Les taux d'intérêt fixés régulièrement par les banques
centrales servent justement à déterminer le coût de ces
prêts. Dans le cas de la Fed (le principe est le même
partout mais les mécanismes ne sont pas exactement les mêmes
au Canada et ailleurs), le Fed Funds Rate détermine le taux
auxquels les banques peuvent se prêter d'une journée à
l'autre les réserves de trop placées dans les coffres de la
Fed dont elles disposent. C'est le principal taux d'intérêt
qui est rapporté dans les nouvelles financières. Il s'agit
d'un taux cible, pas nécessairement celui du marché, mais la
Fed va utiliser ses autres « leviers » pour injecter ou
retirer de l'argent et ainsi manipuler la quantité de
réserves détenues par les banques pour que le taux du marché
rejoigne le taux qu'elle fixe.
La logique est relativement simple: plus le taux est bas,
moins il est coûteux d'emprunter, et plus le crédit devient
facile. Lorsque le taux (qui est pour des prêts à très court
terme) de la banque centrale baisse, on s'attend à ce que
les banques commerciales baissent leurs autres taux à moyen
et long terme. Les emprunteurs deviennent plus nombreux,
empruntent plus, et la masse monétaire augmente. À
l'inverse, si le taux augmente, il devient plus coûteux de
s'endetter et la masse monétaire aura tendance à se
contracter.
Il existe un second taux, le Discount Rate, qui est celui
des fonds empruntés directement à la Fed par les banques
commerciales. Il ne s'agit pas d'un taux de marché, puisque
la Fed est le seul prêteur. Ce type d'emprunt était moins
utilisé ces dernières décennies mais il semble qu'il joue de
nouveau un rôle important puisqu'il permet à la Fed encore
une fois de contrôler plus directement l'injection de fonds
dans les banques, en augmentant ou réduisant son taux.
Les fameuses « facilités » sont une façon additionnelle de
prêter aux institutions financières. L'année dernière, les
banques centrales de la plupart des pays ont mis en place
des « enchères » de liquidités, à coups de dizaines de
milliards de dollars, mois après mois. Les banques ayant
besoin de liquidités (à cause de prêts insolvables et
d'investissements douteux gigantesques dans le fameux papier
commercial et les titres adossés aux subprimes qui
grugeaient leurs réserves) pouvaient offrir des titres en
garantie (collaterals en anglais) aux banques
centrales, et celles qui offraient les paniers de titres les
plus avantageux recevaient en échange des fonds
correspondant à la valeur nominale (at face value) de
ces titres.
Évidemment, la crise était due au fait que la valeur
nominale de ces titres ne correspondait plus du tout à leur
valeur réelle. Concrètement, tout ce qu'on faisait était
donc de transférer le risque d'investissement à la banque
centrale (c'est-à-dire à nous tous) et de permettre aux
institutions financières ayant fait ces investissements de
s'en sortir indemne. Du point de vue de la logique
interventionniste (keynésienne et monétariste) visant à
soutenir le crédit, on permettait ainsi aux banques de se
débarrasser de mauvaises créances et d'avoir des réserves
fraîches de liquidités à prêter de nouveau.
En théorie, tous ces fonds empruntés à la banque centrale
par les banques commerciales (par opposition à la situation
où la banque centrale achète des bons du trésor) doivent
être éventuellement remboursés. Ils n'augmentent donc la
masse monétaire que temporairement. C'est ce qu'on nous
disait l'an dernier pour expliquer que ces emprunts
n'auraient pas d'effet inflationniste, puisque les banques
centrales allaient s'en débarrasser dès que la situation
reviendrait à la normale.
Sauf
que la banque centrale peut renouveler indéfiniment un prêt
ou garder indéfiniment des titres placés en garantie et ne
jamais exiger de remboursement. Dans ce cas, l'effet est le
même que si elle les avait achetés, et la masse monétaire
augmente d'autant. Cela a aussi l'effet pervers de renflouer
les institutions qui avaient fait ces investissements
imprudents, ce qui n'est pas le cas lorsqu'elle achète des
bons du trésor de la manière traditionnelle.
Il
existe d'autres moyens encore plus obscurs et moins
importants de manipuler les réserves des banques et
d'augmenter ou de réduire la masse monétaire, mais en gros,
ce sont ces mécanismes auxquels on a recours depuis le début
de la crise actuelle.
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