Malheureusement, nous ne vivons pas dans un tel monde où les marchés
de crédits sont libres. Nous vivons dans un monde où une agence
centrale de planification de la monnaie fausse constamment ces
marchés en manipulant les taux d'intérêt et la quantité de crédit
disponible dans l'économie.
Qu'arrive-t-il lorsque les banques centrales réduisent les taux
d'intérêt, comme la Banque du Canada l'a fait encore une fois le 21
octobre dernier? Tout d'abord, épargner devient moins avantageux et
s'endetter moins coûteux, ce qui a pour conséquence qu'il y a moins
de crédit réel disponible sur les marchés – du crédit qui s'appuie
sur des fonds réellement épargnés. Au même moment, puisque les prêts
sont moins coûteux et plus faciles à obtenir, plus de projets
d'investissements marginalement moins rentables deviennent
soudainement plus attrayants.
Et pourtant, quoi qu'il se passe avec ce taux d'intérêt fixé
artificiellement, les ressources réelles ne deviennent pas
soudainement plus abondantes. Dans un libre marché du crédit, un
plus bas taux d'intérêt reflèterait la plus grande disponibilité de
ressources à investir. Mais dans notre féérique monde monétaire, il
est tout simplement le résultat d'une injection plus grande dans le
système financier de papier-monnaie sans contrepartie réelle dans
l'économie.
C'est ce phénomène que les économistes de l'école autrichienne
décrivent lorsqu'ils parlent de « malinvestissements ». Lorsque les
taux d'intérêt sont artificiellement poussés plus bas qu'ils
devraient l'être, des projets d'investissements sont entamés qui ne
reflètent pas l'état réel de la demande et de la disponibilité des
ressources. Cela fait grimper les prix dans des secteurs spécifiques
où les nouveaux fonds circulent en premier. Éventuellement, les
investisseurs réalisent que leurs projets ne seront jamais
rentables; les consommateurs qui s'étaient endettés se rendent
compte qu'ils ne peuvent pas vraiment se permettre des achats qu'ils
ont faits à des prix exagérés; et les institutions financières se
retrouvent avec d'énormes quantités de mauvaises créances qu'elles
n'auraient jamais dû émettre.
S'il y a si peu de crédit disponible aujourd'hui, c'est parce qu'il
est coincé dans ces malinvestissements et qu'il y a peu d'épargne
réelle pour réalimenter les marchés, les taux d'épargne des ménages
stagnant autour de 0% de nos jours. Ceux qui pourraient avoir des
fonds à prêter seront également réticents à le faire aussi longtemps
qu'ils auront de la difficulté à déterminer quel emprunteur est
solvable et lequel ne l'est pas. Toutes ces mauvaises créances
doivent d'abord être liquidées si l'on souhaite libérer les
ressources accaparées par des usages improductifs. Brandir une
baguette magique pour «stimuler le crédit» ne changera pas cette
réalité.
Bien que de tout temps les gouvernements soient intervenus dans le
système bancaire et aient provoqué des booms et des crashs
économiques, le système d'étalon-or permettait au moins d'empêcher
des dislocations financières aussi massives que celles qu'on observe
aujourd'hui. À cette époque présumément moins éclairée, on ne
pouvait pas créer de l'argent et du crédit à partir de rien et les
institutions financières ne pouvaient se permettre d'utiliser
l'effet de levier avec des ratios aussi précaires qu'aujourd'hui.
Maintenant que notre monnaie n'est plus liée à l'or, les
gouvernements ont effectivement le pouvoir de venir à la rescousse
de tout le monde, même si cela a pour effet de tous nous appauvrir
un peu plus. Mais c'est parce qu'ils ont aussi obtenu le pouvoir de
créer le problème en premier lieu.
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