Montréal, 15 octobre 2008 • No 260

 

OPINION

 

Michel de Poncins écrit les flashes du Tocqueville Magazine et est l'auteur de quelques livres.

 
 

SUBPRIME BIS

 

par Michel de Poncins

 

          L'extraordinaire ampleur de la crise mondiale est une occasion fabuleuse pour les chevaliers du socialisme de tirer à vue sur l'économie de marché et de chanter la gloire du socialisme ou de l'intervention des États dans l'économie, ce qui revient au même. Ces chevaliers du socialisme se réjouissent quasiment publiquement de la nationalisation des banques que les États sont obligés de pratiquer pour sauver les meubles.

 

          En fait, il est plus que probable que ce sont les États eux-mêmes, singulièrement l’État américain, qui sont responsables de ce qui s'est passé. En volant au secours des économies en danger, ces États ne font qu'appliquer le principe des calamités: « Une calamité d’origine publique conduit toujours à une autre calamité pour soi-disant corriger la première ».

          Vincent Bénard, président de l’Institut Hayek de Bruxelles, a décortiqué l'une des causes majeures de la crise des subprimes et l'on y aperçoit tous les traits habituels de l'action des États.
 

Monstre à deux têtes

          Deux institutions portent une lourde responsabilité dans le dérapage du système bancaire américain: Fannie Mae (FNMA) et Freddie Mac (FHLMC).

          La première fut une agence gouvernementale, créée en 1938 par Roosevelt, pour émettre des obligations à bas taux grâce à une garantie fédérale – l'objectif était d'offrir des prêts immobiliers à taux réduit pour les familles modestes.

          En 1968, le gouvernement de Johnson voyant l'ampleur prise par l’essor de ces prêts privatisa la société et Nixon créa, ensuite, la deuxième structure. L'on se trouvait donc ainsi devant deux sociétés ayant un statut privé, mais avec une garantie publique quasi officielle. C'est le pire des statuts et cela poussait inévitablement les politiciens à augmenter le nombre de propriétaires de logements parmi ces populations modestes.

          Craignant que la vérité sur le danger financier apparaisse, le pouvoir a exempté en toute légalité les deux sociétés de détailler leurs risques comme la loi oblige toute compagnie d’une façon de plus en plus contraignante. De cette façon, les deux soeurs abusives, dont les fonds propres n’étaient pas du tout suffisants, ont refinancé par des produits obligataires extrêmement complexes plus de 5000 milliards de dollars de crédits soit 40% des prêts immobiliers américains.

          Faut-il ajouter qu’en 1990, des études montrèrent que certains prêts étaient refusés à des membres des communautés noires et hispaniques? Il n'en fallait pas plus pour conduire à multiplier, pour des raisons purement idéologiques, les prêts à des personnes qui ne le méritaient pas…

          La course dans l’excès de prêts déclenchée par les grandes banques capitalistiques jointe au désordre incroyable des comptabilités s’est donc déroulée sur un socle très malsain puisque reposant sur l’intervention de l’État.
 

« La course dans l’excès de prêts déclenchée par les grandes banques capitalistiques jointe au désordre incroyable des comptabilités s’est donc déroulée sur un socle très malsain puisque reposant sur l’intervention de l’État. »


          Nous évoquions plusieurs traits du socialisme, les voici: mélange des intérêts privés et des intérêts publics, statuts hybrides, action des lobbies, défaillante de l'État et, finalement, au bout du compte catastrophe nationale et même internationale étant donné l’importance des États-Unis dans la planète financière.

          Il est surprenant et significatif que toute cette histoire se soit déroulée aux États-Unis, pays réputé pour son hostilité au socialisme. Ce qui prouve une fois de plus que le monde est compliqué et que le dirigisme est fréquent aux USA.
 

Pendant ce temps, en France...

          En France, nous souffrons aussi de l’idée arbitraire et constructiviste que tout le monde doit être propriétaire de son logement. Le résultat récurrent est que les pouvoirs lancent régulièrement des programmes dans ce sens.

          Madame Christine Boutin, actuelle ministre du Logement, s’est rendue célèbre en organisant, Place Bellecour à Lyon, une grandissime parlotte – avec fêtes inévitables – pour résoudre d’un seul coup la crise du logement dont le pouvoir qu’elle incarne est, pourtant, totalement responsable. Comme cela ne suffit pas et que les pauvres ont du mal à se loger, elle a lancé un nouveau programme. Certaines personnes pourraient accéder à la propriété d’une maison individuelle ou d’un appartement pour 19 euros par mois!

          Deux effets résulteront de cette folle entreprise.

          D’abord, les logements construits seront de mauvais produits comme il en fut naguère de projets similaires. La corruption, qui est une des valeurs de la République, jouera forcément dans l’attribution des marchés juteux en perspective.

          Ensuite, l’argent public déversé abusivement contribuera à l’effet de ruine habituel et, par voie de conséquence, à la paupérisation générale – laquelle frappe davantage les plus modestes. Un des principes de la République Fromagère (R.F., pour les intimes) est que toute action publique se retourne régulièrement contre ses buts prétendus.

          La seule consolation est que ces dérapages n’iront pas très loin, car ils risquent de s’enliser dans les sables mouvants de la « bourreaucratie » à la française qui sont aussi redoutables et bien connus que ceux de la « Merveille ».