éducation et de 20 millions $ de la part
des commissions scolaires, qui sert à l'achat de livres
neufs.
Selon Jacques Fortin,
président-fondateur des Éditions Québec Amérique, le
problème, à l'heure actuelle, est que le gouvernement
dépense son argent pour la littérature des autres. Pour sa
part, Hervé Foulon, président des Éditions Hurtubise HMH,
affirme qu'il faudrait instaurer une règle qui obligerait
les bibliothèques à acquérir 50%, sinon 70% de livres
québécois. Selon lui, 60 millions $ ont été investis pour
acheter des livres, mais il faut regarder ce qu'on achète
avec cet argent…
Chaque année, il se
publie 4 000 livres – dont 500 romans jeunesse – dans la
Belle Province. À elles deux, Hurtubise HMH et Québec
Amérique publient près de 160 nouveaux livres par année,
répartis dans des domaines aussi variés que le livre
jeunesse, l’essai, le roman grand public et le manuel
scolaire. « Mais nous avons encore du chemin à faire,
de dire Jacques Fortin.
Seulement 35% des livres vendus ici sont des oeuvres
québécoises, alors que ça devrait être au moins 50 à 60%. »
M. Fortin ne mentionne
pas sur quoi il se base pour dire que 50 à 60% des livres
vendus ici devraient être des oeuvres québécoises,
mais bon… Sans doute son côté éditeur qui parle. Quoi faire
alors pour que les Québécois lisent plus « québécois »? Les
sensibiliser davantage? Lancer une campagne « nationale » de
promotion? Interdire la littérature étrangère sur tout le
territoire?
Certes, nos Don Quichotte
de la culture n’envisagent pas forcer tout le monde à
acheter « local » pour remédier au 35% de livres québécois
vendus au Québec (du moins, pas pour l’instant), mais ils
souhaitent que l’État force « nos » bibliothèques scolaires
à acheter plus de livres d’auteurs d’ici pour meubler leurs
rayons. Comme ces établissements nous appartiennent
« collectivement », contrairement aux librairies, les éditeurs indépendants
se sentent en droit de presser leur propriétaire – l’État –
à jouer en leur faveur.
Un technicien en documentation, dont nous tairons ici le nom,
nous écrit. Il dit travailler dans une bibliothèque « avec des syndiquées [noter
l’emploi du féminin ici] qui comptent les jours avant leur
retraite dans 15 ans! » Ses collègues (ou patronnes?) préfèreraient regarder
les livres québécois prendre la poussière sur les tablettes
plutôt que voir leurs subventions coupées pour non respect
des normes. Elles veulent donc plus de subventions pour
agrandir leur bibliothèque qui croule sous le poids des
vieux livres et pour faire de la place à plus de
nouveautés!
Aux dires de notre ami
technicien, le milieu dans lequel il travaille vient à peine
de découvrir l'existence des clés USB et on n'y a pas mis Encarta à jour depuis 1998. C’est un milieu « retardé,
gauchiste et méprisant envers la jeunesse et les gars. Rien
pour aider la fréquentation des adolescent(e)s qui ne
trouvent pas leurs comptes dans les six exemplaires du
dernier tome de Quatre filles et un jean! »
À son avis, « la Loi
sur le livre n'encourage aucunement les auteurs
québécois en égalisant les profits et en offrant toutes
sortes de subventions aux éditeurs. Le Conseil des arts et
des lettres subventionne la création littéraire, mais comme
ce sont des comités de pairs qui décident, les auteurs les
plus ambitieux qui auraient du succès notamment chez les
jeunes sont boudés. Seuls les Michel Tremblay et Marie
Laberge de ce monde, déjà fortunés, ont accès à ces
subventions. Mais ça vous êtes déjà au courant! »
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