Aujourd'hui, Greenspan est un vieil homme probablement
réellement en désarroi, qui cherche à sauver sa réputation
pour la postérité après avoir vendu son âme à l'État pendant
la dernière partie de sa vie. Son explication est, dans
cette perspective, peut-être la défense la plus appropriée,
celle qui limite le plus les dégâts.
Comme je l'ai expliqué
dans
un récent billet posté sur le Blogue du QL, il
faut distinguer les deux causes de la crise. L'expansion de
la masse monétaire a créé une bulle et de la spéculation
effrénée – c'est la première cause fondamentale. La raison
pour laquelle cette bulle a surtout émergé dans le secteur
immobilier est l'existence de lois comme le Community
Reinvestment Act et d'organismes comme Fannie et Freddie
qui ont incité et subventionné la distribution d'hypothèque
à des millions de personnes qui n'avaient pas les moyens de
s'acheter une maison – c'est la deuxième cause accessoire.
Greenspan a clairement
été responsable de la première cause. Mais il n'a pas du
tout fait cet aveu. Il continue au contraire de prétendre
qu'il était impossible de savoir si on était dans une bulle,
et qu'il y avait des circonstances internationales
impossibles à contrôler (une trop grande quantité d'épargne
dans le monde, a-t-il bizarrement affirmé à plusieurs
reprises) qui rendaient sa tâche difficile. Comme s'il était
difficile de prévoir ce qui va se passer si l'on baisse les
taux d'intérêt à 1% et on injecte des milliards de dollars
de liquidités à chaque occasion qui se présente!
Au lieu de cela,
Greenspan avoue avoir découvert une faille dans sa
compréhension de la seconde cause. Si les marchés immobilier
et hypothécaire avaient été très strictement réglementés
pour rendre impossibles les excès et la spéculation qui ont
eu lieu, il est en effet possible de croire que la bulle ne
se serait pas développée dans ce secteur. Mais l'argent
injecté n'aurait pas disparu: la bulle aurait simplement
gonflé ailleurs, comme elle l'a fait précédemment dans le
secteur de la haute technologie ou dans les marchés
émergents.
Bref, ce que nous dit
Greenspan, c'est que sa politique monétaire était, compte
tenu des circonstances, correcte; mais qu'il a eu tort de
croire que les marchés (totalement faussés par cette
politique monétaire) pourraient s'auto-réglementer pour
éviter une bulle. Si l'on accepte la première affirmation,
la seconde est tout à fait juste. Les marchés faussés ne
pouvaient en effet pas s'auto-réglementer dans un tel
contexte. La solution à ce problème n'était toutefois pas de
réglementer très strictement ces marchés pour empêcher
l'émergence de la bulle. Il aurait fallu alors réglementer
toute l'économie pour éviter que la bulle émerge
ailleurs. La solution était plutôt de mener une politique
monétaire plus responsable et prudente (en présumant qu'on
reste dans la même logique de planification centralisée de
la politique monétaire).
Greenspan croit-il
vraiment ce qu'il dit? A-t-il pu oublier complètement les
principes qu'il défendait il y a 40 ans, alors que Ron Paul
les lui rappelait constamment lors de ses comparutions
devant le comité des finances de la Chambre des
représentants? Je n'en sais rien. Mais chose certaine, son
aveu est beaucoup moins lourd de conséquence que s'il avait
admis que la politique monétaire qu'il avait menée pendant
18 ans était elle-même un échec.
Ariane Krol termine son
article en constatant que « rares sont ceux qui, comme lui,
ont eu l'honnêteté intellectuelle de la [son idéologie
libertarienne] remettre en question ». Voilà, nous qui
pensons que la crise vient spectaculairement confirmer nos
théories au lieu de les remettre en question, nous sommes
des malhonnêtes intellectuels. De mon côté, je ne doute pas
de l'honnêteté intellectuelle de Krol, qui croit sans aucun
doute fermement tous les sophismes économiques et les
poncifs interventionnistes qu'elle nous sert presque
quotidiennement dans ses éditoriaux. Je doute surtout de sa
capacité intellectuelle à écrire autre chose que des
insignifiances.
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