Montréal, 15 novembre 2008 • No 261

OPINION

 

Terence Corcoran est rédacteur en chef du Financial Post.

 
 

POURQUOI LA FOLIE INTERVENTIONNISTE FAIT CHUTER LES MARCHÉS *

 

par Terence Corcoran

 

          La volte-face d'Henry Paulson, le 12 novembre dernier, concernant le plan de renflouement de 700 milliards $ des marchés financiers concocté à Washington devrait être la goutte qui fait déborder le vase. Il est maintenant grand temps que les gouvernements du G20, incluant ceux de Washington et d'Ottawa, appellent à un moratoire sur les plans de renflouement et de relance, les injections de liquidités et l'accès accru aux capitaux, les plans de sauvetage et les garanties hypothécaires, les augmentations de limite des dépôts bancaires assurés et les subventions au crédit.

 

          Pour dire les choses crument: ces mesures – du surprenant changement de position de M. Paulson au programme bidon de relance de la Chine en passant par les annonces qu'on peut déjà anticiper lors de la rencontre du G20 cette fin de semaine – sont toutes en train de compromettre le rétablissement des marchés financiers mondiaux. Pour compliquer davantage les choses, le monde est aujourd'hui confronté à l'arrivée prochaine d'un gouvernement Obama déterminé à lancer de nouvelles initiatives, y compris un plan de renflouement de l'industrie automobile et des programme de plus en plus ambitieux visant à « stimuler » une économie qui est en train de se noyer dans trop de plans de relance.

          La raison pour laquelle cette suite interminable d'interventions, la plus radicale et massive de toute l'histoire financière, ne fonctionne pas et empire au contraire la situation, est assez simple. Elles sont conçues pour subvertir les réalités du marché et ce faisant, elles font en sorte de nous empêcher de prendre des décisions rationnelles par rapport à ce marché – des décisions concernant notre argent, nos emplois, nos investissements, nos dépenses. Ces mesures sont confuses, incohérentes, opaques, mystérieuses, extrêmes, sans point de repère et de toute évidence irréfléchies. Toutes ces raisons sont bonnes pour chercher la porte de sortie, ce qui est exactement ce que font les investisseurs sur les marchés boursiers.

          Chaque fois qu'un secrétaire américain au Trésor, un ministre canadien des Finances, un dirigeant britannique d'une banque centrale ou un responsable communiste chinois annonce une quelconque nouvelle initiative, ou modifie un plan déjà annoncé, ou déclare que d'autres mesures devront être prises dans un proche avenir, les gens qui prennent des décisions économiques concrètes s'enfoncent encore un peu plus profondément dans l'inconnu.
 

« La raison pour laquelle cette suite interminable d'interventions, la plus radicale et massive de toute l'histoire financière, ne fonctionne pas et empire au contraire la situation, est assez simple. »


          Les consommateurs ne savent pas s'ils doivent acheter ou non une nouvelle voiture, les prêteurs ne savent pas s'ils doivent allonger les fonds aux acheteurs de voiture, les fabricants de voitures ne savent pas s'ils doivent en construire de nouvelles, et les investisseurs évitent de placer leur argent dans le secteur de l'automobile. Le lien de confiance entre tous ces acteurs a été brisé.

          Les marchés ont cessé de fonctionner à cause de la peur et de l'incertitude que suscite cette absence d'information. Les banques centrales, y compris la Banque du Canada et la Réserve fédérale américaine, ont prêté des milliards de dollars à des institutions dont elles refusent de dévoiler l'identité. Des régulateurs qui prétendent que le manque de transparence a été à l'origine de la crise dissimulent maintenant leurs propres activités derrière un épais rideau. Une tentative de l'agence de nouvelle Bloomberg de briser cette règle du secret par un recours juridique pourrait apporter un peu de lumière.

          Quelles sont les institutions financières américaines qui battent de l'aile? Personne ne le sait. Les saisies de propriétés aux États-Unis ont-elles atteint des niveaux catastrophiques? Personne ne le dit en des termes qui peuvent être compris des investisseurs et des banquiers. Si les investisseurs pouvaient cependant savoir quelles sont les institutions en difficulté, les efforts d'ajustement se concentreraient sur celles-ci. Tenus dans l'ignorance, ils ne peuvent que se retirer de tout le marché. […]

          Il est déjà difficile de suivre chaque jour toutes les initiatives prises à l'échelle nationale et internationale. Essayer de les comprendre est un défi encore plus insurmontable, notamment parce que les gouvernements génèrent des programmes et des idées qui découlent de préoccupations politiques et bureaucratiques au lieu de s'ancrer dans des principes de marché.

          Lorsque de futurs historiens se pencheront sur cette crise, il est probable qu'ils expliqueront comment des difficultés financières initialement graves mais tout de même gérables auront été amplifiées par les pires gaffes de politiques publiques de l'histoire économique.

 

* Cet article est une traduction (de Martin Masse) légèrement réduite d'un article paru dans le Financial Post, le 13 novembre dernier.

 

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