Non seulement la banque centrale crée-t-elle constamment de
l'argent à partir de rien, mais le système de réserves
fractionnaires permet aux institutions financières
d'augmenter encore plus la quantité de crédit qui circule
dans l'économie. Lorsque la création monétaire est soutenue,
une bulle financière émerge qui se nourrit d'elle-même, des
prix plus élevés permettant aux propriétaires de titres
gonflés de dépenser et d'emprunter davantage, ce qui amène
une création additionnelle de crédit, ce qui fait grimper
encore plus les prix, et ainsi de suite.
À mesure que les prix deviennent de plus en plus faussés,
des malinvestissements, soit des investissements qui
n'auraient pas été faits dans les conditions normales du
marché, finissent par s'accumuler. Malgré cela, les
institutions financières ont une incitation à embarquer dans
cette frénésie d'endettement irresponsable, sinon elles
pourraient perdre des parts de marché. La surabondance de
« liquidités » fait en sorte que des décisions de plus en plus
risquées sont prises dans le but d'accroître les rendements,
et l'effet de levier atteint des niveaux dangereusement
élevés.
Durant cette phase de spéculation exacerbée, tout le monde
semble croire que le boom se poursuivra indéfiniment. Les
seuls qui prédisent que cela finira mal sont les
Autrichiens, comme Friedrich Hayek et Ludwig von Mises l'ont
fait avant le crash de 1929, et leurs disciples au cours des
dernières années.
Que doit-on faire lorsque ce château de cartes commence à
s'effondrer, soit à cause d'une série de faillites ou parce
que la banque centrale craint de perdre le contrôle de
l'inflation? Il est évident que le crédit va s'amenuiser,
puisque tout le monde voudra se retirer des projets trop
risqués, demandera le remboursement des prêts ou placera ses
fonds dans des endroits plus sécuritaires. On n'en sort pas:
les malinvestissements doivent être liquidés; les prix
doivent retomber à des niveaux plus réalistes; et les
ressources engagées dans des projets improductifs doivent
être libérées et transférées à des secteurs où il existe une
demande réelle. Ce n'est qu'à ce moment que les capitaux
redeviendront de nouveau disponibles pour des
investissements profitables.
Les partisans de Milton Friedman, qui n'ont jamais développé
de notion de malinvestissement et qui ne soulèvent jamais de
préoccupations pendant le boom, ne comprennent pas non plus
pourquoi il mène inévitablement à un crash. Ils ne voient
que l'assèchement du crédit et blâme la Fed de ne pas avoir
suffisamment injecté de liquidités pour le prévenir.
Il faut toutefois comprendre que les banques centrales et
les gouvernements n'ont pas le pouvoir de transformer des
investissements non rentables en investissements rentables.
Ils ne peuvent forcer les institutions à prêter davantage
alors qu'elles sont dans une situation aussi précaire. C'est
pourquoi lancer de l'argent sur le problème ne règle
absolument rien. Les injections de liquidités par la Fed ont
débuté il y a plus d'une année et n'ont aucunement réussi à
empêcher une détérioration de la situation. De telles
mesures n'ont pour effet que de retarder les réajustements
du marché et de transformer ce qui devrait être une courte
récession en marasme prolongée.
Friedman – qui, contrairement à sa réputation, n'était pas
un ennemi acharné de l'inflation monétaire, mais proposait
simplement une façon de mieux la contrôler en temps normal –
avait non seulement une compréhension déficiente des cycles
économiques, mais il avait tort en affirmant que la Fed
n'était pas suffisamment intervenu durant la Dépression.
Elle a tenté à plusieurs reprises de gonfler la quantité de
crédit, mais celle-ci a tout de même diminué pour
différentes raisons. Il s'agit là d'une différence
d'interprétation cruciale entre les écoles autrichienne et
de Chicago.
Comme Friedrich Hayek l'a écrit en 1932, « Au lieu
d'encourager la liquidation inévitable des malinvestissements provoqués par le boom au cours des trois
dernières années, tous les moyens concevables ont été
utilisés pour empêcher que ce réajustement se fasse; et l'un
de ces moyens, qui a été essayé à plusieurs reprises bien
que sans succès, des premières jusqu'aux plus récentes
phases de la dépression, est celui d'une politique délibérée
d'expansion du crédit. (…) Tenter de combattre la dépression
par une expansion forcée du crédit équivaut à tenter de
résoudre le problème en ayant recours aux méthodes qui l'ont
créé… »
La confusion entourant les questions monétaires dans les
théories de l'école de Chicago est telle qu'elle pousse
aujourd'hui ses partisans à appuyer la plus gigantesque
appropriation de capitaux privés par un gouvernement dans
l'histoire du monde. En ajoutant leurs voix à ceux qui, à
gauche, appuient de telles mesures, ces prétendus défenseurs
du libre marché ne contribuent pas à « sauver le
capitalisme », mais plutôt à le conduire à sa perte.
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