Je ne suis pas un savant, mais un pauvre diable qui s'appelle
Jacques Bonhomme, qui n'est et n'a jamais pu être que
travailleur.
Or, en qualité de
travailleur, payant l'impôt sur mon pain, sur mon vin, sur ma
viande, sur mon sel, sur ma fenêtre, sur ma porte, sur le fer et
l'acier de mes outils, sur mon tabac, etc., etc., j'attache une
grande importance à cette question et je la répète:
Les fonctionnaires
font-ils vivre les travailleurs, ou les travailleurs font-ils
vivre les fonctionnaires?
Vous me demanderez
pourquoi j'attache de l'importance à cette question, le voici:
Depuis quelques temps, je remarque une disposition énorme chez
tout le monde à demander à l'État des moyens d'existence.
Les agriculteurs lui
disent: Donnez-nous des primes, de l'instruction, de meilleures
charrues, de plus belles races de bestiaux, etc.
Les manufacturiers:
Faites-nous gagner un peu plus sur nos draps, sur nos toiles,
sur nos fers.
Les ouvriers: Donnez-nous
de l'ouvrage, des salaires et des instruments de travail.
Je trouve ces demandes
bien naturelles, et je voudrais bien que l'État pût donner tout
ce qu'on exige de lui.
Mais, pour le donner, où
le prend-il? Hélas! Il prend un peu plus sur mon pain, un peu
plus sur mon vin, un peu plus sur ma viande, un peu plus sur mon
sel, un peu plus sur mon tabac, etc., etc.
En sorte que ce qu'il me
donne, il me le prend et ne peut pas ne pas me le prendre. Ne
vaudrait-il pas mieux qu'il me donnât moins et me prît moins?
Car enfin, il ne me donne
jamais tout ce qu'il me prend. Même pour prendre et donner, il a
besoin d'agents qui gardent une partie de ce qui est pris.
Ne suis-je pas une grande
dupe de faire avec l'État le marché suivant? J'ai besoin
d'ouvrage. Pour m'en faire avoir tu prendras cinq francs sur mon
pain, cinq francs sur mon vin, cinq francs sur mon sel et cinq
francs sur mon tabac. Cela fera vingt francs. Tu en garderas six
pour vivre et tu me feras une demande d'ouvrage pour quatorze.
Évidemment je serai un peu plus pauvre qu'avant; j'en
appellerais à toi pour rétablir mes affaires, et voici ce que tu
feras. Tu récidiveras.
Tu prélèveras autres cinq
francs sur mon pain, autres cinq francs sur mon vin, autres cinq
bancs sur mon sel et autres cinq francs sur mon tabac; ce qui
fera autres vingt francs. Sur quoi, tu mettras autres six francs
dans ta poche et me feras gagner autres quatorze francs. Cela
fait, je serai encore d'un degré plus misérable. J'aurai de
nouveau recours à toi, etc.
Si
maladia
Opiniatra
Non vult se guarire,
Quid illi facere?
– Purgare, saignare,
clysterisare,
Repurgare, resaignare,
reclysterisare.
Jacques Bonhomme! Jacques
Bonhomme! J'ai peine à croire que tu aies été assez fou pour te
soumettre à ce régime, parce qu'il a plu à quelques
écrivailleurs de le baptiser: Organisation et Fraternité.
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