On
peut donc déplorer que la Régie rende de telles décisions
sur la base de spéculations intéressées, mais le problème
est plus large puisque la Régie compare des pommes avec des
oranges en laissant entendre qu'il est légitime de comparer
les prix de Costco avec ceux des essenceries indépendantes.
Le modèle d'affaires de Costco se veut fondamentalement
différent de celui de l'essencerie standard et la
comparaison faite entre les deux pour justifier la décision
n'est pas supportée.
Modèle d'affaires différent |
Pour bénéficier des prix avantageux de Costco, encore
faut-il être membre – chose qui coûte entre 50 $ et 100 $
par an. Les stations indépendantes jouissent donc d'emblée
de deux avantages concurrentiels: elles s'adressent au grand
public et n'exigent pas de frais d'adhésion. De son côté,
Costco peut, par exemple, employer ces frais d'adhésion à la
réduction des marges bénéficiaires sur les ventes.
De plus, Costco dit opérer sa station-service en
n'acceptant que certaines méthodes de paiement, en limitant
les heures d'ouverture et en n'offrant que deux types
d'essence.
En s'interposant, la
Régie annihile donc le principal avantage concurrentiel
produit par le modèle d'affaires Costco (prix avantageux)
tout en ignorant ses désavantages, un peu comme si on
exigeait des magasins virtuels qu'ils alignent leurs prix
sur ceux des magasins physiques pour ne pas nuire à ceux-ci.
Ce faisant, elle cautionne un modèle d'affaires au détriment
d'un autre, chose pourtant lourde d'implications en matière
de concurrence, et signale aux marchés avoisinants que des
modèles d'affaires originaux produisant des prix trop
agressifs à son goût pourraient aussi être contrôlés de la
même manière.
Enfin, on ne saurait
remettre en doute que Costco cherche à proposer des bas prix
sur l'essence parce qu'il s'agit de sa philosophie
commerciale, et non de manoeuvres anticoncurrentielles (qui
tomberaient, de toute façon, sous la juridiction fédérale).
Partant de là, il n'y a pas plus de raison de protéger
certains commerçants des politiques de prix de leurs
concurrents dans la vente d'essence qu'il n'y en a de le
faire dans la vente de tout autre bien. Après tout, la
menace de voir certains commerçants disparaître parce qu'ils
n'offrent pas des prix aussi avantageux que leurs
concurrents existe dans tous les marchés, et c'est justement
ce qui profite habituellement aux consommateurs.
Au final, la décision de
la Régie repose sur l'ignorance systématique de tous les
éléments factuels favorables à la position de Costco et, en
parallèle, sur la foi accordée aux spéculations de l'autre
partie. Il en résulte que les intérêts qui ont été protégés,
même à long terme, ne sont certainement pas ceux des
consommateurs de la région de Saint-Jérôme.
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