Si
tel avait été leur véritable sujet de préoccupation, ils
auraient évidemment tenu un référendum sur ce sujet et non
sur le mariage gai lui-même. Mais là n'est pas le problème.
Le problème est que, lorsque l'enseignement est un « bien
public », il appartient à l'État, de telle sorte qu'il
appartient à tout le monde en général et qu'il ne revient
donc, de droit, à personne en particulier d'en décider.
Dans un système
d'enseignement véritablement privé, leurs propriétaires
seraient en droit de gouverner leurs entreprises d'éducation
et ils le feraient conformément à la demande de leurs
clients, les parents d'élèves. Il y aurait alors une
anarchie bien ordonnée d'écoles ayant chacune une approche
particulière de la question. Certaines, comme cela se fait
déjà, feraient de mariages gais des teachable moments,
occasions de visites scolaires et d'apprentissage du
respect. D'autres se contenteraient d'exposer les faits, et
de promouvoir la tolérance. D'autres encore n'en parleraient
au grand jamais, ou bien seulement pour inculquer, Bible à
la main, qu'il s'agit là d'un terrible péché.
Dans un système
d'enseignement public (et privé accrédité), tel n'est pas le
cas. Aucun droit individuel n'y étant clairement défini, ce
n'est pas son propriétaire qui gouverne sa propriété, mais
le plus fort (politiquement) qui gouverne et impose le type
d'enseignement qu'il préfère au plus faible.
Deuxièmement, de la même
façon que l'enseignement, le mariage est, en Californie
comme ailleurs, un bien public. Plus précisément, l'État
offre ici, étrangement, un service public d'union. (Je dis
étrangement, parce que je vois mal comment justifier
rationnellement le fait que l'État doive offrir un tel
service public).
Là encore, ce bien public
n'appartenant à personne, seule règne la loi du plus fort,
par laquelle les opposants au mariage gai interdisent aux
couples de même sexe l'accès à ce service public, ainsi qu'à
tous les bénéfices qui s'y attachent. À mille lieues de
« l'égalité devant la loi » dont il ose prétendre qu'elle
est sa devise, l'État traite de fait différemment ses
citoyens selon le statut qu'il leur donne – par exemple, le
fait qu'il les ait mariés ou non.
Et, à nouveau, ce
problème sans solution ne se poserait simplement pas si le
mariage n'était pas un service public. Si l'État n'unissait
personne, ni n'octroyait aucun privilège, mais se contentait
de faire respecter la liberté et le contenu des contrats –
mieux, s'il laissait de meilleures organisations s'en
charger – alors émergerait une anarchie bien ordonnée dans
laquelle n'importe quelle Église, organisation, ou personne,
serait libre de marier n'importe qui et d'offrir, ou non,
ses services aux couples homosexuels.
D'une manière générale,
ce n'est que dans le cas des biens publics, c'est-à-dire
« d'État », qu'il y a conflit entre différentes conceptions,
parce que celles-ci doivent s'affronter et s'imposer pour
s'emparer d'un seul et même bien « commun à tous ». Un tel
problème n'existe simplement pas lorsqu'il n'est question
que de l'échange de biens privés.
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