Pourtant, son gouvernement n’aura coupé que quelques dizaines
de millions $ en culture. Qu’à cela ne tienne, cela aura
suffit à faire descendre le milieu dans la rue – deux fois
plutôt qu’une! Lors de ces manifestations, on a accusé les
conservateurs de mépriser les artistes, d’être prisonniers
de leur doctrine « néolibérale », de manquer de vision. Le
compositeur de musique fuckée Walter Boudreau a même comparé
le sort des artistes canadiens à celui des Juifs pendant la
Shoah avant de conclure une allocution par un « Heil
Harper » accompagné du salut nazi. Imaginez.
La fin du monde, comme si vous
y étiez |
Depuis le printemps dernier, le gouvernement de Stephen
Harper a donc aboli une douzaine de petits programmes,
pour des compressions atteignant un peu plus de 45 millions
de dollars. Ces programmes, aux dires de la ministre du
Patrimoine, Josée Verner, ont été coupés parce qu’ils
étaient inefficaces et que leurs coûts administratifs
étaient trop importants:
•
PromArt: 4,7 millions $
• Programme national de formation dans le secteur du
film et de la vidéo: 2,5 millions $
• Fonds des réseaux de recherche sur les nouveaux
médias: 4,7 millions $ (2006-2007)
• Fonds canadien du film et de la vidéo
indépendants: 1,5 million $
• Routes commerciales: 9 millions $
• Programme du long métrage (volets éducation et
accès): 300 000 $
• Programme de souvenirs de musique: 300 000 $
• Préservation de la musique canadienne: 150 000 $
• Observatoire culturel canadien: 560 000 $
• Culture. ca: 3,8 millions $
• Programme de distribution dans le Nord: 2,1
millions $
• Culture canadienne en ligne: 5,6 millions $
• Fonds Mémoire canadienne: 11,5 millions $ |
Dans le milieu, c’est la consternation. L’organisme Culture
Montréal a encouragé ses membres à se prononcer haut et fort
en faisant part de leur mécontentement au ministère et en
demandant au gouvernement fédéral de revenir sur ses
décisions, « qui minent l'avenir de la métropole » – rien de
moins.
Pierre MacDuff, directeur
général de la
troupe de théâtre Les Deux Mondes, estime « difficile
d'analyser rationnellement des décisions qui semblent tout à
fait irrationnelles […] Pour nous, chaque dollar [de
subvention] nous permet d'aller chercher 5,72 $ ailleurs. Ce
sont des devises qu'on dépense en partie en tournée, mais
aussi beaucoup chez nous, dans notre économie. En bout de
piste, ce sont des programmes qui ne coûtaient rien [aux
contribuables]. » Il prétend que le gouvernement a brisé le
dialogue avec les artistes, les créateurs et les organismes
qui les représentent.
L'Association canadienne
de production de films et de télévision et l'Association des
producteurs de films et de télévision du Québec se sont
aussi dites « très préoccupées » par des « réductions qui
risquent de ternir la réputation du Canada à l'étranger ».
« Faire valoir la culture canadienne sur la scène
internationale ne profite pas uniquement aux artistes, cela
contribue aussi à stimuler le tourisme, l'immigration, les
affaires et l'investissement au Canada », d’affirmer Sandra
Cunningham, présidente du conseil de l'ACPFT.
Le Mouvement pour les
arts et les lettres – qui représente environ 14 000 artistes
– s'est dit « littéralement catastrophé » par les nouvelles.
Son porte-parole a indiqué que ces décisions « appliqueront
un terrible coup de frein à un secteur ayant
considérablement contribué au rayonnement du Canada à
l'étranger. On comprend mal que le gouvernement canadien
veuille se priver d'un formidable outil de relations
publiques qui l'a pourtant si bien servi depuis des
décennies ».
De son côté, la comédienne Marie Tifo
a dénoncé « le fait que ce gouvernement-là a un
mépris total pour tout ce qui est la culture. » Des propos
qui ont trouvé échos auprès d’une autre comédienne,
Anne-Marie Cadieux, qui, elle, a parlé de « catastrophe » et
de retour à « l’obscurantisme, qui dénote un profond mépris
pour les artistes » (un mépris qui s’est traduit, l'année
dernière seulement, par l’injection de 7,9 milliards $ de
subventions par tous les ordres de gouvernement au Canada…).
D’autres, comme Guylaine
Tremblay, une autre comédienne, ont déploré le fait que
« les artistes ont encore l’air de quêter l’argent
[peut-être parce que c’est ce qu’ils font], alors qu’ils
sont une source de rayonnement dans le monde… » Ou, comme
Lorraine Pintal, directrice du TNM, ont prédit que les
coupures allaient « assassiner les petites compagnies de
théâtre et de danse, dont le mandat principal est de
rayonner à l’étranger ».
Vous pensiez que le
mandat principal d’une troupe ou d’une compagnie était de
plaire à un public?! Détrompez-vous. Le rayonnement est
devenu une fin en soi. Mais ne mettons pas la charrue devant
les boeufs. Avant de parler « rayonnement », regardons ce
que Monsieur et Madame Tout-le-monde ont pensé de cet
« assassinat », cette « catastrophe », ce « génocide
culturel » appréhendé!
Sur le plancher des vaches |
Si le milieu s’indigne, les contribuables, eux, ne semblent
pas consternés outre mesure. Selon un récent sondage, le
Parti conservateur est bon premier dans les intentions de
votes des Canadiens – et des Québécois – et on n’a assisté à
aucune vague spontanée de dénonciations citoyennes dans
les journaux, les tribunes téléphoniques ou les bulletins de
nouvelles. Ce qui fait que dans le milieu médiatico-culturel,
certains se demandent comment convaincre la
population de les suivre dans leur nouvelle croisade.
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